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Actualités - REPORTAGE

Le français entre concurrence arabe et déferlante anglophone La presse francophone, un héritage préservé sur les rives sud de la Méditerranée

La francophonie définit l’ensemble des peuples utilisant partiellement ou entièrement la langue française dans leur vie quotidienne ou leurs communications. Sur les rives sud de la Méditerranée, cette notion a un poids certain, legs de la présence française durant des décennies, que ce soit en tant que « puissance coloniale » au Maghreb ou en tant que « puissance mandataire » au Machrek. Même après avoir acquis leur indépendance, les pays qui s’étendent du Maroc au Liban ont, pour la plupart et à des degrés différents, conservé leur culture francophone. Aujourd’hui, ils sont confrontés à une anglophonie galopante, alors qu’ils résistent encore à des tentatives d’arabisation. Un double défi à relever pour la presse en langue française. Un petit tour du côté des kiosques à journaux d’Alger, de Beyrouth ou du Caire permet de se rendre compte que la langue française est bien plus qu’un résidu colonial appelé à disparaître. La situation et le foisonnement de la presse en langue française montrent que la francophonie se porte plutôt bien dans cette région du monde. Si, en Libye, Syrie, Jordanie, Israël et dans les territoires occupés, la presse francophone n’a pas de présence significative, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, au Liban et en Égypte, elle résiste vaillamment : Le Progrès égyptien est déjà centenaire, et L’Orient-Le Jour a fêté ses 80 ans. En Algérie, un nouveau quotidien, Le Jour d’Algérie, est même né récemment, alors que les magazines féminins et mondains envahissent les librairies libanaises. Dernier exemple en date, le célèbre magazine Elle vient de lancer une édition spéciale pour le monde arabe… en français ! Mais aujourd’hui, la progression de l’anglais met de nouveau la francophonie à l’épreuve. Ahmad Loutfi, conseiller à la rédaction de l’hebdomadaire francophone égyptien Ahram Hebdo, affirme craindre « une déferlante anglophone » qui mettrait en péril un héritage culturel de valeur. Cette peur est beaucoup plus ténue au Liban. Pour Nayla de Freige, administrateur de L’Orient-Le Jour, les deux langues n’ont pas la même fonction : « L’anglais est la langue des affaires, alors que le français est la langue de la culture », et d’ailleurs, « les lecteurs libanais étant souvent trilingues, c’est plutôt sur la qualité de l’information que sur la langue dans laquelle elle est rapportée qu’on mise pour les attirer ». En Algérie, pas de danger ! Aucune publication en langue anglaise n’existe, ce que déplore d’ailleurs Fayçal Metaoui, rédacteur en chef du quotidien francophone el-Watan : « L’Algérie a besoin d’avoir un journal en anglais, car les Algériens sont de plus en plus portés sur les langues étrangères. D’ailleurs, à l’avenir, el-Watan envisage de publier un supplément en langue anglaise. » Pour le moment donc, pas de danger d’un raz-de-marée anglo-saxon, et la concurrence la plus directe vient, évidemment, de la presse arabophone. Ainsi, el-Watan, considéré comme l’un des quotidiens les plus importants d’Algérie, tire à 150 000 exemplaires, alors que l’arabophone el-Khabar tire 3 fois plus de numéros. Mais à ce niveau aussi, les craintes doivent être tempérées, car selon Rida Kefi, journaliste tunisien et directeur du bureau de Jeune Afrique, « les deux presses ont des tropismes différents. La presse arabophone est beaucoup plus tournée vers le Moyen-Orient du point de vue idéologique, alors que la presse en langue française est plus orientée vers l’international » dans le traitement des sujets. De plus, dans certains pays comme en Égypte et au Liban, elle bénéficie de plus de liberté de ton en raison de la nature de son lectorat, plus élitiste et donc plus réduit. Par ailleurs, elle est souvent présentée comme la « devanture » occidentalisée du pays et peut traiter plus facilement de sujets « tabous ». Dernier défi, mais de taille : la presse française, à l’exemple du journal Le Monde, vendu dans la région. Comme le dit Rida Kefi, « à ce niveau-là, la concurrence est inégale, et les journalistes n’y peuvent pas grand-chose… ». Pour la presse francophone, le simple fait de résister et de se maintenir dans un environnement aussi compétitif est une victoire en soi. Mariam SEMAAN
La francophonie définit l’ensemble des peuples utilisant partiellement ou entièrement la langue française dans leur vie quotidienne ou leurs communications. Sur les rives sud de la Méditerranée, cette notion a un poids certain, legs de la présence française durant des décennies, que ce soit en tant que « puissance coloniale » au Maghreb ou en tant que « puissance...