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INTERVIEW - Beyrouth accueille le ministre français de l’Éducation nationale pour le 10e anniversaire du programme Cedre Gilles de Robien à « L’Orient-Le Jour » : « Chirac m’a chargé d’un message d’amitié et de solidarité aux Libanais »

Le ministre français de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Gilles de Robien, est attendu aujourd’hui à Beyrouth pour célébrer les dix ans du programme Cedre, un programme de coopération entre la France et le Liban, pour l’évaluation et le développement de la recherche. Pour l’occasion, M. de Robien a accordé une interview à « L’Orient-Le Jour », au cours de laquelle il a dressé un bilan du programme Cedre et évalué la coopération franco-libanaise en matière d’éducation. Une coopération qui accorde une place de taille à l’enseignement du français et en français. Gilles de Robien a également abordé certains aspects de la politique éducative française, notamment l’échec du CPE, les défis de son ministère et les conséquences de l’affaire Clearstream sur le gouvernement. Alors qu’il doit remettre, durant son court séjour, un message du Premier ministre français, Dominique de Villepin, à son homologue libanais Fouad Siniora, Gilles de Robien tient surtout à adresser un message d’amitié et de solidarité aux Libanais de la part du président français Jacques Chirac, et à marquer la poursuite de l’engagement de la France aux côtés du Liban. «L’Orient-Le Jour » : Dans quel cadre se situe votre visite au Liban ? Gilles de Robien : Je suis particulièrement heureux de me rendre aujourd’hui au Liban. C’est en effet la première visite d’un membre du gouvernement français depuis le printemps 2003 et il est, je crois, symbolique que ce soit le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui fasse cette visite, car ces domaines sont au cœur de notre coopération. Je viens donc marquer la poursuite dans la durée de l’engagement de la France à vos côtés. C’est pourquoi le président de la République m’a chargé d’un message d’amitié et de solidarité à l’égard de tous les Libanais. De même, le Premier ministre, Dominique de Villepin, m’a demandé de remettre un message au Premier ministre Siniora que j’aurai le plaisir de rencontrer. O-J : Ces raisons se situent-elles dans le cadre de la coopération en matière d’éducation ? G. R. : Comme vous le savez, le Programme de coopération pour l’évaluation et le développement de la recherche, plus connu sous le nom de Programme CEDRE, fête ses dix ans. Je viens d’abord pour m’associer, avec votre Premier ministre, à la célébration de ce programme, créé par la volonté conjointe du président Jacques Chirac et du président Rafic Hariri. Je viens aussi témoigner de la qualité et de la densité de la coopération française au Liban, en particulier dans les domaines éducatif et universitaire, qui fait de la France le premier partenaire du Liban. C’est pourquoi je rencontrerai également mon homologue libanais. O-J : Pouvez-vous dresser un état des lieux de la situation de la coopération franco-libanaise en matière d’enseignement ? G. R. : Près de 45 000 enfants de votre pays sont scolarisés dans le système d’enseignement francophone et des dizaines de milliers d’autres apprennent le français dans le secteur public. C’est pourquoi notre première action est d’apporter un appui aux formateurs de professeurs de français, comme aux professeurs eux-mêmes. Notre coopération est également dense dans le domaine universitaire. Le Liban dispose, en effet, d’un système d’enseignement supérieur très riche, avec des établissements de réputation internationale et un nombre élevé d’établissements francophones. Parmi les réalisations marquantes, je voudrais citer, à côté du partenariat historique entretenu avec l’Université Saint-Joseph, la création de l’École supérieure des affaires, le développement de la filière francophone de droit à l’Université libanaise, la création d’une école doctorale sciences/technologie/santé… Beaucoup d’autres exemples témoignent aussi de notre volonté de travailler avec les établissements arabophones, comme l’Université arabe de Beyrouth et l’Université islamique. O-J : Pouvez-vous évaluer le Programme CEDRE ? G. R. : Je constate que le Programme CEDRE a parfaitement rempli les objectifs qui lui avaient été assignés. Il a permis d’abord de restaurer une communauté scientifique et un appareil de recherche libanais très éprouvés, au sortir de longues années de conflit. Il a aussi favorisé l’émergence de jeunes équipes de recherche. Depuis dix ans, le financement cumulé de CEDRE avoisine 4 millions d’euros qui ont bénéficié à 126 projets. La France est ainsi devenue depuis quelques années le premier partenaire scientifique du Liban. O-J : La France envisage-t-elle de mettre en place avec le Liban d’autres programmes de coopération universitaire qui permettraient une plus grande mobilité des étudiants libanais et français ? G. R. : À côté du Programme CEDRE, il existe de nombreux programmes de bourses qui facilitent la mobilité des étudiants : je pense aux programmes Eiffel, Major et Lavoisier du ministère des Affaires étrangères ; je citerai aussi ceux des grandes régions françaises et bien évidemment de l’Agence universitaire de la francophonie, très active