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Bagdad vit plus que jamais dans la peur

Adnane Ahmad Abdallah, retraité de la police, prenait son petit-déjeuner, hier, dans le quartier paisible de Moustansiriyah à Bagdad, quand des hommes armés, vêtus de noir, l’ont kidnappé devant sa femme et sa fille, tétanisées. À 70 ans, ce sunnite, menait une vie retirée, mais avait le malheur d’être originaire de Samarra, où plusieurs membres de sa famille s’occupent du mausolée chiite dynamité mercredi. Cet attentat a déclenché une série d’exactions contre les mosquées et la communauté sunnite, accusée par les chiites de sympathiser avec la guérilla, même si ses auteurs n’ont pas encore été identifiés. Deux voitures ont bloqué la route pendant que deux autres se garaient en face de la maison. Cinq assaillants ont tiré sur la façade et cinq autres se sont rués chez lui, a constaté un journaliste de l’AFP. « Ils ont d’abord cherché mes deux frères, dont l’un est commandant de police à l’aéroport et l’autre technicien au ministère de la Défense. Ils criaient à ma mère : “Où sont tes deux fils?” et elle leur a répondu qu’ils étaient partis au travail », raconte Alia, 22 ans. « Ils ont saccagé notre maison puis ils ont empoigné mon père et se sont enfuis. Ils veulent éliminer les sunnites du quartier », ajoute la jeune femme qui précise que les ravisseurs agissaient à visage découvert. Dans le quartier de Bagdad al-Jadida, c’est le propriétaire d’une usine de pâtes qui a subi la foudre d’inconnus. Lui aussi est originaire de Samarra. « Ils ont brûlé son entreprise et sa villa et il a pris la fuite avec sa famille », raconte un de ses proches. À Zayouna, un quartier huppé au sud-est de Bagdad, les habitants ont peur. « Je redoute que cette crise ne prenne de l’ampleur car beaucoup de gens n’arrivent plus à se contrôler », confie Yasser al-Ghazi, un ingénieur sunnite de 27 ans. « Ceux qui attaquent les mosquées sont des ignorants qui combattent l’erreur par l’erreur. J’espère que la situation se calmera après l’intervention des autorités religieuses sunnites et chiites », ajoute-t-il. Un voisin de Ghazi, un Kurde chiite, partage son inquiétude. « Les chiites doivent faire preuve de sagesse et ne pas tomber dans le piège des saddamistes et leurs alliés wahhabites (fondamentalistes sunnites) », exhorte Salah Abou Kassem, commerçant de 33 ans. « Certes (le dynamitage du mausolée) est un très grand malheur, mais les mosquées, qu’elles soient sunnites ou chiites, sont les maisons d’Allah », dit-il. Fait exceptionnel dans un tel moment de tensions communautaires, des fidèles des deux branches de l’islam ont décidé d’assurer ensemble la garde de la mosquée sunnite du quartier, quand ils ont eu connaissance des attaques contre des lieux de culte sunnites. Jeudi, à la morgue de Bagdad, la tension était toutefois palpable alors que des familles chiites et sunnites attendaient la remise des dépouilles de leurs proches. « Mercredi, mon oncle Khalil Salama, 42 ans, sortait après la prière de midi de la mosquée (sunnite) Rachidi, dont il est l’imam », au nord-est de Bagdad, dit à l’AFP son neveu, un agriculteur de 35 ans, Fallah Massoud. « Quatre hommes, à bord d’une voiture, ont ouvert le feu le blessant mortellement », ajoute l’homme avant de fondre en larmes en criant : « Ces salauds l’ont tué. » Mehdi al-Soudani, un instituteur de 28 ans, se rendait mercredi après-midi à son école quand il a été abattu par des inconnus. « Ce n’est pourtant pas lui qui a détruit le mausolée », déclare désespéré son frère Mohammad, 34 ans. Mais la mort a également fauché des chiites. Des inconnus ont pénétré chez Karim al-Soudani, un commerçant de 47 ans, et l’ont assassiné. À la morgue, la police était présente pour éviter tout incident. Une entreprise bien difficile à en juger par les propos proférés par un jeune homme sur place : « Nous allons tuer tous les chiites. Nous n’avons pas peur d’eux. » Un vieillard lui a alors mis la main sur la bouche pour le faire taire. Ammar KARIM et Nafaa ABDUL JABBAR/AFP
Adnane Ahmad Abdallah, retraité de la police, prenait son petit-déjeuner, hier, dans le quartier paisible de Moustansiriyah à Bagdad, quand des hommes armés, vêtus de noir, l’ont kidnappé devant sa femme et sa fille, tétanisées. À 70 ans, ce sunnite, menait une vie retirée, mais avait le malheur d’être originaire de Samarra, où plusieurs membres de sa famille...