Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE Au Biel, « Che Guevara » de Farid et Maher al-Sabbagh La salsa a mal tourné…

Une pompeuse superproduction musicale pour un révolutionnaire impénitent resté toutefois modeste jusqu’à dans sa mort. Un révolutionnaire qui a vécu dans le dénuement, la dépossession, presque la solitude. À part ses compagnons d’armes et ses rêves de justicier. Un idéaliste impénitent qui a tout abandonné, femme, enfants et carrière médicale pour vivre dans les maquis et libérer les hommes du joug de tout impérialisme. Un révolutionnaire qui a marqué de son sceau le XXe siècle. Une révolution sans frontières qui, de Cuba au Congo, a passé par la Bolivie… Austère et ascétique vie de moine-soldat pour ce «baroudeur» toujours entre deux hameaux accrochés à flancs de montagne, à part le plaisir de ce «havanitos» parfumé qu’on triture entre lèvres entrouvertes et doigts crispés… Alors pourquoi tant d’artifices, de chichis et de prodigalité sur scène pour évoquer sa vie douloureuse et ses combats obstinés? Plus de deux heures et demie de spectacle inutilement surchargé de décors et d’acteurs ne sachant quelle attitude prendre pour narrer le parcours du plus célèbre et frugal guérillero de l’Amérique latine, exemple planétaire d’intouchable «pureté» de toute une jeunesse. Symbole inaliénable et éminent représentant d’un rêve jamais trahi pour plus d’une génération. Che Guevara de Farid et Maher al-Sabbagh, signant communément, à la manière rahbanienne, mise en scène, texte et composition de la musique au Biel, est une superproduction musicale (en collaboration avec le Festival de Baalbeck) certes ambitieuse, mais où rien ne sert les intérêts du téméraire projet de l’entreprise. Ni le texte bavard et pontifiant (pas suffisantes les quelques allusions au délabrement politique du pays), ni les chansons larmoyantes ou martelées en marche guindée, ni les décors amidonnés et amovibles, incroyablement kitsch (des canapés style au cœur d’une place publique?), ni les acteurs braillards, rigides et agités. Quant aux danses (la grâce des miliciens en treillis faisant des pirouettes avec des godasses), elles sont souvent déplacées et sans justification dans le contexte d’un maquis avec jeep sur scène (!), tous phares allumés, sur fond de végétation luxuriante, projeté sur grand écran. Réalisme forcé qui ne peut éblouir ou épater les spectateurs… Portrait donc d’un justicier qui rêve de refaire le monde. Cuba et ses révoltes au moment de Castro avec une kyrielle de personnages hauts gradés, jetés en vrac sous les feux de la rampe. «Commandante», «presidente» et autres consorts et titres d’augustes «compagnieros» font florès dans ce brouhaha collectif où les scènes se transforment en patchwork. Pas de respiration générale pour ce «Che» qui voudrait quand même transmettre un peu du souffle de son ardente révolution aux spectateurs. Spectateurs qui ont été nombreux d’ailleurs à quitter la salle avant la fin de la très longue représentation qui aurait sans doute gagné à être plus concise et efficace. La salsa a mal tourné! Le dialogue, asséné comme un cours de sciences politiques sur Cuba et l’Amérique latine, ne donne guère d’épaisseur aux personnages évoqués. Notamment les deux protagonistes, «Che» et Fidel, campés par Ammar Chalak et Pierre Dagher aux voix hautes et à la gestuelle presque mécanisée. Quant aux bleuettes en forêts tropicales avec les «passionarias» qui marchent avec une comique lourdeur virile, le cœur de l’auditoire n’avait certainement pas les yeux de Chimène pour Rodrigue… Ainsi Carmen Lebbos et Fiona Fayad n’ont pas pu exercer leurs véritables et redoutables atouts et armes de filles d’Ève, surtout vis-à-vis du public! Il est évident que beaucoup de dépenses ont été faites pour faire vivre le «Che» sous les feux de la rampe. Mais signe de richesse n’est pas forcément un pari dramaturgique gagné. Un décor sans verbe vivant et sans émotions à passer n’a jamais séduit les foules. Edgar DAVIDIAN

Une pompeuse superproduction musicale pour un révolutionnaire impénitent resté toutefois modeste jusqu’à dans sa mort. Un révolutionnaire qui a vécu dans le dénuement, la dépossession, presque la solitude. À part ses compagnons d’armes et ses rêves de justicier. Un idéaliste impénitent qui a tout abandonné, femme, enfants et carrière médicale pour vivre dans les maquis et...