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Un dimanche pas comme les autres

Comme un mauvais rêve… L’envie de se pincer, histoire de vérifier que tout cela n’était qu’un mauvais rêve qui va s’interrompre tout aussi brutalement qu’il a commencé. Eh non ! Elles étaient bien réelles, hélas, ces heures d’un dimanche qui pourtant se présentait lumineux, sous le beau ciel du Liban. Trop brutal, le réveil. Et trop rude la transition entre un certain 14 mars et ce 5 février de toutes les horreurs, quand soudain, l’espace d’un instant qui a paru interminable, l’on s’est pris à douter de tout et de tous. De soi, pour commencer. Cela s’appelle comment, ces moments d’interrogations sans réponses, d’incertitudes, ces heures où la raison elle-même donne l’impression, terrible, de vaciller. Où – horreur ! – l’on croit revoir un vieux film que l’on croyait relégué dans quelque recoin de la mémoire collective. Cette matinée, chacun de nous l’a vécue dans son esprit, son cœur et, pour certains, dans leur chair. Chacun n’a pu s’empêcher de revivre – comme on recherche le confort dans quelques vieux souvenirs heureux – l’allégresse de la victoire enfin entrevue, place des Martyrs. Sans voir que précisément, c’est là que réside le problème : tout occupés à ressasser ces heures, on en était venu à oublier les rongeurs qui, méthodiquement, poursuivaient leur travail de sape. C’est quand on est anesthésié qu’on est le plus vulnérable… On tremble encore rétrospectivement à l’idée qu’ils auraient pu réussir. Il aurait suffi pour cela de quoi au juste ? D’un petit rien, ce minuscule grain de sable capable d’enrayer les machines les mieux huilées – à plus forte raison les diligences qui viennent tout juste de reprendre le chemin, entraînées par un attelage qui peine encore à avancer au même rythme. Et maintenant ? Maintenant, il s’agit pour nous, modernes Pénélope, de reprendre en ses premières mailles la tapisserie à refaire tous les matins et tous les soirs défaite. S’occuper à faire œuvre utile, comme une consolation. En espérant, comme la grenouille tombée dans la baratte, marcher enfin sur la surface presque solide du beurre et triompher des incertitudes. Oublier ? Certes non, car cela reviendrait à risquer de retomber dans les mêmes ornières. Et la mémoire demeure le meilleur rempart contre la réédition des drames. Voilà pourquoi il importe, pour chacun, de s’en remettre à lui-même. À cet égard, une lectrice nous fait parvenir une question en forme de cri du cœur : y a-t-il un pilote à bord ? Mais oui, chère Tania, il y a vous – et tant d’autres aussi, comme vous. C. M. Aimez-vous les dimanches ? Il ne faut pas croire que tout le monde aime les dimanches. Certaines personnes ne savent absolument pas quoi faire le dimanche. Mais aujourd’hui, par un dimanche de chance, il est arrivé à certaines personnes une idée de génie : pourquoi ne pas faire, tous ensemble, une belle sortie en famille : père, mère et enfants ? Et pourquoi ne pas prendre, au cas où l’on n’aurait plus rien à se dire, une jolie barre en fer forgé pour égayer la conversation ? Ça pourrait toujours amuser les enfants. Pourquoi ne pas choisir quelques voitures au hasard, rouges, vertes, neuves ou vieilles, et tout simplement les casser ? Et quand la conversation tournera en rond, il restera toujours la possibilité de s’introduire chez les autres à coups de pierres. Ils sont vraiment sympas les gens de ce quartier. Tiens, on va leur dire « bye » avec un feu de camp. Messieurs et mesdames les excités, vandales et pyromanes, la prochaine fois que vous vous ennuierez le dimanche, faites une marche en forêt, prenez un livre ou occupez-vous de l’éducation de vos enfants. Si tout cela est vraiment au-dessus de vos forces, permettez au moins à d’autres parents de consacrer leur dimanche à l’éducation de leurs enfants sans qu’ils n’aient à défendre leur maison comme un fort médiéval. Et si vous n’aimez ni les dimanches ni la liberté, et encore moins vos enfants, au moins respectez ceux de ce pays. Elsa HOCHAR Liste noire Est-ce possible que le gouvernement libanais soit incapable d’arrêter ces agresseurs que le monde entier a vus dimanche à Achrafieh ? Voilà encore une fois une provocation extrémiste, presque terroriste, qui n’a pas été fermement bloquée, et qui s’ajoute