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Départ le 13 août d’une régate qui reliera Sidi Bou Saïd à Beyrouth Les femmes hissent les voiles pour le grand retour d’Élissa

Le destin de la reine Élissa, légendaire princesse phénicienne et fondatrice de la puissante Carthage, continue de faire rêver. Depuis Virgile, poètes, historiens, écrivains et dramaturges ont multiplié les hommages à cette femme exceptionnelle qui, pour fuir son frère Pygmalion, roi de Tyr, prit le large à bord d’un vaisseau rempli de trésors et de vierges. Après avoir accosté en Afrique, où elle réussi à obtenir par ruse une parcelle de terre sur les côtes de l’actuelle Tunisie, elle fonda la « ville neuve » de Carthage, qui devint la rivale de Rome. Cette aventurière des temps anciens, dont le mythe fait partie du patrimoine civilisationnel commun au Liban et à la Tunisie, va pouvoir retrouver la terre de ses ancêtres grâce à l’initiative de Nagib Gouiaa, un Tunisien, directeur d’une boîte de production, fasciné par cette légende : une course à la voile exclusivement féminine, sans escale, de la Tunisie au Liban. Lorsqu’on lui demande d’où lui est venue cette idée, la réponse est d’une simplicité confondante : « Ce n’est pas mon idée, c’est celle d’Élissa. » Pour lui, il s’agit surtout de « convoquer un imaginaire » qui fait que, tout au long de la course, « chaque participante a la latitude de réécrire la légende à sa manière… ». En 2004, une première édition de la « route d’Élissa » avait retracé le périple de « la Reine Didon » de Beyrouth à Carthage. Cet été, une deuxième course, dont le départ sera donné à partir du port de plaisance du superbe village de Sidi Bou Saïd, en Tunisie, suivra le trajet inverse. Un nouvel itinéraire d’une dizaine de jours donc, qui passera par Tyr, Saïda, Byblos et Tripoli. Cette année, la régate sera exclusivement féminine, alors qu’en 2004, des navigateurs avaient donné un coup de main ! L’annonce en a été faite lors d’une conférence de presse à Tunis, au cours de laquelle le ministre tunisien du Tourisme, Tijani Haddad, et son homologue libanais, Joe Sarkis, ont assuré les organisateurs de leur soutien. La date du départ, le 13 août, n’a pas été choisie au hasard. Elle coïncide avec le cinquantième anniversaire de la fête de la femme en Tunisie. Car la course est avant tout un hommage à la lutte des femmes méditerranéennes et arabes pour leur reconnaissance. Une lutte placée sous le signe de la détermination, du courage et de l’esprit indépendant de la reine Élissa. Les équipages, de 4 personnes chacun, seront formées de Grecques, d’Italiennes, de Françaises, d’Espagnoles, de Marocaines, et, bien sûr, de Libanaises et de Tunisiennes. Certaines sont de vraies professionnelles, comme Frédérique Brulé et Christine Brillant, d’autres des passionnées de la mer. L’idée, difficile à faire accepter au début, a fini par faire son chemin, progressivement. En 2004, la symbolique féminine était assurée par la présence d’une femme-chef de bord sur chaque voilier. En 2006, aucun homme ne se trouvera à bord, mais M. Gouiaa ne doute pas un instant que les participantes puissent s’en sortir. Elles sont d’ailleurs elles-mêmes impatientes de prendre le large, et le challenge d’une course 100 % féminine, loin de leur faire peur, les motive davantage. Caren el-Chawa, une participante libanaise qui pratique la voile en amateur, lance même un appel à toutes les amoureuses de la mer : « C’est une chance de vous prouver à vous-même et aux autres que vous êtes capables d’accomplir quelque chose et d’affronter un élément naturel aussi imprévisible que la mer. C’est un défi physique, moral et psychologique », dans une société le plus souvent concentrée sur les exploits masculins. « Il s’agit de mettre en relief une expérience de femme, de faire revivre une tradition maritime qui a marqué les peuples méditerranéens et qui représente une certaine période de notre histoire », affirme cette étudiante en archéologie qui ne pratique la voile que depuis trois ans. Point de rencontre entre le mythe et la réalité, la « Route d’Élissa » est aussi un événement sportif désormais reconnu internationalement et sponsorisé par les Nations unies dans le cadre de leur politique de promotion de la paix par le sport. D’ailleurs, les organisateurs ont bataillé ferme pour décrocher l’appellation de course professionnelle : « Je ne voulais pas d’une régate au rabais. La légende mérite une course de haut niveau », affirme Nagib Gouiaa, dont les efforts ont été récompensés par l’obtention du prix de l’« Union nationale de la course au large », au dernier Salon nautique de Paris. Cette édition 2006 est en tout cas prise très au sérieux par les navigatrices, qui sont là pour gagner. Selon Feriel Chakroun, une participante tunisienne, « c’est beaucoup mieux que la course soit féminine, car on va pouvoir se mesurer d’égal à égal » et montrer que les femmes ont leur place. « Mon objectif a toujours été de jouer dans la cour des grandes et de me mesurer aux navigatrices professionnelles », lance la jeune fille, arrivée troisième en 2004 malgré son peu d’expérience des courses professionnelles. Au-delà du simple défi sportif, le fait que toutes les participantes aient décidé de se réinscrire pour l’édition de 2006 prouve, comme le dit M. Gouiaa, que « la rencontre avec l’imaginaire a fonctionné ». Grâce à ces reines des mers, rêveuses passionnées et combattantes, Élissa va enfin pouvoir retrouver, presque 3 000 ans plus tard, ses origines phéniciennes. M. S.

Le destin de la reine Élissa, légendaire princesse phénicienne et fondatrice de la puissante Carthage, continue de faire rêver. Depuis Virgile, poètes, historiens, écrivains et dramaturges ont multiplié les hommages à cette femme exceptionnelle qui, pour fuir son frère Pygmalion, roi de Tyr, prit le large à bord d’un vaisseau rempli de trésors et de vierges. Après avoir accosté...