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Racisme dans le football italien : l’arbre qui cache la forêt

Les récents actes racistes et antisémites qui ont marqué le Calcio cachent un phénomène diffus et durablement inséré dans les stades italiens, contre lequel autorités, instances du football et clubs ne font pas assez, estiment des spécialistes. Une rencontre émaillée par des cris de singe, que tente d’interrompre un défenseur ivoirien de Messine, Marc-André Zoro ; un attaquant de la Lazio Rome, Paolo Di Canio, auteur à plusieurs reprises de saluts fascistes ; des banderoles et drapeaux pronazis déployés lors du match Rome-Livourne : ces épisodes ont rempli les journaux depuis le début de saison et provoqué de nombreuses réactions politiques, parfois dans une totale cacophonie. « On a eu la fausse impression que le phénomène avait diminué, car il n’y a pas eu d’événement exceptionnel depuis la triste banderole “Auschwitz est votre patrie, les fours vos maisons” », brandie par les supporteurs de la Lazio lors d’un derby en 1999, explique à l’AFP la coordinatrice italienne du projet européen FARE (Football contre le racisme en Europe), Daniela Conti. En réalité, du nord au sud de la péninsule, de nombreuses tribunes sont infiltrées par des mouvements d’extrême droite, comme à l’AS Rome, où le groupe Tradition et distinction a fait son apparition dans des travées historiquement classées à gauche. Une quarantaine d’amendes « La série d’actes racistes est très longue, mais elle passe inaperçue », poursuit Mauro Valeri, auteur d’une étude – La race sur le terrain – sur la présence des joueurs noirs dans le football. « De plus, quand un épisode éclatant fait réagir, certains ne fustigent pas cette forme de haine. Ils regrettent simplement l’entrée des idées politiques dans les tribunes », ajoute-t-il, en se demandant « ce qu’ont à voir la politique et les croix gammées ». Cet enseignant en sociologie des relations ethniques a recensé depuis le début de saison les sanctions prises par la Ligue (Lega Calcio) contre les clubs pour les actes racistes de leurs supporteurs. De l’élite du Calcio à la troisième division, plus d’une quarantaine d’amendes ont été prononcées. À une seule reprise cette saison, un arbitre a interrompu une rencontre pour que les « tifosi » de la Triestina (2e div.) retirent une bannière interdite. Le débat sur l’interruption du jeu a ressurgi il y a dix jours, après la rencontre Rome-Livourne, quand des banderoles reprenant la devise des soldats de Hitler ou menaçant les adversaires du « four » ont été déployées dans une tribune de l’AS Rome sans que joueurs, dirigeants, arbitres ou autorités ne réagissent. Reflet de la société Mais les instances du football rappellent que l’arbitre n’a pas cette compétence. Et le ministre de l’Intérieur, Giuseppe Pisanu, a expliqué qu’une suspension du match aurait pu jeter de l’huile sur le feu. Le manque d’actions contre le racisme est également pointé du doigt. « Il se passe très peu de choses dans le milieu scolaire et dans les écoles de football, les clubs ne sont pas mis à contribution et les initiatives positives prises par certains groupes de supporteurs, comme à Pérouse ou Venise, sont isolées et peu soutenues », déplore aussi Daniela Conti. Selon elle, « ce qui se passe dans les stades est aussi un reflet de la société. L’Italie est un pays d’immigration tardive et elle est dirigée aujourd’hui par une classe politique qui n’est pas franchement tournée vers le multiculturalisme », ajoute-t-elle. Récemment, le parti populiste et xénophobe de la Ligue du Nord s’était insurgé contre l’Inter Milan pour n’avoir aligné que des joueurs étrangers lors d’une rencontre européenne. Et en pleine polémique sur les saluts fascistes de Paolo Di Canio, le chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, avait relativisé ce geste en qualifiant le joueur de « brave garçon, un peu exhibitionniste », en tout cas « pas représentatif » des jeunes Italiens.
Les récents actes racistes et antisémites qui ont marqué le Calcio cachent un phénomène diffus et durablement inséré dans les stades italiens, contre lequel autorités, instances du football et clubs ne font pas assez, estiment des spécialistes.
Une rencontre émaillée par des cris de singe, que tente d’interrompre un défenseur ivoirien de Messine, Marc-André Zoro ; un attaquant de...