IMPRESSION T’es avec qui, Dieu ?

Oups ! Après les « nijadistes » en Iran et les Frères musulmans en Égypte, le Hamas a gagné les législatives dans les territoires palestiniens. Tremblez, libéraux du vaste monde ! L’islam avance, l’islam est là, au grand festin de la démocratie qui n’avait pas prévu ça. Il porte la barbe, ne supporte pas l’alcool, multiplie les épouses et les progénitures, voile ses femmes, et punit les adultères. Par-dessus tout, quand il se fâche, il explose dangereusement à la face d’un ordre mondial qui ne le concerne pas. En ce troisième millénaire des loisirs débridés, ces empêcheurs de consommer en rond sont de vilains cheveux dans la soupe du profit. Ils peuvent même y cracher que ça ne les troublerait pas. De toute façon ils n’y ont pas droit. Leur graine fleurit souvent sur le terreau de la misère. Si Dieu est avec eux, comme semble l’indiquer le vent, c’est que Dieu n’aime pas qu’on ignore les pauvres. Pourtant, cher Dieu, regarde les grandes démocraties laïques, issues de ton enseignement. Comme il est dit dans les Écritures, elles ont privilégié le travail et son corollaire, la rentabilité. Elles ont même écrit ton nom sur la devise qui mène leur ronde, et comme par un effet de ton Esprit, plus celle-ci tourne, plus elle se multiplie. Ton bien sévère saint Paul a dit : « Celui qui ne travaille pas n’a pas le droit de manger. » Mais celui qui n’a pas le droit de travailler, il mange quoi ? Car, comme tu le sais, Dieu, bien travailler n’est pas donné à tout le monde. Il faut être né du bon côté de la frontière, avoir la bonne couleur de peau, le bon âge, le bon sexe, le bon passeport, et surtout, la bonne formation, ce qui nécessite d’avoir eu dans son enfance les bons adultes autour pour veiller à ce détail. Heureusement, il semble qu’on peut encore compter sur toi, et faire comme les oiseaux du ciel, sans se soucier du lendemain. Encore que pour cela, il faut savoir se contenter d’un nid et de quelques miettes, avec rien que des petites pattes pour sautiller plus loin quand viennent les prédateurs. Pour nous aider à te faire confiance sur ce coup, cher Dieu, tu aurais dû nous donner aussi la cervelle d’un oiseau. À défaut de quoi, on est parfois tenté de te croire du côté des rapaces. Cher Dieu, dans ce Moyen-Orient en folie, depuis des millénaires, chrétiens, juifs et musulmans se figurent que chacun est une menace à la survie de l’autre, et multiplient contre lui les guerres préventives et les alliances de toute nature. Les uns accusent les autres d’être des suppôts du diable et brûlent leurs drapeaux, et les autres caricaturent le Prophète avec une mèche de bombe émergeant du turban. De part et d’autre, des gestes dérisoires pour occulter la peur, des rituels puérils. Est-ce une guerre économique ? Une guerre des pauvres contre les riches ? Des spoliés contre les usurpateurs ? Des glabres contre les barbus ? Une guerre des terroristes contre les champions du droit ? Une guerre de civilisations ? Une guerre d’opinion ? Une guerre des humiliés contre les arrogants ? Si elle ne dit pas clairement son nom, c’est le tien seul qui apparaît sur les bannières. Ne sommes-nous, cher Dieu, que les victimes d’un combat fratricide pour ce fameux droit d’aînesse à l’issue duquel tu choisis ton favori ? Ne pourrais-tu nous élire tous, que nous cessions enfin de nous regarder l’un l’autre comme des extraterrestres et que nous construisions enfin un espace respirable où la liberté de chacun s’arrêterait, comme en philosophie rudimentaire, là où commence la liberté d’autrui ? Fifi ABOU DIB