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Actualités - OPINION

LE POINT Gambit iranien

D’un côté, il y a l’Iran, soudain devenu conciliant et qui se déclare prêt à reprendre les pourparlers avec la troïka France-Allemagne-Royaume-Uni pour peu que le Vieux Continent « accepte la réalité et l’irréversibilité » de son programme nucléaire. Il y a, d’un autre côté, les États-Unis qui arrêtent tout net les roulements de tambour de guerre pour annoncer leur intention de se joindre aux discussions à condition que Moscou et Pékin acceptent l’éventualité de sanctions. C’est dire que, dans cette bien étrange partie de « hou ! fais-moi peur », bien malin qui pourrait reconnaître le chat de la souris. Depuis le temps que durait la joute politico-diplomatique, sur fond de roulements de tambour, on avait fini par ne plus s’y retrouver tant la situation devenait, au fil des jours, de plus en plus complexe, avec son enchevêtrement d’intérêts et d’arrière-pensées. Hier, c’est le brave Mohammad el-Baradei, en gardien des dogmes, qui s’est chargé de rappeler quelques vérités élémentaires à ceux que paraissait tenter l’aventure militaire. Téhéran, a rappelé le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ne pose pas de danger immédiat. Il a ajouté, afin que nul ne l’ignore : « Le monde doit agir avec précaution pour éviter les erreurs commises avec l’Irak et la Corée du Nord. » Suivez son regard... Il y a peu, Joseph Cirincione, du Carnegie Endowment for International Peace, observait que Washington avait adopté à l’égard de la République islamique la tactique qui avait débouché en 2003 sur la désastreuse aventure mésopotamienne. Et de citer le vice-président Dick Cheney, qui avait donné le la, dans un discours axé sur la menace représenté par un pays pétrolier du Moyen-Orient. La secrétaire d’État Condoleezza Rice avait suivi, dans une déposition devant le Congrès, affirmant que cette nation constituait « le plus grand défi pour le monde ». Ce fut ensuite au tour du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld de dénoncer « ce principal partisan du terrorisme international », alors que George W. Bush, histoire sans doute de ne pas demeurer en reste, rendait les mollahs responsables de tous les malheurs de ses « boys » sur les bords de l’Euphrate. On pourrait arguer que tout cela fait partie d’un arsenal dissuasif dûment éprouvé mais le fait est que la communauté internationale, échaudée par le précédent irakien, ne pouvait ignorer que le pire pouvait se produire à tout moment. Surtout que, relayé à intervalle régulier par les faucons israéliens, le camp militaro-industriel – généreusement représenté au sein de l’Administration républicaine – se chargeait de rappeler combien il était dangereux de laisser les apprentis sorciers jouer ainsi avec le feu de l’arme absolue. L’essentiel est que, chacun ayant interprété sa partition, on semble avoir décidé d’écouter la voix de la sagesse. Que dit-elle, cette voix ? On le saura aujourd’hui, à l’occasion des discussions, à Vienne, dans un cadre P5+1, celui représenté par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité auquel se joindra l’Allemagne. En début de semaine, Téhéran, par la voix de son ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki, s’était dit disposé à reprendre avec les Européens le dialogue interrompu depuis août 2005, et cela sans condition préalable. Étant entendu que la perspective d’une porte de sortie honorable demeure présente, représentée par l’offre de la Russie d’enrichir chez elle l’uranium iranien, comme vient de le rappeler son ministre des Affaires étrangères Sergueï Ivanov. Question un rien innocente : et si toutes les assertions concernant ce fameux programme relevaient des tartarinades destinées à épater la galerie mais aussi à consolider les assises d’un régime qui, quoi que l’on dise, a quelque peu perdu de son lustre d’antan ? On le sait maintenant : l’hexafluoride utilisé dans la centrale de Bouchehr ainsi que dans d’autres usines avait été fourni en 1991 par la Chine, quelque temps avant que ce pays ne ratifie le Traité de non-prolifération. La révélation de cette transaction avait été faite a posteriori par ... Pékin, ce qui avait permis aux USA de déclencher l’hallali. Des coups de Jarnac pareils ne peuvent étonner que les âmes naïves qui imaginent les rapports internationaux régis par la loyauté et la franchise. Il reste que la révélation qui vient d’en être faite aura permis de découvrir que l’avancée réalisée par Téhéran n’est pas aussi importante qu’on le pensait. Mais en laissant accroire qu’ils avaient déjà maîtrisé la technologie nécessaire à la fabrication de la Bombe, Mahmoud Ahmadinejad et ses maîtres se seront donné l’opportunité de négocier, le moment venu, à partir d’une position de force. Chapeau l’artiste ! Quand on vous disait que les lointains ancêtres de ces diables d’hommes avaient jadis inventé le jeu d’échecs alors que l’Europe n’avait pas encore découvert la roue... Christian MERVILLE
D’un côté, il y a l’Iran, soudain devenu conciliant et qui se déclare prêt à reprendre les pourparlers avec la troïka France-Allemagne-Royaume-Uni pour peu que le Vieux Continent « accepte la réalité et l’irréversibilité » de son programme nucléaire. Il y a, d’un autre côté, les États-Unis qui arrêtent tout net les roulements de tambour de guerre pour annoncer leur...