à une liste noire déjà longue. Joe ZAATAR En appeler au peuple Comment accepter que notre nation tombe si bas ? Comment laisser faire la barbarie devant nos yeux déjà meurtris ? Pourquoi la police n’a-t-elle pas réagi ? C’est très facile de tabasser les étudiants qui demandaient la démocratie et la fin de la corruption. Mais qui de ceux qui mettent à feu le consulat danois et qui restent impunis ? Si les autorités libanaises ne font rien, le peuple libanais – le vrai peuple, le sage, celui qui a fait du Liban un pays dont on peut tous être fiers – ne restera pas silencieux. Il faut que le peuple manifeste, comme le 14 mars. Non, nous ne somme pas violents, ni aveugles, et nous savons nous comporter comme des gens civilisés. Nous devons prouver au monde que les Libanais n’acceptent pas de se laisser bousculer. Frédéric SFEIR Montréal - Canada Faillite sécuritaire Paradoxalement, c’est d’encore plus de solidarité que le Liban a besoin, d’encore plus de laïcité, d’hommes à poigne aussi. La responsabilité de l’État et du gouvernement est évidente dans toute cette affaire. Au lieu d’interdire la manifestation, au lieu de la contenir, le gouvernement n’a rien fait pour en empêcher le déroulement. Le gouvernement est définitivement en faillite sécuritaire. Antoine B. À Gebran Tu les as voulus unis et courageux, ils se sont tenu les mains face à cette provocation sauvage. Tu les as voulus fiers et angéliques, ils n’ont pas riposté à cette immoralité trouillarde. Tu les as voulus dignes et nobles, ils se sont réveillés le lendemain et ont décidé de rebâtir. Tu les as voulus forts, leur silence a montré une inébranlable maîtrise de soi face à ce banditisme. Tu les as voulus vaillants, leur pragmatisme a surpris tant de consciences. Tu les as voulus humbles, leur docilité a effacé la prétention des autres. Tu vois ? Ils ont répondu à l’appel, pour le Liban. Ils ont fait preuve de moralité, de mérite et de grandeur... Ils ont, en fait, mérité ton amour, ton audace et ton martyre. Désolés d’avoir secoué ton sommeil Gebran. Repose en paix, ils sont là, comme tu l’as voulu. H. MADI Nous n’aurons pas peur À ceux qui ont mis à feu et à sang les rues de Tabaris dimanche matin, nous répondons, sûrs de nous : nous n’aurons pas peur. À ceux qui, à l’intérieur du pays et de l’autre côté de la frontière, croient pouvoir faire trébucher le processus d’indépendance qui est en cours, nous répondons, imperturbables : nous n’aurons pas peur. Vos menaces et vos assassinats ne nous ont pas fait peur. Nous n’avons pas plié devant les charges explosives. Aujourd’hui, vous essayez de nous faire peur en répandant la violence dans nos rues et nos quartiers. Nous vous le disons tout net : nous n’aurons pas peur. Nous continuerons, sans relâche, à construire, pacifiquement, un Liban démocratique, arabe et ouvert au monde. Un Liban fidèle à sa mission de modèle de dialogue et de tolérance. Un Liban dont nous pourrons être fiers devant nos enfants et le monde. Un Liban dont vous avez très peur. Nous avons eu, et nous aurons encore, des moments de découragement devant l’énormité de la tâche, mais nous n’abandonnerons pas le combat et, surtout, nous n’aurons pas peur. Nous continuerons à refuser le choix absurde entre liberté et religion. Pour nous, la liberté de la presse et la liberté pour chacun de pratiquer sa religion sans se sentir offensé, ces deux libertés sont tout simplement les deux faces d’une même pièce. Au Liban, la liberté de la presse est sacrée. Depuis l’existence de notre pays, la presse libre en est un élément constitutif. Cette presse a payé, au prix fort, son attachement à la liberté, l’indépendance et la démocratie. Nous pleurons encore Samir et Gebran ; tous les jours, nous souffrons avec May et craignons pour les autres. Nous sommes aussi les fils de cette terre qui a vu naître et coexister les religions monothéistes. Le respect des sensibilités religieuses est au cœur de nos cultures, de nos traditions et de notre pratique quotidienne. Ici, liberté et religion ont appris à se côtoyer, à se respecter. Il en est ainsi depuis les origines. Vos gesticulations criminelles n’y changeront rien : nous ne nous laisserons pas entraîner dans un combat qui n’est pas le nôtre et nous n’aurons pas peur de continuer notre lutte pour