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Actualités - ANALYSE

RÉFLEXION Paroles de femmes et controverses

Vie secrète d’une femme (Shérif Abdelnour), Tostofil Meryl Strep (Nidal el-Achkar), Propos de femmes (Lina Khoury). Trois pièces en quelques mois et autant de coups de massue pour un public libanais peu habitué aux «crudités» criées tout haut. Trois spectacles où le langage féminin a explosé, où les tabous, tous les tabous sont tombés et où les interdits ont été bannis du vocabulaire, au grand bonheur des uns pendant que d’autres crient au scandale. Pourquoi cette libération soudaine et totale de la parole chez la gent féminine, se demande-t-on hébété? Pourquoi aujourd’hui ces propos crus, longtemps contenus et limités à un cercle restreint d’amis? Pourquoi? Et pourquoi pas! Car le processus était inévitable. Et il ne pouvait arriver que par les femmes. À l’évidence. Nul besoin d’études sociologiques ou psychologiques pour comprendre le phénomène. Seules quelques réflexions ou plutôt des constatations s’imposent pour expliquer ce qui surprend les uns et paraît tout à fait naturel pour d’autres. Soyons réalistes et récapitulons. Dans les années 60, déjà, il y a eu un mouvement féministe chez toute une génération de jeunes filles réellement libérées, tant dans certains grands collèges que dans les universités. Puis la guerre est venue et plus d’un facteur a contribué à une certaine liberté des mœurs. En effet, la promiscuité subie dans différents milieux de déplacés n’était pas le seul lot des gens modestes. Dans les centres balnéaires, les montagnes, les villes ou les villages, les familles ont dû accueillir parents et amis fuyant des zones éprouvées, détruites ou dangereuses. Et la promiscuité engendre des vices… Il y a eu également les relations nouées entre jeunes, sur les barricades, où l’attrait du treillis et la légende du héros face à l’ennemi ont encouragé la jeune fille ou la femme à se livrer facilement, voire même avec une certaine fierté. Et si alors, l’explosion des mariages en a été l’une des conséquences, la suite, elle, s’est avérée plus douloureuse avec des divorces en série ; la réalité devenant cruelle dans l’intimité et la routine du quotidien. Cela sans oublier la popularisation des baignades avec des plages publiques, l’accès facile à la pilule, à l’avortement, etc. Puis est venu l’effet de la mondialisation avec ce qu’elle charrie dans son sillage. Les voyages plus accessibles, le progrès d’une communication où, à des milliers de km, on vit « live » un événement quel qu’il soit. Les satellites violent jusqu’à la plus petite cellule familiale et les talk-shows, même sur le petit écran libanais, livrent au grand public l’intimité des uns et des autres. La littérature n’est pas en reste, évidemment, dans cette évolution des mœurs. Exemple La vie sexuelle de Catherine M, de Catherine Millet, ou le Monologue du vagin, d’Ève Enfler, sont des ouvrages sortis du répertoire pornographique (dans lequel ils auraient pu être classés à une autre époque) pour prendre leur place dans la littérature classique de tous les jours. Au Liban aussi, certains livres ont fait couler beaucoup d’encre et causé bien d’ennuis à leurs auteurs. On se souvient de la plaquette des poèmes érotiques de Abdo Wazen. Peut-on aussi, si ce n’est surtout, ignorer le stress permanent dans lequel vit le Libanais, prêt à éclater à tout moment, et l’évolution ou plutôt l’explosion, sans aucune retenue, du discours et du comportement politiques à tous les niveaux et qui font tache d’huile ? Par ailleurs, dans ses actes ou plus précisément dans son comportement caché et jusqu’à une époque assez récente, la Libanaise a été plus libérée qu’on ne le pense. Cela se limitait à l’attitude qui ne se verbalisait pas. Pas encore du moins. N’était-ce pas là des prémices, un préambule à l’expression verbale? Une expression libérée, crûment, malgré le fondamentalisme et l’intégrisme de tous bords, à droite comme à gauche, qui «tenaillent» la société libanaise. Ce qui rend plus méritoire, plus courageuse l’initiative de celles qui, dans cette partie du monde aux relents conservateurs, se sont exprimées les premières. Ces «filles de bonnes familles» qui ont donné le ton, parce qu’elles seules pouvaient le faire. Parce que les filles de bonnes familles assument mieux ; elles ont bon dos. La Libanaise qui libère le verbe? Ce n’est là, en fait, qu’un exercice de rattrapage qu’elle entreprend, consciente du retard pris sur le monde. Reste à souhaiter qu’elle en fera bon usage, sans tomber dans le vulgaire dégradant. Parce que la Libanaise qui libère le verbe dérange aussi quelque part dans des sociétés obscurantistes, comme la nôtre, pas encore tout à fait prêtes à encaisser qu’une femme roucoule en dehors de la tutelle de l’homme. Et ce n’est malheureusement pas le seul avis d’une catégorie d’hommes; d’autres femmes refusent elles aussi cette totale liberté. Ce sont ceux-là qu’il faudrait peut-être convaincre et rassurer… Pour ne pas provoquer une division de plus, une radicalisation supplémentaire dont on se passerait volontiers. Parce qu’à ce jeu-là, personne ne gagne au change. La tâche est loin d’être facile donc, même si le processus est désormais irréversible. Maria CHAKHTOURA
Vie secrète d’une femme (Shérif Abdelnour), Tostofil Meryl Strep (Nidal el-Achkar), Propos de femmes (Lina Khoury). Trois pièces en quelques mois et autant de coups de massue pour un public libanais peu habitué aux «crudités» criées tout haut. Trois spectacles où le langage féminin a explosé, où les tabous, tous les tabous sont tombés et où les interdits ont été...