RENCONTRE Sa pièce sera reprise à l’hôtel «Monroe» à partir du 11 mai Pour Lina Khoury, qui cherche trouve

Elle est jeune (30 ans tout rond), pas moche du tout, a des idées bien claires, des choix réfléchis, une présence agréable, un discours direct, une détermination à toute épreuve et un sourire qui illumine son visage, même lorsqu’elle parle de choses graves. Ce qui fait tout le charme du personnage. Son parcours atypique a certainement forgé sa personnalité : un père libanais originaire du Akkar, une mère aleppine, des grands-parents turques, elle voit le jour en Italie, poursuit des études au Liban, qu’elle complète aux États-Unis avant de rentrer travailler au pays. Et d’offrir au public libanais ce spectacle détonnant qui fait couler beaucoup d’encre, délier bien des langues et déchaîner certains mauvais esprits. Elle, c’est Lina Khoury, auteur et metteur en scène de la pièce Propos de femmes, présentée récemment au théâtre al-Madina et qui redémarre à l’hôtel Monroe, à partir du 11 courant. A-t-elle voulu provoquer? Pas du tout, dit la jeune femme qui affirme avoir voulu justement dire tout haut ce qui se chuchote. Et libérer la parole des filles d’Ève de son pays. «Et pourquoi ne pas en parler? Si les gens cherchaient, en toute honnêteté et réellement, à savoir pourquoi ils sont scandalisés par tant de mots et de situations aussi crus, ils se calmeraient en trouvant en eux-mêmes leurs propres réponses », insiste-t-elle. Et vlan! Convaincue par son projet, il lui a fallu galérer pendant un an et demi dans les méandres de l’Administration en quête d’un visa de censure. Seize mois. Un temps si précieux perdu pour rien. Mais le temps compte-t-il tant dans ce cher Orient ensoleillé. Le soleil détend et même ramolli! Elle a tenu tête, revenant des dizaines de fois dans les mêmes bureaux, chez les mêmes fonctionnaires, pour récolter «à chaque passage de nouvelles exigences et davantage de modifications dans le texte qui, à la fin, ne ressemblait plus du tout à rien», dit-elle. Elle était prête, et il faut la croire, à présenter au public la dernière mouture (sa dernière limite de tolérance) proposée à ses censeurs et sans leur accord, et ensuite aller en prison. Aussi sec. Enfin, il a fallu l’intervention du ministre de la Culture et la clairvoyance d’une employée principale pour enfin clore le dossier. Et avoir, malgré tout, deux «invités» de la Sûreté générale dans la salle, à chacune de ses représentations. Pour contrôle! Puis il y a eu les comptes rendus de presse et une dépêche d’agence étrangère pour que tombent, sur les serveurs libanais, injures, insultes et cris au scandale envoyés de plus d’un pays arabe sans qu’aucune de ces personnes «choquées» n’ait vu la pièce. «Au nom de ce je ne sais quoi de commun chez ces hommes et même des femmes que les traditions et la peur ont “pétrifié” dans l’obscurantisme le plus total et le plus dur lorsque le monde tourne à la vitesse grand V.» Hallucinant de réalisme, de bon sens, de culture et… de quoi je me mêle au fait! Chacun chez soi et c’est bien comme çà. Et un critique libanais, un, se déchaînant sur un petit écran menaçant, vociférant sa volonté «de mater les femmes qui ne doivent être que soumises. Sous la botte». L’œuvre de Lina Khoury ne fait certes pas l’unanimité, c’est évident. Des débats et des rencontres sont organisés sur ce sujet depuis déjà la pièce de Nidal Achkar, Tostofil Merryl Streep. De son côté, Lina Khoury répond spontanément à toutes les questions qui lui sont posées. Et les réactions deviennent, du coup, plus saines, plus gérables, plus civilisées. Ouf. Ce qui ressemble mieux à ce pays déjà fatigué, parce que trop éprouvé. M.C.