l’indépendance et la démocratie. Messieurs les oppresseurs, vos sanglantes provocations téléguidées sont d’un autre âge. Vos tentatives de créer, par la peur, des replis confessionnels ne réussiront pas. Nous n’aurons pas peur. C’est à vous de vous inquiéter. Bob GHOSN Deux versions Que s’est-il réellement passé à Achrafieh ? Il y a deux versions des choses. La première, c’est qu’un journal danois s’est permis un innommable outrage envers l’islam, et que les musulmans du monde entier réclament justice. On prend donc les rues d’assaut, direction les consulats danois, pour réclamer des excuses qui ne viennent pas. Les choses se corsent. Quelques passionnés dérapent. Ils seront qualifiés de « racaille » par leurs propres chefs, qui se confondent en excuses et rejettent la responsabilité sur les services de sécurité incompétents. Dossier clos ? Pas si l’on a l’autre vision des choses. Un journal danois insulte l’islam, les musulmans du monde ripostent, au Liban aussi. Certains éléments, qualifiés de délinquants, dérapent. Je trouve le mot faible. Expliquer l’affaire en affirmant qu’une « racaille » a profité de la cohue pour laisser libre cours à une délinquance latente, c’est heurter de front l’intelligence de tout un peuple. Tout comme les assassins de Rafic Hariri ou de Gebran Tuéni ne sont pas des « méchants » qui excellent dans l’art du crime parfait, les casseurs d’Achrafieh ne sont pas simplement des délinquants pour qui la promenade du dimanche a mal tourné. Protester, hurler, réclamer justice, un million et demi de Libanais, toutes religions confondues, ont su le faire calmement un certain 14 mars 2005. Mais casser des voitures, briser les vitres des devantures de magasins, enfin et surtout attaquer un église, cela ne traduit pas un simple malaise. L’incident de dimanche n’est pas simplement le fruit de réactions démesurées de certains éléments incontrôlés qui ont dérapé. Regardons les choses en face et osons discuter des choses clairement et sans tabous. Attaquons le politiquement « incorrect » en face. Ce qui s’est passé à Achrafieh n’est pas sans rappeler un certain autobus brûlé à Aïn el-Remmaneh, il y a de cela trente ans. La seule façon d’éviter une situation on ne peut plus grave est d’accepter d’en parler ouvertement, en somme d’accepter d’appeler un chat un chat. Le Liban est aujourd’hui bel et bien divisé en deux, mais pas du tout selon le vieux clivage simpliste musulman/chrétien. Il y a bien plus que cela : il y a malheureusement une volonté délibérée de certaines parties libanaises et voisines de réveiller les vieux démons, sources de tous nos malheurs. Ces instances-là sont prêtes à tout, y compris les méthodes les plus viles pour atteindre leur but : déstabiliser la scène libanaise. Et la garder otage d’un ancien maître qui ne se décide pas à lâcher prise. Enfin, mon message est aux politiciens libanais : contester, c’est bien, agir, c’est mieux. Joumana NAHAS Vous avez dit groupuscule ? Ce devait être une manifestation pacifique, bien que tout le monde savait qu’elle allait, pour le moins, s’inspirer de celle qui avait eu lieu la veille à Damas, sinon faire mieux. L’objectif de cette « manifestation pacifique » était clair : détruire le consulat danois. L’événement ayant été annoncé bien à l’avance, il aurait été souhaitable pour les forces de l’ordre de prendre toutes les précautions nécessaires à son bon déroulement afin d’éviter tout débordement sécuritaire. Il n’en a rien été. Quelle humiliation subie face au monde entier qui nous regardait ! Une question primordiale se pose : pourquoi n’y a-t-il pas eu d’arrestations de groupe, du moment que tous les « trublions » ont été clairement identifiés sur les écrans de télévision. Il serait de l’intérêt de toutes les parties de demander de telles arrestations, qu’il s’agisse de la majorité des manifestants « pacifiques » dont le message a été sali et trahi par ce groupuscule, ou de l’intérêt de la population tout entière, qui a été choquée par tant de haine étalée au grand jour. Si la grande partie des manifestants n’avait aucune intention destructrice, alors ce sont eux, avant tous les autres, qui devraient exiger des sanctions contre ledit groupuscule. Comment croire encore en notre État après un tel aveu de faiblesse et d’incapacité ? Tarek-Gabriel