MOMENTS INSOLITES - Nouveau sur le marché Le « Narguilé Delivery », une tradition bien de chez nous !

La livraison à domicile, superbe invention pour les très paresseux ou les très casaniers, est devenue une nécessité dont personne ne se priverait. La plus connue étant, douce habitude, celle du journal le matin. Vite rattrapée par la livraison de toutes les gourmandises du monde, repas pour deux ou douze, cuisine légère, sandwiches ou sushi et desserts très calorifiques en option, à toutes les heures de la journée et de la nuit. Ces nourritures terrestres sont souvent accompagnées d’un autre genre de « delivery », le DVD. Film à savourer chez soi, la bouche pleine, le cellulaire en marche, sans déranger personne. Pour les fumeurs ou les gourmets de plaisirs fins et lents, il existe aujourd’hui des petites entreprises qui vous livrent chez vous un narguilé prêt à être consommé de suite. Ils sont fous ces Libanais !!! Ils s’appellent Maher et Mohammad, âgés, respectivement, de 25 et 20 ans. Comme de nombreux autres jeunes, aussi inventifs qu’eux, ils ont créé ce qui pourrait être une petite entreprise. Composée de deux employés, un petit local pour préparer les commandes, 60 narguilés, du charbon, une large gamme de tabac parfumé, une mobylette, de l’énergie à revendre et une parfaite maîtrise des deux roues, sans casque, avec une main s’il le faut. Cette très petite entreprise, ils l’ont baptisée « Café Nana ». Maher, le jeune patron, tient à préciser : « Je l’ai appelée ainsi en hommage à ma fiancée Nancy. » Il suffit donc, comme le veut l’usage, de composer un numéro de téléphone pour que, dix à quinze minutes plus tard et suivant l’adresse où vous vous trouvez, l’un, l’autre, ou l’un et l’autre débarquent, l’attirail du parfait amateur de narguilé en main. Qu’il pleuve, qu’il vente, et même si votre commande atteint les… 20 pièces, elle vous sera livrée pour la somme modique de 2 000LL le narguilé, et récupéré quelques heures plus tard. « Si c’est vraiment loin, on prend 5 000 LL. Certains étrangers nous donnent 20 000 LL, d’autres laissent un pourboire important. » Une affaire qui marche « C’est un ami égyptien qui m’a donné l’idée, il y a quelques années, raconte Maher. Il y avait alors un seul endroit qui offrait ces services. » Depuis, et la demande ne cessant de grandir, ce type d’établissement s’est multiplié, surtout dans les environs de Hamra, Barbir, Mar Élias, Raouché et Ain el-Mrayssé. En attendant d’atteindre tous les quartiers du Grand Beyrouth. Et de poursuivre, impatient : « 60 % de nos clients sont des habitués. Les femmes sont les plus grandes consommatrices… Et surtout les jeunes filles de 18 à 22 ans. Nous sommes énormément contactés le soir, nous livrons dans les maisons mais aussi certains hôtels, avec l’accord de la direction. La haute saison est en été. Les gens aiment s’installer au balcon ou à l’extérieur. » Trois ans plus tard, rien n’arrête Maher et Mohammad. Ramadan étant la période la plus intéressante pour le business, « nous livrons jusqu’à 80 narguilés par jour. Tout est prêt à l’avance ». Puis démarre la course folle pour livrer, reprendre, éviter les embouteillages, les accidents et autres glissades, les mains chargées de très beaux narguilés en verre soufflé et de charbon. « Parfois, je dépose 20 pièces dans une caisse, à mes pieds. Derrière moi, Mohammad en tient une autre avec 5. Il suffit d’être prudent et de conduire lentement, » poursuit le jeune fiancé. Il suffit, par ailleurs, d’examiner la mobylette des deux comparses pour constater qu’ils ne risquent pas les excès de vitesse… Avec en moyenne et par mois 350 dollars nets – en cas de casse, il vous coûtera 15 000LL le prix du narguilé, nous signale Maher, qui se charge d’assumer les 5 000 qui restent –, et des projets de mariage, le chef de l’entreprise « Chez Nana » se dit satisfait. Levons notre chapeau à cet esprit d’initiative purement libanais et au dynamisme de ce duo, équilibristes heureux sur leur mobylette de fortune, pour applaudir, demander et en redemander. Un narguilé chez soi, déjà préparé et parfumé à l’arôme de votre choix, si ce n’est pas le bonheur, ça lui ressemble… Carla HENOUD