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Actualités - ANALYSE

Perspectives En se lançant dans des polémiques politiciennes, le chef de l’État vide la présidence de son essence Baabda ou la dangereuse vacuité

On ne récolte que ce que l’on a semé, ou, comme dit le dicton populaire, « comme on fait son lit, on se couche »… Le boycott généralisé auquel est soumis le président Émile Lahoud – et qui vient d’être illustré clairement par le programme de la visite de Terjé Roed-Larsen qui a carrément ignoré le chef de l’État lors de ses entretiens à Beyrouth – s’inscrit dans la plus pure logique des choses. Chargé du suivi de l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité – dont la première clause porte sur la nécessité d’organiser des élections libres au Liban –, l’émissaire onusien ne pouvait en toute logique donner une dose, fut-elle symbolique, de légitimité à un président dont le mandat a été prorogé dans les circonstances que nul n’ignore, en violation de cette même résolution au centre de la mission de M. Roed-Larsen. Et comme pour bien marquer son boycott du locataire de Baabda, le représentant de Kofi Annan a pris soin de conférer avec tous les ténors de la scène locale (même ceux qui n’ont aucune fonction officielle, comme le président Amine Gemayel et le chef des Forces libanaises, Samir Geagea), allant même jusqu’à s’entretenir avec d’anciens responsables relativement en marge de la vie politique, tels que Nagib Mikati et Sleimane Frangié. Catapulté à la première magistrature de l’État sur simple décision du régime syrien – communiquée au dernier quart d’heure à son prédécesseur Élias Hraoui à la fin de son mandat –, le général Lahoud est l’un des derniers legs de l’ère de l’occupation syrienne. Il aurait donc été irrationnel que les piliers du nouvel ordre souverainiste ne cherchent pas à le déloger. Mais indépendamment de la nouvelle donne apparue dans le sillage de l’intifada de l’indépendance, le chef de l’État en exercice a, par son comportement, pratiquement vidé de son essence la charge de président de la République. Depuis le déclenchement de la révolution du Cèdre, il s’accroche physiquement à son fauteuil, mais dans la pratique, il a lui-même abandonné de facto ses fonctions politiques. Lorsqu’il se permet de s’attaquer publiquement et ouvertement, et à plus d’une reprise, au président d’une grande puissance amie – en l’occurrence le président Jacques Chirac –, lorsqu’il se lance dans des polémiques purement et bassement politiciennes en s’en prenant à des personnalités ou des parties bien déterminées, lorsqu’il se prononce sans détours pour tel candidat à sa succession, il ne se comporte plus alors en chef d’État mais plutôt en simple porte-parole d’une des nombreuses fractions présentes sur l’échiquier local. Dans le contexte présent, la présidence de la République n’est, certes, pas « physiquement » vacante, mais elle est indéniablement « politiquement » vacante, le chef de l’État ayant lui-même résilié, dans les faits, ses fonctions. Mais là n’est pas le problème. Le plus grave, si la situation actuelle perdure, serait de créer un dangereux précédent politique et constitutionnel qui consisterait à gérer de manière continue les affaires du pays, à engager des négociations avec les instances internationales, à mener à son terme un dialogue national en profondeur sur les grands dossiers en suspens, en considérant que le président de la République n’existe pas. Les Libanais, les responsables politiques et même les chancelleries étrangères risqueraient ainsi de s’habituer durablement à une marginalisation de la première magistrature. Lors de la réunion internationale qui s’est tenue à la fin de l’année dernière à New-York pour paver la voie à la conférence de soutien au Liban (Beyrouth I), c’est le Premier ministre qui représentait le Liban alors que le chef de l’État longeait timidement les couloirs au Palais de Verre. Et lorsqu’il s’est agi d’organiser le premier dialogue national à cent pour cent libanais, c’est le président de la Chambre qui en a pris l’initiative. Dans les deux cas de figure, c’est le chef de l’État qui aurait dû être, conformément à l’esprit de la Constitution, au centre de l’événement. Lorsque Samir Geagea et Saad Hariri affirment que le maintien du président Lahoud au palais de Baabda serait une source d’instabilité chronique, cela revient à réaffirmer que, malgré tout, la présidence de la République continue d’avoir un rôle primordial à jouer dans la gestion des affaires publiques. Encore faut-il que la marginalisation actuelle de la Magistrature suprême ne se transforme pas en une coutume politique ayant force de loi. Les quatorze ténors qui reprendront le dialogue aujourd’hui, place de l’Étoile, devraient plancher principalement sur ce dossier de la présidentielle. Plus que jamais, et indépendamment de la personne même du général Lahoud ou de l’identité de son successeur, c’est le rôle du chef de l’État qui est désormais en jeu. Et d’une certaine manière, à travers la fonction qui devrait être impartie au président, c’est la philosophie et les fondements du pacte de convivialité qui devraient faire l’objet d’une mure réflexion. Les protagonistes de la conférence du dialogue ont sur ce plan beaucoup de pain sur la planche. Michel TOUMA
On ne récolte que ce que l’on a semé, ou, comme dit le dicton populaire, « comme on fait son lit, on se couche »… Le boycott généralisé auquel est soumis le président Émile Lahoud – et qui vient d’être illustré clairement par le programme de la visite de Terjé Roed-Larsen qui a carrément ignoré le chef de l’État lors de ses entretiens à Beyrouth – s’inscrit dans la...