SIKIAS 1975 ? Non, 2006… Dix-sept ans que je suis né dans ce pays. Depuis, on n’a cessé de me répéter que le Liban était le pays de la culture, de la paix et de l’amour. Malheureusement, mes yeux n’ont quasiment jamais vu ce que mes oreilles avaient entendu. J’ai 17 ans, mais à cause de nos pères, quand moi et les autres jeunes parlons, c’est un cœur déchiré qui vous parle. Une âme meurtrie qui crie sa douleur, un esprit tourmenté qui pleure. Dans la douleur, nous faisons preuve d’une unité que, dans votre cupidité, vous n’avez jamais atteinte. Dimanche 5 février 2006 : je suis réveillé par les cris, les sanglots et des bris de vitre. Je me demande alors si je suis en 1975, mais non, je suis bien en 2006. A-t-on déjà oublié que la violence ne mène à rien sinon à l’hôpital ? A-t-on oublié que la violence n’est le credo d’aucune religion ? Jusqu’à quand la quête de la vérité entravera-t-elle le fait d’atteindre des vérités ? Je ne peux pas croire que le peuple libanais est à la base de ces actes, nos combats perdraient alors toutes leurs valeurs. D’ailleurs où étaient les drapeaux libanais ? La violence n’a pas de langage, la violence n’a pas de religion, elle est impardonnable. Rendons hommage à l’attitude logique, honorable des chefs religieux musulmans qui ont vivement condamné ces agressions et qui ont même essayé de stopper les manifestants. Anthony SARKIS Libanais, réveillez-vous ! Il serait temps de faire un vrai sondage demandant aux Libanais ce qu’ils préfèrent. Veulent-ils vraiment, majoritairement, mettre la main dans la main de l’Iran et de la Syrie ou plutôt dans la main de la France qui fait tout pour remettre le Liban sur ses pieds en lui offrant son entier appui ? Qu’est-ce que l’Iran a donné au Liban pour que les Libanais lui soient loyaux ? Est-ce que l’Iran nous a donné autre chose que les armes ? Quant au régime syrien, il a assassiné plusieurs membres de notre élite : Rafic Hariri, Samir Kassir, Gebran Tuéni, etc. Ouvrons les yeux ! L’Iran et la Syrie nous utilisent pour leurs propres intérêts. La France nous a offert un trésor inestimable : la culture. La France a bâti des écoles et des universités au Liban ; elle nous a appris à être libres et à penser librement. Merci la France. Je pense et suis convaincu que la grande majorité des Libanais voterait pour la France. Dr Khaled ABDUL MALAK Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Comme un bateau ivre, notre pays semble se diriger vers un triangle des Bermudes, aspiré par une violence et une haine contre lesquelles on ne semble rien pouvoir faire. Aux commandes ? Personne. En soute ? Des bombes soigneusement minutées, soigneusement étiquetées « fermes de Chebaa », « camps palestiniens », « mouvement salafiste », « infiltration d’armes », « crises économiques » et autres « surprises » de dernière minute. Les passagers ? Des Libanais, pauvres hères largués, apeurés, à bout de souffle, de nerfs et de forces. Et d’une voix enrouée, affaiblie, de cette même voix qui, jadis – il y a une éternité ? – a hurlé son allégeance au Liban, son refus de tout assujettissement, sa foi en un Liban meilleur, libre et fier, une seule plainte monocorde : « Au secours ». Tania Hadjithomas MEHANNA Hommage aux habitants d’Achrafieh Je rends hommage à la sagesse, à la patience, à la dignité, au civisme et au patriotisme des habitants d’Achrafieh. Leur raison l’a emporté sur leurs passions. Ils ont très bien compris le jeu, ils ont surmonté leur colère et refusé d’être aspirés par le cyclone. Et ce n’est pas peu... Les habitants d’Achrafieh ont été trahis dans leur paix civile, dans leurs quartiers, dans leurs églises, dans leurs biens par cette déferlante de haine. En l’absence de l’État, de la justice et de la sécurité, que nous reste-t-il pour protéger et défendre notre paix civile, nos vies, nos biens ? Continuer d’être ou ne plus être du tout ! That is the question ! Nelly DECONDE
Comme un mauvais rêve…

L’envie de se pincer, histoire de vérifier que tout cela n’était qu’un mauvais rêve qui va s’interrompre tout aussi brutalement qu’il a commencé. Eh non ! Elles étaient bien réelles, hélas, ces heures d’un dimanche qui pourtant se présentait lumineux, sous le beau ciel du Liban. Trop brutal, le réveil. Et trop rude la transition entre un certain...