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Actualités - CHRONOLOGIE

Près de 19 % du total des dépenses ne sont pas pris en compte dans le budget La Banque mondiale propose une série de réformes pour améliorer la gestion des finances publiques

Dans une démocratie, le citoyen est censé avoir un droit de regard sur la gestion des finances publiques, à travers ses élus au Parlement qui votent le budget. Encore faut-il que le budget englobe toutes les opérations étatiques, et que ces dernières soient transparentes. Ce qui n’est pas le cas, relève la Banque mondiale dans son premier rapport d’évaluation des responsabilités de gestion financière « Country Financial Accountability Assessment » (CFAA) sur le Liban. En raison des lacunes et des dysfonctionnements à ce niveau, la BM estime le risque fiduciaire de l’État libanais, c’est-à-dire le risque que prend l’organisation en finançant des programmes gérés par le gouvernement, « significatif » (les quatre niveaux existants étant faible, modéré, significatif et élevé). Mais plus qu’un diagnostic, le rapport fait une série de recommandations et propose une aide technique pour assurer une meilleure utilisation des fonds publics. «Le but de cette étude est de savoir comment est géré l’argent public pour s’assurer que les fonds accordés iront à bon escient. S’ils sont mal gérés, les résultats escomptés des programmes de développement ne seront pas atteints, or en tant qu’institution internationale nous avons une responsabilité envers nos membres », a expliqué Samia Msadek, responsable régionale de la gestion financière à la BM pour la zone MENA, à L’Orient-Le Jour. Aussi, « une meilleure gestion des finances publiques est essentielle pour préserver la crédibilité de l’État auprès des investisseurs potentiels, institutionnels ou privés », a-t-elle ajouté. Sans parler du droit de l’opinion publique de savoir comment est dépensé son argent. Mme Msadek a néanmoins souligné que des progrès ont été réalisés dans ce domaine, citant « des décisions courageuses récemment prises par le gouvernement, notamment la révision de certaines lois ». Mais le plus important, « c’est la prise de conscience, de la part de toutes les parties concernées, de la nécessité de réformer le système », a-t-elle ajouté, relevant que sur les dix pays qui font l’objet de ce type de rapport, seul le Liban a autorisé sa publication, au cours d’un atelier de travail organisé jeudi sous le parrainage du ministre des Finances, Jihad Azour. Ainsi, ce dernier aurait sollicité l’aide de l’institution pour passer à un système de comptabilité double, qui permet de mieux évaluer le patrimoine public, en incluant par exemple les immobilisations, les montants non engagés, les ressources à recevoir... Alors que le système actuel est uniquement basé sur les paiements. Mais en attendant l’adoption de ce projet ambitieux, Mme Msadek a défini deux axes de réformes prioritaires pour réduire le risque fiduciaire de « significatif » à « modéré ». Un budget fragmenté La pierre angulaire de la gestion des finances publiques est le budget, or ce dernier, tel qu’il a l’habitude d’être présenté au Parlement, est loin de refléter la réalité du secteur public. D’abord le budget omet certaines activités financières du gouvernement, des activités qui ont représenté en 2004 pas moins de 18,9 % du total des dépenses. Par exemple, le budget ne prend pas en compte les transferts à la CNSS, ni les allocations familiales, ni le CDR, ni les pensions, ni le Fonds municipal indépendant, qui finance tout de même les 927 municipalités du pays. La CNSS et le Fonds municipal indépendant ne soumettent d’ailleurs aucun compte financier au Parlement. Les résultats des 55 entreprises publiques du pays n’entrent pas non plus dans le cadre du budget, sans parler de la quasi-absence de comptes financiers pour une partie de ces compagnies. Ainsi, le rapport préconise la mise en œuvre progressive, sur les cinq années à venir, d’un budget audité et consolidé qui prenne en compte toutes ces entités. Mais le ministre des Finances l’a promis, au cours de l’atelier de travail, le budget 2006 prendra en compte les transferts à l’EDL, qui se sont élevés à 1200 milliards de livres libanaises. « Et les prochains budgets seront encore plus globaux pour donner une image fidèle au législateur, au Parlement et au citoyen, qui doit savoir comment est dépensé son argent », bien que pour le moment, 12e provisoire oblige, cette possibilité ne lui soit donnée qu’a posteriori. Le rapport de la BM préconise également que la CNSS et le Fonds municipal soumettent annuellement au Parlement un budget et leurs résultats financiers. Aussi il propose l’élaboration d’une loi qui renforce la gouvernance d’entreprise et impose des normes internationales de comptabilité aux compagnies publiques. Les méthodes d’élaboration et d’exécution du budget posent également problème, même si le rapport souligne un certain nombre de réformes en cours. La Cour des comptes Le deuxième volet prioritaire est celui du contrôle des comptes publics, aux niveaux interne et externe. Le rapport estime que le cadre législatif existant est insuffisant. Selon le texte, « le processus de contrôle des dépenses est lent, complexe, non transparent, et sujet à plusieurs approbations susceptibles de corruption ». «Un audit interne moderne n’existe pas dans le gouvernement libanais », ajoute-t-il. La Banque mondiale propose d’amender la loi existante sur la comptabilité publique pour la rendre conforme au système de contrôle interne financier public de l’UE. « Mais sans alourdir la bureaucratie », précise Mme Msadek. Pour établir une unité d’audit interne, il faut commencer par former des auditeurs au sein du ministère des Finances. « À ce niveau, la banque est prête à assurer une aide technique et sans doute financière pour la mise en œuvre et la formation », a-t-elle indiqué. Concernant la Cour des comptes, censée assurer l’audit externe, la Banque mondiale lui reproche d’abord son manque d’indépendance. Administrativement liée au Premier ministre, le rapport estime qu’elle devrait s’en référer au Parlement. La Cour des comptes effectue actuellement un contrôle ex ante des dépenses en émettant des visas, et évalue la légalité et l’exactitude des transactions financières. Or, la BM estime que la fonction de contrôle ex ante devrait être remplacée par un audit des performances en évaluant l’efficacité et la réalité des opérations étatiques. Sahar AL-ATTAR

Dans une démocratie, le citoyen est censé avoir un droit de regard sur la gestion des finances publiques, à travers ses élus au Parlement qui votent le budget. Encore faut-il que le budget englobe toutes les opérations étatiques, et que ces dernières soient transparentes. Ce qui n’est pas le cas, relève la Banque mondiale dans son premier rapport d’évaluation des responsabilités...