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CORRESPONDANCE Les États-Unis à l’heure du Verdi égyptien, ou Sayyed Darwich revisité

WASHINGTON - Irène MOSALLI Enfant, Hicham Chami (aujourd’hui 28 ans) entendait et entonnait, comme tout le monde dans son Maroc natal, ces mélodies arabes qui résonnent aussi bien au Machrek qu’au Maghreb et qui sont si célèbres qu’on ne cherche plus à savoir qui en est l’auteur. Venu aux États-Unis il y a une dizaine d’années faire un MBA, Hicham, qui parallèlement avait à son actif un prix d’honneur du Conservatoire de musique et de danse de Rabat pour sa maîtrise du qanun, avait entrepris des recherches sur la musique orientale du début du XXe siècle. C’est alors qu’il découvre qu’une grande partie des chansons qu’il connaissait étaient créées par le compositeur égyptien de grand renom, Sayyed Darwich. Entre-temps, il avait fondé une organisation baptisée Xauen Music, dédiée à la préservation de l’héritage musical arabe, de même qu’il s’est retrouvé à la tête de l’orchestre Chicago Classical Oriental Ensemble. Ce dernier mêle les instruments orientaux (oud, qanun et tambourin) aux instruments occidentaux (violon et violoncelle) et comprend deux chanteurs. Ces interprètes sont de différents pays arabes. L’artiste et l’âme du peuple Avec ce groupe, Hicham Chami effectue actuellement une tournée aux États-Unis au cours de laquelle il présente un concert intitulé Les chansons de Sayyed Darwich: l’artiste et l’âme du peuple. Sa première étape a été le prestigieux Centre Kennedy à Washington, où il a été fortement applaudi par un public cosmopolite. De Darwich pour lequel il voue une grande admiration, il dit: «Il était illustre par le genre de vie qu’il a menée et par sa mort. Il était illustre par le genre de musique qu’il a composée, mais l’essence de sa réputation est d’avoir signé des chansons et des mélodies qui sont toujours chantées de l’Afrique du Nord à la Péninsule arabique. Chaque nation y a ajouté sa saveur particulière.» Rappelons que notre ambassadrice auprès des étoiles, Feyrouz, s’en est magnifiquement faite l’interprète par plusieurs de ses titres: notamment Zourouni Kolli Sana Marra et Ya Chadi al-Alhan. Quant à l’un des hits du grand Darwich, Salma ya Salama, il a fait le tour du monde avec la voix de Dalida. L’une des figures les plus influentes de la musique arabe moderne est décédée à l’âge de 31 ans, en 1923, laissant derrière elle un vaste legs, fruit des sept dernières années de sa vie: trente «musicals», onze «adwar» (un chant long aux mélodies complexes et aux multiples sections) et plus de 150 chansons. Il pourrait être le pionnier de la «World Music», car il a développé un style qui puisait dans le chant coranique, la musique arabe traditionnelle du XIXe siècle et les rythmes occidentaux. Il s’était aussi familiarisé avec les chants liturgiques grecs-orthodoxes qu’il appelait «l’opéra divin». Et il a laissé ses marques sur les compositeurs égyptiens qui lui ont succédé: Mohammad Abdel Wahab, Ryad al-Soumbati, Zakaria Ahmad et Mohammad al-Kasabgi. Durant l’occupation de l’Égypte par les Britanniques, Sayyed Darwich avait épousé la cause de la classe ouvrière à laquelle il a dédié plusieurs chansons évoquant, entre autres, al-Chayal (le portefaix), les cireurs, les porteurs d’eau, les vendeurs de billets de loterie. De même qu’il a plaidé pour le droit de vote des femmes. Son grand rêve, qu’il n’a pas pu réaliser, était d’aller étudier l’art lyrique en Italie. À quelqu’un qui lui disait un jour qu’il avait des cheveux pareils à ceux de Verdi, il avait répondu: «Mais je suis le Verdi de l’Égypte.»
WASHINGTON - Irène MOSALLI

Enfant, Hicham Chami (aujourd’hui 28 ans) entendait et entonnait, comme tout le monde dans son Maroc natal, ces mélodies arabes qui résonnent aussi bien au Machrek qu’au Maghreb et qui sont si célèbres qu’on ne cherche plus à savoir qui en est l’auteur. Venu aux États-Unis il y a une dizaine d’années faire un MBA, Hicham, qui parallèlement avait à...