Rechercher
Rechercher

Actualités

Afghanistan - Près de 100 000 élèves privés d’éducation en raison de la fermeture de 200 établissements scolaires À Helmand, des écoles en cendres et des instituteurs qui ont le blues

Par un beau matin de février, Saïd, l’instituteur afghan, a trouvé son école en cendres, incendiée dans la nuit par des inconnus. Quelques jours plus tard, une lettre anonyme le condamnait à l’exil : « Ne retourne pas à l’école. Ou tu seras responsable de ta propre mort. » Comme des dizaines d’instituteurs du sud de l’Afghanistan, harcelés par les rebelles qui s’acharnent depuis plusieurs mois à y éradiquer tout signe de présence gouvernementale, Saïd Mir Hamza, 34 ans, a quitté son village de Parchal. Il a trouvé refuge dans la ville la plus proche, Grishk, pour enseigner à nouveau dans la plus grande école de la ville, Albufat Bust, qui accueille 3 000 jeunes garçons. Mais il n’a pas oublié le traumatisme. « Cela s’est passé vers une heure du matin. L’école a été incendiée, sans aucun témoin. On ne sait pas qui a fait cela. Mais cela a mis du chagrin dans le cœur de tous les villageois », raconte l’instituteur pachtoune, grande barbe noire très fournie sous un turban anthracite, comme sa tunique. À Grishk, comme dans d’autres districts de la province d’Helmand, l’une des plus instables du pays, personne ne sait ce qui a déclenché, voilà quelques mois, la brusque campagne d’attaques des rebelles contre les écoles. Mais le bilan est lourd : sur les 24 écoles que comptait le district il y a quelques mois, 14 sont fermées, dont trois après avoir été incendiées. « Il n’y aura bientôt plus d’écoles dans les villages, seulement à Grishk, car il y a la police », estime Abdul Qadir, responsable des écoles de la ville. Une partie des élèves ont afflué à Grishk, emmenés par des parents très attachés à leur éducation. « Près de 600 écoliers, soit 20 % de l’effectif, sont arrivés des villages », explique le principal de l’école, Abdullah Khan, au bord du vaste terrain pelé où ses élèves jouent au football. À Helmand, le responsable de l’éducation pour la province recense « 16 écoles attaquées » depuis l’automne dernier, sans pouvoir dire combien des 224 écoles de la province ont fermé. Dans la province voisine de Zaboul, seules 85 sur 181, soit moins de la moitié, sont ouvertes, selon les autorités locales. Mercredi, le président Hamid Karzaï a estimé qu’environ 100 000 écoliers étaient privés d’éducation en raison de la fermeture de 200 écoles, attaquées ou menacées, dans le Sud afghan. Certaines attaques ont été revendiquées par les talibans, qui dénoncent « ces écoles où l’on enseigne le christianisme ». Mais cette politique de terre brûlée profite également à d’autres groupes, trafiquants de drogue ou mafias diverses. À Grishk, Candigul, directrice de l’école pour filles Loaide, s’entête à tenir bon malgré les menaces, parce que « cela fait 25 ans que les femmes sont confinées à la maison » et que « si je m’arrête, tout va s’arrêter ». « J’ai reçu des menaces, et ma famille me demande tous les jours de ne plus aller à l’école », raconte cette mère de dix enfants au visage doux et à la quarantaine à peine entamée, qui a banni l’uniforme de ses écolières pour que celles-ci soient plus discrètes en ville. Autour d’elle, les professeurs approuvent. Mais la fierté d’enseigner n’efface pas chez eux un fort sentiment d’être abandonnés par l’État, eux qui sont payés entre 50 et 60 dollars par mois, et alors que huit de leurs collègues d’Helmand ont déjà été tués par des rebelles. « Nous n’avons pas assez de classes, pas assez de professeurs, et 80 à 90 élèves par classe au lieu de 30 prévus. Les professeurs enseignent parfois 4 ou 5 matières », raconte Sardar Mohammad, 34 ans, professeur à Albufat Bust. Au final, selon le responsable de l’éducation de la province d’Helmand, Haji Abdul Qasem, « seuls 10 % des écoliers de la province ont à la fois une école qui fonctionne, de bons professeurs et de bons livres pour étudier ». Emmanuel DUPARCQ (AFP)

Par un beau matin de février, Saïd, l’instituteur afghan, a trouvé son école en cendres, incendiée dans la nuit par des inconnus. Quelques jours plus tard, une lettre anonyme le condamnait à l’exil : « Ne retourne pas à l’école. Ou tu seras responsable de ta propre mort. » Comme des dizaines d’instituteurs du sud de l’Afghanistan, harcelés par les rebelles qui...