dans ce domaine au Liban. Au total, la France accorde environ 450 bourses d’études et de stages à des ressortissants libanais. C’est un effectif très élevé. O-J : Pouvez-vous citer des chiffres donnant une idée plus précise de cette mobilité ? G R : La France, et je m’en réjouis, est le premier pays d’accueil des étudiants libanais à l’étranger. Ils sont 5 000 étudiants inscrits. C’est un chiffre en progression de 83 % en 5 ans ! Ce qui est plus important encore, c’est que plus de 60 % de ces étudiants sont inscrits en troisième cycle, c’est-à-dire en deuxième année de mastère ou en doctorat. Ces jeunes ont entrepris des études solides dans les grandes universités du Liban et ont ensuite la chance de poursuivre leurs études dans notre pays. C’est l’illustration d’une francophonie vivante et riche d’avenir ! O-J : Quels sont les objectifs immédiats et à long terme en matière de coopération éducative et universitaire ? G. R. : Il s’agit d’abord d’affirmer la place de l’enseignement du français et en français au Liban. Nous travaillons, à la demande de M. Khaled Kabbani, à un plan de relance de la maîtrise de la langue française dans le primaire. Le réseau des établissements français y apporte un concours précieux. Dans le domaine de la coopération universitaire, nous voulons encourager la mise en place au Liban de l’architecture européenne licence/mastère/doctorat et la création d’un système de crédits qui facilitent la mobilité. Notre souhait est également de renforcer l’attractivité de la France et sa présence, au travers des établissements implantés dans votre pays : l’Institut des sciences appliquées et économiques, qui est une antenne du Conservatoire national des arts et métiers, ou l’IUT de Saïda, par exemple. O-J : Abordons à présent la France et les dossiers concernant la politique éducative française. Quelles sont les causes et les conséquences de l’échec du projet du CPE ? Envisagez-vous une alternative à ce projet ? G. R. : Avec le contrat première embauche (CPE), le gouvernement français a voulu répondre à une situation particulièrement préoccupante – celle du chômage qui frappe près d’un jeune Français sur quatre – en luttant contre la précarité quotidienne, qui conduit à enchaîner petits boulots, stages et périodes d’inactivité, et qui empêche l’accès au logement et au crédit. La crise du CPE a révélé un manque d’ouverture sur le monde d’aujourd’hui, sur les réalités de l’entreprise. Elle a manifesté aussi l’angoisse de l’avenir, les difficultés à s’insérer professionnellement et des inquiétudes sur la valeur des diplômes. C’est pourquoi elle a été très vive dans les universités. Cela montre combien il est urgent d’améliorer la professionnalisation de nos filières universitaires et d’apporter une meilleure information aux jeunes qui s’engagent dans des études supérieures. Nous apporterons très vite des réponses concrètes dans le cadre du débat national qui a été lancé sur le thème « Université et emploi ». O-J : Quels sont les grands défis de votre ministère aux niveaux scolaire et universitaire ? G. R. : Le système éducatif en France est confronté à deux grands enjeux : celui de l’égalité des chances et celui de la qualité de la formation donnée aux enfants et aux jeunes. Les trois grandes évolutions que j’ai engagées – la définition d’un socle commun de connaissances et de compétences que tout élève devra maîtriser à la fin de sa scolarité obligatoire, avec d’abord des instructions très claires pour l’enseignement de la lecture à l’école primaire, la rénovation de la formation des maîtres et la réforme de l’orientation au collège, au lycée et à l’université – conjugueront leurs effets pour répondre à ces défis essentiels. Je voudrais ajouter un point : dans la compétition mondiale des savoirs et de l’innovation, il est aussi vital de fédérer les énergies pour conforter la puissance de la recherche à travers nos universités, nos organismes, nos écoles, mais aussi nos centres de recherche privés. Avec le Pacte pour la recherche voulu par le président de la République, nous allons relever ce défi, pour donner à la France les moyens de favoriser la croissance de notre économie, la relance de l’ascenseur social, la cohésion de notre société, et préparer ainsi l’avenir de nos enfants. O-J : Quelles seraient les conséquences de l’affaire Clearstream sur le gouvernement et sur l’élection présidentielle ? G. R. : Pour l’instant, cette affaire est d’abord une affaire de fuites et de rumeurs. Laissons la justice faire son travail : c’est sa mission. En attendant, nous avons à continuer à avancer sur les sujets qui concernent la vie quotidienne de nos compatriotes. Je veux dire que la France va beaucoup mieux, en termes de croissance et de reprise de l’investissement, d’emploi et de pouvoir d’achat. C’est cela qui compte aujourd’hui, et qui sera déterminant lors des échéances à venir. Propos recueillis par Anne-Marie El-Hage
Le ministre français de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Gilles de Robien, est attendu aujourd’hui à Beyrouth pour célébrer les dix ans du programme Cedre, un programme de coopération entre la France et le Liban, pour l’évaluation et le développement de la recherche. Pour l’occasion, M. de Robien a accordé une interview à « L’Orient-Le...