Rechercher
Rechercher

Actualités

Série de dégâts dans les maisons et les champs agricoles de la bande frontalière La ligne bleue retrouve son calme après la plus importante escalade depuis le retrait israélien

La ligne bleue, qui s’était enflammée dimanche, a retrouvé un calme précaire hier. Les habitants des villages situés à la frontière, de Naqoura à Kfarfila, ont vécu une journée presque ordinaire « après l’escalade la plus impressionnante depuis le retrait des troupes de l’État hébreu du Liban-Sud », selon les sources de la Finul et selon les dires des habitants des localités bombardées. Presque ordinaire, parce que beaucoup ont vaqué à leurs occupations quotidiennes, hier, alors que d’autres se sont appliqués à estimer les dégâts de leurs maisons, fermes et autres champs agricoles. Le discours des habitants de la bande frontalière change selon leurs opinions politiques, ou plutôt leur appartenance religieuse. À Aïta ech-Chaab, tous soutiennent le Hezbollah et beaucoup sont prêts à verser leur sang « pour en finir avec l’agresseur israélien ». Ici, on ne s’attarde pas trop sur les dégâts occasionnés par les bombardements, mais on se pose des questions sur les capacités de l’armée libanaise à protéger le Liban-Sud. C’est tout à fait un autre son de cloche qu’on entend à Rmeich, dont les hauteurs ont été massivement bombardées. Les habitants appellent à un déploiement sans délai de l’armée et conviennent que si leur village a été ainsi touché, « c’est parce que le Hezbollah a trouvé refuge entre les maisons et dans les champs agricoles de la localité ». Une tournée sur la ligne bleue, juste après une accalmie, permet de voir à quel point le Hezbollah contrôle la frontière. Le regard ne se glisse plus sur les terrains agricoles ou les montagnes rondes du Liban-Sud, mais fixe les collines faisant face à Israël. On ne remarque plus que ces minuscules tours de contrôle, petites antennes, drapeaux noirs, grandes ou petites constructions en parpaing ou en pierre.... bref, tout ce qui constitue les nombreux, très nombreux, postes du Hezbollah situés tout le long de la ligne bleue, de Naqoura à Rmeich, et l’on peut encore remonter jusqu’à Chebaa. On voit également les routes en terre battue – dont la plupart étaient initialement des chemins agricoles – menant à partir des villages de la bande frontalière aux positions tenues par le Hezbollah. Jusqu’en début d’après-midi hier, un certain nombre de ces positions étaient toujours vides. Elles avaient été évacuées la veille par les miliciens du Hezb lors des bombardements israéliens. Selon des témoins oculaires, quelques combattants de la milice avaient déjà quitté leurs postes d’observation dès midi et demi, avant que toute la ligne bleue ne s’embrase. À Naqoura, qui abrite depuis 1978 le quartier général de la Finul, on parle des obus de mortier qui se sont écrasés sur les collines, à quelques centaines de mètres d’un mirador des Casques bleus et d’une caserne abritant des soldats du contingent français. La Finul, qui a multiplié ses patrouilles hier tout le long de cette ligne, enquête toujours sur la provenance des tirs de dimanche. Elle devrait soumettre les résultats de ses investigations aux Nations unies, au Liban et à Israël. Des balles de DCA À Alma ech-Chaab, deux maisons ont été atteintes par des balles perdues. « Le Hezbollah se trouve sur nos collines alors que les positions de l’armée israélienne surplombent le village. Les balles ont sifflé de partout. Mais depuis longtemps, nous nous en sommes remis à Dieu », indique un habitant, dont la maison a été touchée par des balles de DCA . « J’ignore d’où elles proviennent », marmonne-t-il. Jusqu’à Kaouzah, village de Bint Jbeil qui abrite un barrage des forces mixtes depuis un peu plus de quatre ans, toutes les localités ont été touchées par les bombardements israéliens. Les obus en provenance de la position militaire de Banad en Galilée, faisant face au village de Ramia au Liban, ont explosé à une dizaine de mètres du barrage tenu par les forces armées libanaises. À Kaouzah, petite localité maronite de la bande frontalière, les habitants mettent l’accent sur la peur et l’insécurité, et donnent des informations détaillées des affrontements de la veille « où l’on a utilisé des deux côtés des armes légères et moyennes ». « La fumée se dégageait de partout. Nous sommes retournés six ans en arrière ! C’est comme si nous étions replongés dans la guerre, mais nous ne voulons que vivre en paix », se plaint un homme. Aïta ech-Chaab est un village exclusivement chiite qui a donné « sept martyrs à la Résistance et dont une centaine de ses hommes ont été emprisonnés en Palestine ou à Khiam », explique Ali. Dans ce village, les hommes indiquent qu’ils donneront leur sang pour le Hezbollah, qu’ils n’accepteront le désarmement de la milice que si l’armée libanaise montre qu’elle peut protéger les habitants de la bande frontalière. « Comment va-t-elle le faire ? Il fallait voir les militaires se réfugier hier dans un restaurant quand les juifs ont bombardé la zone. Normal, les soldats libanais n’ont pas de munitions dans leurs fusils et n’ont pas, et n’ont jamais, reçu l’ordre de tirer... » lance Abou Hussein. « De plus, ce n’est pas l’armée qui a libéré le Liban-Sud, mais les actes héroïques du Hezbollah. Le jour où la troupe nous protégera comme le fait le Hezbollah actuellement – grâce à ses positions tout le long de la frontière –, nous accepterons son déploiement », renchérit Ali. Ici, les insultes pleuvent à l’encontre du chef du PSP, Walid Joumblatt, du chef du Mouvement du futur, Saad Hariri, du chef des FL, Samir Geagea. On en veut également au Premier ministre, Fouad Siniora, au ministre de l’Intérieur par intérim Ahmad Fatfat et « tous ceux qui veulent désarmer la Résistance. Que ces gens-là envoient leurs enfants et leurs proches mourir au Liban-Sud à la place du Hezbollah », martèle-t-on. On se plaint également avec virulence de l’absence de projets – de l’infrastructure routière aux hôpitaux – financés par l’État dans la zone. Un peu plus loin, une fillette de quatre ans, assise à la terrasse d’une maison avec sa mère, chante à pleins poumons : « Nous nous sacrifierons pour toi, (Hassan) Nasrallah. » Elle fait également le salut militaire et raconte qu’elle n’a « pas eu peur du bombardement juif parce que le Hezbollah nous protège ». « Les terres de Rmeich toujours occupées » À Rmeich, localité maronite voisine de Aïta ech-Chaab, on entend évidemment un tout autre son de cloche. Ici, une habitante invite « le chef de l’État, Émile Lahoud, le général Michel Aoun et tous ceux qui soutiennent encore le Hezbollah à venir vivre à Rmeich... juste pour essayer ! » La localité, qui a reçu hier plus de 200 obus israéliens, abrite trois positions du Hezbollah. De plus, la milice chiite a classé zone militaire environ 30 % des terrains agricoles de la localité. Ces chiffres sont confirmés par le prêtre de la paroisse, le père Nagib Amil. Il raconte que parmi ces terrains interdits aux habitants, il y a une colline où se promenaient les habitants de la localité et qui abrite notamment une église. Mounir, qui possède un grand terrain d’oliviers, bombardé dimanche par l’armée israéliennes, s’insurge : « Depuis six ans, tout le monde parle de libération.... Que l’on m’explique pourquoi nos terres sont toujours occupées. Pourquoi le Hezbollah m’empêche-t-il d’aller sur mes terrains ? » « Avec les bombardements d’hier, j’ai essuyé des pertes qui se chiffrent à vingt millions de livres... Qui va m’indemniser ? » demande-t-il. À Rmeich, les habitants se sentent délaissés depuis bien longtemps et les bombardements de dimanche ont été probablement la goutte qui a fait déborder le vase. Ici, tout le monde rêve du jour où l’armée libanaise se déploiera tout le long de la frontière. Le père Amil indique que « le village n’a pas été bombardé par les Israéliens depuis 1976. Les troupes de l’État hébreu tiraient à cette époque, en direction des Palestiniens qui passaient par Rmeich... Ensuite, quand les Israéliens étaient là, on encaissait, à partir de 1982, des coups du côté libanais... » Rita raconte que « les miliciens du Hezbollah se sont réfugiés entre les maisons et dans les champs agricoles... C’est pour cela que notre village a été ainsi bombardé ». « Avant, ils se cachaient dans les cimetières qui étaient boisés... Puis nous avons coupé les arbres », ajoute-t-elle. L’époux de Rita possède une ferme qui a été touchée par les bombardements. Il a perdu une dizaine de chèvres. Un peu plus loin, un éclat d’obus a touché le disjoncteur d’une maison où l’on a évité de justesse la catastrophe. « Tout l’électroménager, qui était branché au courant électrique, du frigo à la télévision, a brûlé », indique Marie, qui doit vivre avec sa famille sans eau car les projectiles ont également atteint les réservoirs. Un homme qui tient à préserver l’anonymat chuchote à la vue d’une voiture transportant des miliciens du Hezbollah, qui retournaient, hier après-midi, à leurs positions sur les hauteurs de Rmeich et dont l’une (Jidar al-Tayeb) avait été abandonnée par les troupes israéliennes le 25 mai 2000 : « Pour libérer un territoire, il faut se battre vraiment et non pas investir des positions laissées sans combat par l’ennemi. » De l’autre côté de la frontière, l’armée israélienne a commencé hier à restaurer et renforcer certaines de ses positions touchées par les tirs du Hezbollah, notamment en face des villages de Ghajar, Abbassiyé et le mont Abbad. Les kibboutzim situés à vol d’oiseau de la ligne bleue étaient complètement vides hier, comme si la vie s’y était arrêtée. Les routes et les champs agricoles au nord d’Israël étaient totalement déserts. La maison de Halima, à Yarine, village sunnite de la bande frontalière, est située à quelques centaines de mètres de la colonie israélienne de Zaerite, qui a l’air complètement dépeuplée. Interrogée sur le sort des habitants du kibboutz, la septuagénaire qui enfile des feuilles de tabac explique : « Non, ils n’ont pas fui le Hezbollah. Ils doivent être occupés. Ils n’ont pas de temps à perdre en buvant du café ou en fumant des cigarettes. Ils ne sont pas comme nous. Ils ont de l’argent et du travail. Ils ont un gouvernement qui s’occupent d’eux. » La plupart des habitants de la bande frontalière attendent, quant à eux, toujours un gouvernement qui s’occuperait d’eux, qui leur assure des projets de développement, qui les protège... et la blessure n’est que plus profonde au lendemain d’un bombardement israélien. Patricia KHODER
La ligne bleue, qui s’était enflammée dimanche, a retrouvé un calme précaire hier. Les habitants des villages situés à la frontière, de Naqoura à Kfarfila, ont vécu une journée presque ordinaire « après l’escalade la plus impressionnante depuis le retrait des troupes de l’État hébreu du Liban-Sud », selon les sources de la Finul et selon les dires des habitants des localités...