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Impasse factice

Juridiquement, la crise présidentielle est factice ; la vérité, c’est que, notamment sous la pression saoudienne, la majorité est interdite de gouverner. Dès lors qu’a cessé l’occupation syrienne, il suffit à la majorité parlementaire de voter une loi ouvrant à nouveau, la force majeure ayant cessé, le délai de quinzaine requis pour un recours contre la loi de prorogation. Le Conseil constitutionnel est sous son contrôle virtuel, puisque la loi récemment votée déclare expiré le mandat de tous les membres nommés sous l’empire syrien, plaçant entre ses mains, au Parlement et au Conseil des ministres, les nominations de remplacement. Il prononcera la nullité de la prorogation, sur pied de l’article 76 de la Constitution, en vertu duquel la Constitution, loi fondamentale de l’État, sur le texte de laquelle les minorités qui composent le pays ont accepté de jeter les armes, ne peut être amendée que si le chef de l’État, en personne, assume la responsabilité d’en présenter un projet de loi, ou, selon une interprétation plus laxiste, d’en faire la proposition (« Bina’an Aala Iktiraahh Raïs el-Joumhouriya »). Or trop fier pour rien demander pour lui-même comme il l’avait déclaré au journal as-Safir, engagé dans un bras de fer avec le président du Conseil, il n’a pas eu l’audace, qui eût été salutaire pour la loi de prorogation, ou l’humilité, de demander à demeurer en poste après l’expiration de son mandat constitutionnel. Bien plus, le président a quitté la réunion du samedi 28 août 2004, pour laisser les ministres « débattre d’une question qui le concerne », comme si non seulement il n’assumait pas la responsabilité qui est demandée au chef de l’État pour ouvrir sur l’aventure d’amender la Constitution, mais qu’il en avait comme honte. Pour parachever le processus irrégulier, le décret 13 259, par lequel le gouvernement a transmis le projet d’amendement à la Chambre, a été édicté, non sur sa proposition, mais « sur la proposition du président du Conseil », celui-là même qui avait déclaré que, lui fracturât-on la main, il ne l’approuverait pas. Lorsque la loi que le chef de l’État a eu honte de proposer aura été annulée, que le président aura été donc destitué, seul le Parlement – puisqu’en 1990 il a rejeté la disposition de l’accord de Taëf attribuant au Conseil constitutionnel la prérogative d’interpréter la Constitution par règlement, se la réservant, au contraire, conformément à l’usage en cours jusque là – pourra interpréter l’article 49 de la Constitution, sur le point de savoir s’il faut lui faire dire ce qu’il ne dit pas en apparence, à savoir que l’élection du président de la République est soumise à un quorum des deux tiers des membres de la Chambre. La majorité est donc en mesure, en droit, d’imposer la bonne interprétation de l’article 49, (a) conforme, d’abord, au texte tel qu’éclairé par sa limpide version française, également officielle, en vertu de l’article 16 de l’Acte de mandat de la SDN, lorsqu’il a été établi, (b) fidèle, ensuite, à l’esprit de la Constitution, de laquelle il ressort, sans que la contrainte d’espace ici ne permette la démonstration, qu’elle résiste par beaucoup de ses dispositions à la vacance du poste présidentiel, (c) nécessaire, enfin, pour gouverner le pays, car la règle inventée du quorum des deux tiers a pour effet que le président élu, si ce consensus extraordinaire est jamais trouvé, est un homme faible qui n’a déplu à personne et n’inquiète aucun, et s’il n’est pas trouvé, est alors le pion d’une puissance étrangère, sur les chars de laquelle il aura été imposé à la Chambre. On l’aura compris, autant que l’impossibilité juridique de destituer le président, l’épouvantail du quorum requis pour élire son successeur est fictif. Maîtresse donc de destituer le président et de faire élire son successeur, la majorité parlementaire peut empêcher que le char du pouvoir, tiré par deux chevaux, à hue par le noir et à dia par le blanc, verse dans le fossé. Si elle a préféré se noyer dans le dialogue, démobiliser ses partisans, laissant à la partie adverse l’initiative et notamment la rue, c’est parce que l’Arabie saoudite, qui a sur elle une influence prépondérante, terrifiée par le chantage à l’Iran que lui fait la Syrie, craignant surtout de sa minorité chiite, assise sur son pétrole dans la partie orientale de son territoire, vers laquelle le feu de paille sunnito-chiite qui consume l’Irak voisin peut se propager, l’a interdite de gouvernement, de telle sorte que MM. Hariri et Nasrallah sont engagés dans des réunions marathoniennes stériles, et que le plus irrédentiste, M. Joumblatt, récemment revenu d’un voyage au royaume, nous paraît singulièrement assagi. Bassam ONAISSI Avocat à la cour
Juridiquement, la crise présidentielle est factice ; la vérité, c’est que, notamment sous la pression saoudienne, la majorité est interdite de gouverner.
Dès lors qu’a cessé l’occupation syrienne, il suffit à la majorité parlementaire de voter une loi ouvrant à nouveau, la force majeure ayant cessé, le délai de quinzaine requis pour un recours contre la loi de...