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Actualités - CHRONOLOGIE

EN SCÈNE - Demain soir et jusqu’au 22 janvier, au théâtre Gulbenkian, LAU Pas si morte que ça, « La mer morte » de Nagi Souraty

Celui qui croit que le théâtre expérimental est mort se trompe. Et celui qui croit que l’inspiration théâtrale s’est tarie n’a qu’à aller voir la création collective mise en scène par Nagi Souraty. Présentée du 19 au 22 janvier par un ensemble d’étudiants et inspirée de textes anciens et contemporains, « La mer morte » est une performance scénique tonique, qui prouve que le théâtre libanais est bien vivant. Le public s’est installé autour de cette plate-forme humaine. Il ne se rend pas compte que les comédiens sont déjà là, car ces derniers se fondent dans le cadre. Tout de noir vêtus et dans un décor épuré, traversé par des cordes et par des nivellements de sol qui évoquent une ascension ou une descente… vers on ne sait quoi. Ces dix-neuf comédiens vont, pendant une heure, offrir un spectacle vivant et actuel qui parle de l’humanité perdue et peut-être retrouvée, des désillusions des générations et surtout de cette quête permanente qui traverse le temps. Les allégories de la mer morte et de la caverne de Platon sont les points de départ de ce travail qui s’est enrichi de textes anciens du philosophe grec, de poèmes d’Etel Adnan ou encore des morceaux choisis de Philippe Ducros, Nasri el-Sayegh, Mohammed Kacimi et Walid Mouaness. Plus les mots et les pensées des étudiants eux-mêmes surgis en cours de route. Des questions sans réponses Plus de deux mois de répétitions ont permis à ces débutants et professionnels, venus de différentes universités et devenus, au besoin, techniciens de costumes, d’éclairage et de son, de créer cette performance visuelle et corporelle. Le tout orchestré par un metteur en scène assoiffé d’identité et jamais las de pousser plus loin sa recherche théâtrale personnelle. Ces corps, dont la souple rigidité achève de les rendre immatériels, presque sans âme, sont devenus avec le temps des créatures amorphes et passives qui ont préféré fuir l’humanité et s’immerger dans la mer morte, le plus bas niveau de la terre, selon l’auteur. Partant de là, Nagi Souraty introduit le doute et l’interrogation, et avoue que lui-même n’arrive plus à s’identifier à cette humanité dont l’esprit, en totale perdition, va à vau-l’eau. « Et si notre boussole humaine s’était déréglée ? Et si, vraiment, on avait perdu notre âme, notre identité ? s’interroge le jeune metteur en scène qui, depuis des années, conduit sa carrière théâtrale avec la même dynamique. Fustigeant le terrorisme, réveillant les somnolents et exhortant les tièdes, ses œuvres sont construites avec toujours un même souffle. Vision qu’il essaye de transmettre passionnément à ses élèves. Ceux-là mêmes qui traversent la scène tels des automates, qui se balancent sur des cordes raides à la recherche de l’amour et qui s’extasient devant une larme de joie versée. Ceux-là qui crient également leurs textes en chœur, d’une voix résonnant comme un écho chez chacun : «Pour quoi serait-on prêt à mourir ? À vivre ? De quel côté de la rue vivons-nous ? Quelle est la couleur du bonheur ?… » Des questions répétées inlassablement, d’un ton monocorde dans toutes les langues, en chuchotements ou en cris. Et ce même cri de douleur repris par Nagi Souraty, infatigable chef d’orchestre : « Il y a quelques années, j’étais encore un révolté, dit-il. Aujourd’hui je sens que je sombre dans la passivité. Devant une génération désillusionnée, qui oublie parfois ce que signifie le mot vibrer, j’ai voulu encore une fois relever le défi et aller farfouiller dans les décombres de nos vies à la recherche de cette humanité perdue. Cette pièce m’a permis, encore une fois, de me réveiller de ma torpeur et d’entraîner les étudiants dans ce projet qui pourrait les emmener au-delà de leurs limites… Des limites de l’humain. » Avec ce metteur en scène, responsable des cours de théâtre à la LAU, pas de place à la tiédeur. On peut aimer ou ne pas aimer ses pièces, mais elles ne laissent jamais indifférent, car les paroles se gravent dans nos têtes aussitôt le spectacle terminé. C’est au théâtre Gulbenkian qu’il faudra juger de cela. Représentations dès demain et jusqu’au 22 janvier, à 20h30 précises. Colette KHALAF
Celui qui croit que le théâtre expérimental est mort se trompe. Et celui qui croit que l’inspiration théâtrale s’est tarie n’a qu’à aller voir la création collective mise en scène par Nagi Souraty. Présentée du 19 au 22 janvier par un ensemble d’étudiants et inspirée de textes anciens et contemporains, « La mer morte » est une performance scénique tonique, qui prouve que...