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Actualités - OPINION

TEMOIGNAGE Le chef de la cruelle rébellion ougandaise de la LRA, Joseph Kony, raconté par ses épouses

Elles ont vécu une dizaine d’années avec Joseph Kony, le chef de la cruelle rébellion ougandaise de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), sont devenues concubines ou baby-sitters après avoir été enlevées. Aujourd’hui, libres mais traumatisées, elles témoignent. Leur « époux », personnage énigmatique et secret né en 1962, est recherché par la justice internationale. En octobre, la Cour pénale internationale – plus haute instance judiciaire de l’ONU mandatée pour juger des individus pour crimes de guerre ou contre l’humanité et génocide – a lancé des mandats d’arrêt contre lui et quatre autres dirigeants de la LRA. « J’étais dans la pièce des opérations », où l’on apprend à remonter les armes, « quand je l’ai vu pour la première fois », se rappelle Margret, enlevée en 1991 dans le nord de l’Ouganda. « Deux de ses femmes étaient enceintes. Il en cherchait une autre, il m’a choisie. J’étais vierge », poursuit cette femme aux cheveux courts âgée de 33 ans aujourd’hui. « C’était une chance d’être sa femme parce que j’étais mieux traitée que les autres » enfants enlevés, explique-t-elle à Gulu, ville du nord de l’Ouganda où elle vit depuis sa libération par l’armée ougandaise il y a un an. « Je n’ai jamais eu à tuer », affirme-t-elle. Les « autres », eux, étaient contraints de kidnapper pour recruter, et de tuer de la plus effroyable des manières : en mordant, à coups de hache et de bâton, avec obligation parfois de boire le sang des victimes, selon des témoignages d’ex-rebelles recueillis par l’AFP. Aujourd’hui, Kony continue de semer la terreur dans le nord de l’Ouganda, où opère la LRA depuis 1988. « Il avait quatre “palais” dans le sud du Soudan (qui lui sert de base). Je devais laver la maison, préparer le petit déjeuner, lui faire couler son bain », se rappelle Evelyn, 23 ans, « épousée » en 1994. « Si le bain ou la nourriture n’était pas prêt, il me battait », poursuit-elle. « Notre devoir était de lui apporter de l’alcool », complète Margret. « Il avait une voiture, on allait au marché à Juba », dans le sud du Soudan, ajoute-t-elle, se rappelant que des avions atterrissaient pour approvisionner en armes la LRA. Mais après l’accord conclu en 2002 entre le Soudan et l’Ouganda – autorisant les troupes ougandaises à entrer au sud du Soudan pour chasser la LRA – les choses changent : « On se déplaçait d’un endroit à l’autre », se rappelle Evelyn. Kony « ne tue pas, il donne des ordres aux commandants, qui passent les ordres aux jeunes enfants enlevés », précise Nancy, ancienne baby-sitter des enfants du rebelle. L’adolescente de 16 ans s’exprime avec difficulté, après avoir été défigurée par une balle qui lui a traversé le menton lors de l’attaque de l’armée ougandaise au cours de laquelle elle a été libérée. Kony « affirme exaucer la volonté de Dieu. Il veut renverser le gouvernement et imposer les dix commandements de la Bible », explique Evelyn, en donnant le sein à sa petite dernière, fille du chef rebelle. « Il affirme avoir des pouvoirs spirituels, et je pense que c’est vrai », estime Nancy. Pour preuve selon elle : « Il était capable d’identifier la personne qui avait parlé de lui la veille en son absence. » « Il a annoncé qu’il se retrouverait un jour avec seulement 300 combattants, et c’est vrai », approuve Margret. Né dans le nord de l’Ouganda et issu de la tribu Acholi, Kony a quitté l’école dès le primaire, mais se fait appeler « professeur ». Il égrène son chapelet, lit la Bible, mais n’a pas épousé religieusement ses concubines, racontent Evelyn et Margret. Il a au moins 27 femmes et 42 enfants, avec qui « il joue aux cartes ». Mais plusieurs sont morts lors d’attaques. Evelyn reconnaît avoir « éprouvé de l’amour » pour cet homme, mais « je suis remplie de haine depuis que j’ai réalisé qu’il y avait eu la guerre dans mon village ». « Il a dit qu’il reviendrait pour s’occuper de nos trois enfants, mais je ne le crois pas, il ne dit que des mensonges », conclut-elle, sans un sou pour faire vivre sa progéniture. Béatrice DEBUT (AFP)
Elles ont vécu une dizaine d’années avec Joseph Kony, le chef de la cruelle rébellion ougandaise de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), sont devenues concubines ou baby-sitters après avoir été enlevées. Aujourd’hui, libres mais traumatisées, elles témoignent.
Leur « époux », personnage énigmatique et secret né en 1962, est recherché par la justice...