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Actualités

1976, vingt ans après

En 1976, à la demande des Libanais, la Force de frappe arabe était entrée au Liban pour mettre fin à la guerre civile. Soulagé, le peuple l’avait reçue à bras ouverts avec enthousiasme et délivrance. Je manifestai ma joie, avide d’insouciance, de vie normale, et loin de la hantise de la mort. Cependant, mon bonheur était incomplet face à la grande déception de mon père et à sa réaction suite à une telle mesure ! Politicien engagé à Zahlé, il avait de lourdes responsabilités : il se donnait entièrement à sa ville natale pour éviter les dangers de l’occupation pendant que Zahlé était encerclée. Avec courage et détermination, il clamait fièrement l’indépendance, la souveraineté ainsi que la liberté de sa patrie. Il avait admiré la bravoure des combattants, avait vu mourir de jeunes enfants, vécu les batailles les plus dures et passé des nuits blanches dans les casernes… Nul ne pouvait le convaincre que c’était la seule et unique solution. Je le vis plongé dans une tristesse sans limite, disant : « C’est pire que les bombes, c’est un suicide, ils sont entrés dans notre pays car ils ont plein d’intérêts stratégiques. Ils ne sortiront plus jamais ! » Oui papa, j’ai pensé à tes paroles toutes ces longues années, quand je ne reconnaissais plus mon pays ni les responsables qui le gouvernent. Leur arrogance et leurs maintes falsifications de la vérité avaient tout saccagé, multipliant les allégeances, les blessures, les morts, les humiliations, les insultes et les privations. Cette fameuse nuit du 27-28 février 2005, je te portais dans mon cœur, déterminée comme tu me voulais, fière comme tu l’étais. Je me dirigeais seule, la nuit, vers la place des Martyrs pour rejoindre mes enfants. À 5 heures du matin, je t’avais demandé du courage pour affronter leurs menaces d’attaques et donner encore une chance à la libération. Ils voulaient à tout prix faire taire la voix de la vérité et disperser les manifestants. Je n’avais pas quitté les lieux malgré la peur qui m’envahissait, espérant une prise de conscience divine ! Vers 9 heures, lorsque enfin les Libanais s’étaient déplacés en masse, protégés par une armée complice du peuple, je compris que le mur de la peur était tombé, que la liberté était plus forte que la soumission et la lumière plus forte que l’obscurité. J’ai pu alors admirer les beaux drapeaux de mon pays, le pays de mon enfance, qui se multipliaient comme de petits pains. Ils étaient brandis par les mains les plus chères, les plus nobles, celles de nos enfants, fatigués eux aussi, mais heureux de retrouver enfin leur identité et leur fierté. Les occupants sont sortis, ils ne sont plus là. Ils ont emporté avec eux trente années de notre plus bel âge en nous laissant l’essentiel : notre cher Liban. J’avais écrit ces propos il y a un an pour garder intact le souvenir de cette nuit de libération, où nous avions assisté à la naissance d’une indépendance qui n’existait pas auparavant. Et si j’en reparle aujourd’hui, c’est pour demander aux responsables : qu’en est-il de cette indépendance que le peuple leur avait confiée et qu’ont-ils fait pour la sauvegarder ? On dirait que la guerre ne nous a rien appris… Ils continuent à se diviser, à se lancer les mêmes injures et perdent leur temps à laver leur linge sale en public. Ça suffit ! De grâce, arrêtez vos sarcasmes, nous ne voulons plus rien savoir, nous vous demandons d’agir discrètement, de sauver le peu de dignité qui reste, s’il en reste encore. Andrée SALIBI
En 1976, à la demande des Libanais, la Force de frappe arabe était entrée au Liban pour mettre fin à la guerre civile. Soulagé, le peuple l’avait reçue à bras ouverts avec enthousiasme et délivrance. Je manifestai ma joie, avide d’insouciance, de vie normale, et loin de la hantise de la mort. Cependant, mon bonheur était incomplet face à la grande déception de mon père et à sa...