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Sur fond de violence, des jeunes apprennent la musique et le ballet

Au milieu du tourbillon de violence qui emporte l’Irak mais à l’abri du regard des fondamentalistes, la gracile Roula Fellah esquisse un pas de deux avec un autre élève dans la salle de danse tapissée de longs miroirs. « Quand je danse, j’oublie ce qui se passe dans mon pays, je suis ailleurs », assure cette fillette de 13 ans : elle a été tellement subjuguée en découvrant à cinq ans la danse, à la télévision, qu’un an plus tard, ses parents l’ont inscrite dans la seule école de musique et de ballet d’Irak. Accolé à la plus grande base de l’armée irakienne à Bagdad, cible d’au moins cinq attentats en trois ans, cet établissement de 200 élèves de tous milieux et de toutes confessions semble presque anachronique aujourd’hui. Dans la salle, une quinzaine de filles en collant noir et quatre garçons de 8 à 13 ans font des pointes avec application sur le tapis gris, sous l’œil attentif de leur professeur, Zikra Moneim, 46 ans. « Dehors c’est l’enfer et ici c’est une oasis de paix », proclame cette femme qui a étudié la chorégraphie et la danse pendant six ans à Saint-Pétersbourg et Moscou, avant de regagner son pays en 1982. Elle n’ose pas dire son métier, des extrémistes le jugeant contraire aux valeurs islamiques. « Il faut que je me sente en confiance pour avouer ma profession et certains ne cachent pas leur déception en l’apprenant », confie ce professeur dont le père a été exécuté à l’époque du président déchu Saddam Hussein. « Je ne dis jamais au premier venu ce que j’enseigne. Quand un chauffeur de taxi me demande ma profession, je le jauge; s’il a une bonne tête, je lui raconte la vérité, sinon j’invente », souffle-t-elle en riant. Dans cette école qui va du primaire à la terminale, le matin est consacré aux matières générales et l’après-midi à la musique ou la danse, avec une quarantaine d’enseignants payés 120 dollars par mois. L’établissement a été pillé le 9 avril 2003, lors de la prise de Bagdad par les forces américaines, puis six mois plus tard. « Notre premier cadeau ? Deux violons et une clarinette envoyés par une Américaine émue par la mise à sac », affirme Mme Nayef. Puis l’Église norvégienne et l’ambassade de Suisse se sont montrées généreuses en offrant des instruments de musique et des chaussons à pointe. À chaque rentrée, la directrice explique aux élèves qu’ici « c’est un endroit civilisé au milieu de la violence, car étudier la musique c’est apprendre à vivre en paix et à respecter l’autre ». Mais elle est consciente des dangers. « Il y a malheureusement beaucoup d’ignorants. Pourtant, la musique et la danse se pratiquaient à l’époque du califat abbasside. Pourquoi y mêler l’islam », se demande-t-elle. « Je sais que des musulmans considèrent la musique comme haram (interdit) mais moi je joue de mon instrument et fais également mes prières », rétorque Adel Abdel Nasser, 15 ans, joueur de « djosé », un violon irakien fait à partir de noix de coco.
Au milieu du tourbillon de violence qui emporte l’Irak mais à l’abri du regard des fondamentalistes, la gracile Roula Fellah esquisse un pas de deux avec un autre élève dans la salle de danse tapissée de longs miroirs. « Quand je danse, j’oublie ce qui se passe dans mon pays, je suis ailleurs », assure cette fillette de 13 ans : elle a été tellement subjuguée en découvrant à cinq...