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Société Les autochtones de Dubaï se protègent dans cet émirat en perpétuelle mutation

On les voit dans l’administration, réunis dans des centres commerciaux et des cafés, ou au volant de luxueuses voitures aux vitres teintées qui ne laissent apparaître que des silhouettes sur les routes de Dubaï. Sinon, les indigènes de l’émirat vivent en cercles fermés. Face au boom immobilier qui attire chaque année des dizaines de milliers d’expatriés et de travailleurs asiatiques et où on table sur 15 millions de touristes en 2010, une grande partie de la population autochtone, minoritaire, est allée se réinstaller à la périphérie de Dubaï pour préserver ses traditions tribales et valeurs familiales. Nombreux sont ceux qui sont fiers des réalisations de l’émirat, mais des voix s’élèvent de plus en plus pour parler d’isolement, s’interroger sur le coût social et politique de la modernisation rapide. À plusieurs kilomètres de l’aéroport de la ville, en cours d’extension pour 4,1 milliards USD, ont émergé dans les sables du désert deux cités : « Mizher 1 » et « Mizher 2 ». Des rangées de villas à deux niveaux, propriétés d’Émiratis, ont rapidement empiété sur ce qui restait du désert et d’une oasis. Ont été également construits deux magasins et 25 mosquées dans le secteur d’une superficie de quelque 200 km2. « Il y a trois ans, je vivais à Hamria, mais il a été envahi par des Indiens, des Pakistanais et des célibataires. C’est pourquoi je suis venu ici », affirme Souhaïl al-Awadhi, 37 ans, un haut cadre municipal, en référence à un quartier de la vieille ville. Selon lui, comme tous les Émiratis, ceux de « Mizher » ont reçu gratuitement du gouvernement des parcelles de terrains, et des prêts sans intérêt leur ont été accordés. M. Awadhi, marié et père de quatre enfants, dit se sentir plus à l’aise et en sécurité lorsqu’il vit parmi des Émiratis qui, selon des estimations semi-officielles, ne représentent que 10 % d’une population de quelque 1,4 million d’habitants à Dubaï. Dubaï est l’un des sept membres de la fédération des Émirats, qui comptent au total quelque 4 millions d’habitants dont moins de 20 % sont des indigènes. Indiens et Pakistanais représentant près de la moitié de la population. « Je veux que mes enfants jouent avec d’autres enfants émiratis », souligne M. Awadhi qui, comme son voisin Mohammad al-Muheiri, 23 ans, se plaint du flux des étrangers, des encombrements et de la montée de la criminalité. Même s’ils affirment ne pas avoir de problèmes de communications avec les étrangers, ils assurent qu’ils ne s’aventurent jamais sur des plages ou dans des hôtels fréquentés par des Occidentaux de crainte d’offenser leurs sensibilités islamiques. « Les étrangers constituent, avec leurs bars et boîtes de nuit, un monde à part. Et même si nous traitons avec eux, cela ne veut pas dire que nous partageons leurs valeurs ou styles de vie », précise M. Muheiri, un étudiant. Dans un récent livre intitulé Ma vision, cheikh Mohammad ben Rached al-Maktoum, émir et architecte de Dubaï, explique qu’il voudrait faire de l’émirat un lieu de rencontre et de brassage entre les valeurs orientales et occidentales, comme fut Cordoue, la capitale du califat islamique en Espagne au Xe siècle. Mais l’édification de cités comme Mizher est la preuve qu’on est encore loin du brassage souhaité, certains Émiratis ne partageant même pas cette vision. « Plusieurs personnes s’opposent à ce boom et se demandent pour qui nous construisons tous ces projets », dit Ibtissam Souhail, une enseignante de sciences politiques à l’université émiratie d’al-Aïn. « On ne se sent plus dans son pays. Il y a un profond sentiment d’isolement chez les Émiratis », ajoute cette résidente de Mizher, soulignant le manque d’études sur l’impact social du développement rapide ou le déséquilibre démographique dans l’émirat où une loi autorisant les étrangers à devenir propriétaires immobiliers a été adoptée en mars.

On les voit dans l’administration, réunis dans des centres commerciaux et des cafés, ou au volant de luxueuses voitures aux vitres teintées qui ne laissent apparaître que des silhouettes sur les routes de Dubaï. Sinon, les indigènes de l’émirat vivent en cercles fermés.

Face au boom immobilier qui attire chaque année des dizaines de milliers d’expatriés et de...