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Actualités - OPINION

Sur les Campus Entretenir la flamme du 14 Mars

Il ne faut pas négliger la part de rêve qui est nécessaire pour entretenir le souffle d’un peuple. Une nation se nourrit de rêves. Les structures mythiques sont parfois plus importantes que la réalité pour permettre à une communauté de prendre conscience d’elle-même et de se transformer progressivement en nation, au moins pour resserrer les liens entre les membres de la communauté. Les exemples sont innombrables et dépassent largement le cadre étroit de la politique ou même de l’histoire. On ne reviendra pas, à titre d’exemple, sur le rôle que joue l’industrie cinématographique aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001, sur le nombre incalculable de films ayant pour figure de proue des superhéros infatigables et invincibles, toujours prêts à défendre leur pays contre l’ennemi. L’ennemi, qui redevient inéluctablement une des notions fondamentales qui forment l’essence du politique, selon Julian Freund. Au Liban, comme partout ailleurs, les mythes fondateurs existent. Ils sont même nombreux. Mais il y a un hic, qui fausse toute la donne. Les mythes fondateurs libanais ne sont pas des mythes communs à toute la population. Ils sont propres, tissu socioculturel oblige, à l’une ou l’autre des communautés. Mais il existe bien quelques exceptions, dont la fameuse commune d’Antélias, l’incarcération de Rachaya, ou encore le pacte national de 1943. Et, bien évidemment, le 14 Mars. Pourquoi revenir constamment sur ce 14 Mars ? Pourquoi ne pas le laisser s’éteindre en silence, dans les slogans politiciens de l’après-libération ? Pourquoi ne pas tourner définitivement la page ? Pourquoi ne pas se contenter des photos souvenir, au lieu de se comporter comme des nostalgiques invétérés, des pseudo-soixante-huitards attardés ? Parce que le rêve du 14 Mars est un souffle de vie qui ne doit pas mourir. Parce qu’il renferme en lui un projet de vie, un projet d’avenir pour les nouvelles générations qui ont enfin pris conscience de leur capacité à façonner elles-mêmes leur propre histoire. Parce qu’il reste aussi un projet de société, une vision encore en gestation d’un Liban nouveau, reposant sur de nouvelles élites, sur des espaces civils, sur une mythologie commune (encore une fois...), sur un nouveau pacte social à coloration économique, capable de définir enfin un véritable intérêt commun dans ce pays-mosaïque. Parce que le 14 Mars est une source d’inspiration, alors que la réalité politique est des plus asphyxiantes. Parce que enfin, le droit au rêve est inaliénable. Il ne faut pas laisser l’esprit du 14 Mars disparaître ou, pis encore, se figer dans le monolithisme affligeant des discours politiques fades. Toute flamme a besoin d’être entretenue. Les morts, les martyrs font déjà beaucoup plus qu’ils ne le peuvent pour que le flambeau demeure, pour que le rêve persiste, pour qu’il devienne un jour réalité. De quoi faire méditer sérieusement les vivants. Qui, empêtrés dans les dédales de la réalité, ignorent le pouvoir véritable, l’extraordinaire force du rêve... Michel HAJJI GEORGIOU
Il ne faut pas négliger la part de rêve qui est nécessaire pour entretenir le souffle d’un peuple. Une nation se nourrit de rêves. Les structures mythiques sont parfois plus importantes que la réalité pour permettre à une communauté de prendre conscience d’elle-même et de se transformer progressivement en nation, au moins pour resserrer les liens entre les membres de la communauté....