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Terrorisme - Musharraf et Karzaï se rejettent la responsabilité de la lutte contre les talibans et el-Qaëda Islamabad et Kaboul s’invectivent, sous l’œil bienveillant des États-Unis

Si Oussama Ben Laden lit le journal, il doit apprécier le spectacle du Pakistan et de l’Afghanistan, deux alliés de la « guerre contre le terrorisme » des États-Unis, se prendre à la gorge à propos de la présence des talibans et d’el-Qaëda à leur frontière commune. Dimanche, alors que le président américain George W. Bush venait de quitter Islamabad – après s’être rendu mercredi à Kaboul –, le président pakistanais Pervez Musharraf a sorti l’artillerie lourde contre son homologue afghan Hamid Karzaï. M. Karzaï « oublie un peu vite » ce qui se passe dans son propre pays pour accuser le Pakistan de tous ses maux, a lancé le général Musharraf dans une interview à la chaîne de télévision CNN. Les informations transmises à Islamabad par M. Karzaï, lors de sa dernière visite mi-février, sur la présence au Pakistan de responsables des talibans ou d’el-Qaëda sont des « absurdités », a poursuivi le général Musharraf sans souci de diplomatie. « Cette liste comporte des informations datant de plusieurs mois et périmées et il n’y a rien », a-t-il poursuivi en prenant à témoin les services de renseignements américains : « Même la CIA le sait », a souligné M. Musharraf. Mardi, Kaboul a lancé un nouvel appel au Pakistan à combattre la présence sur son territoire des talibans, alors que des combats ont fait près de 150 morts parmi les militants islamistes dans la zone tribale pakistanaise depuis samedi. Hier encore, des militants islamistes ont attaqué un convoi de responsables locaux et tué un garde du corps dans cette zone, ont annoncé les services de sécurité pakistanais. Selon l’analyste pakistanais Talat Massoud, « cela montre surtout l’impuissance du Pakistan, de l’Afghanistan et des États-Unis à pacifier la région », où le chef d’el-Qaëda Oussama Ben Laden est supposé avoir trouvé refuge, selon les services de renseignements concernés. « Cette altercation pose une menace directe à la guerre contre le terrorisme », a estimé le général à la retraite. Depuis le renversement fin 2001 du régime des talibans, dont le Pakistan était alors le premier soutien, les relations entre Kaboul et Islamabad ont été marquées par la défiance. Malgré la présence d’un pachtoune – Hamid Karzaï – à la présidence, le pouvoir afghan a longtemps été dominé par des ethnies non pachtounes, ayant combattu pendant cinq ans les talibans, à grande majorité pachtoune, et tissé des liens étroits avec l’Inde, ennemi historique du Pakistan. Tous deux alliés de Washington, Kaboul et Islamabad n’ont eu de cesse depuis la fin 2001 d’échanger des accusations sur la présence de talibans et d’el-Qaëda le long de leur très poreuse frontière, de part et d’autre de laquelle vivent des populations pachtounes qui n’ont jamais, des Mongols aux Britanniques, été domptées. « Il est évident que Kaboul et Islamabad réagissent sous la pression constante des États-Unis qui exigent qu’ils fassent plus contre les talibans pour compenser leur propre échec en Afghanistan », a renchéri Riffat Hussain, directeur de l’Institut régional des études stratégiques de Colombo. La visite du président Bush en Inde, où il est allé sceller une nouvelle grande orientation stratégique avant de venir au Pakistan rappeler à Musharraf qu’il restait « beaucoup à faire » contre le terrorisme, a également ravivé les frustrations pakistanaises. Sous couvert d’anonymat, des responsables pakistanais dénoncent le rôle de bouc émissaire que l’Inde et l’Afghanistan s’efforcent de faire tenir au Pakistan et accusent aussi New Delhi de fomenter les troubles endémiques qui agitent depuis plus d’un an la province du Baloutchistan (sud-ouest du Pakistan), aux confins de l’Iran et de l’Afghanistan. Pour Samina Ahmed, directrice au Pakistan de l’International Crisis Group (ICG), la violence dans la région est surtout le résultat d’un manque de démocratie : « Nulle part dans le monde, l’usage de la force militaire contre son propre peuple ne constitue la bonne réponse », a-t-elle souligné.
Si Oussama Ben Laden lit le journal, il doit apprécier le spectacle du Pakistan et de l’Afghanistan, deux alliés de la « guerre contre le terrorisme » des États-Unis, se prendre à la gorge à propos de la présence des talibans et d’el-Qaëda à leur frontière commune.
Dimanche, alors que le président américain George W. Bush venait de quitter Islamabad – après s’être rendu...