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UNE TOILE, UNE HISTOIRE «Sainte Anne Trinitaire» (1510), de Léonard de Vinci

Depuis des siècles, Léonard de Vinci ne cesse de soulever toutes sortes de questions. Tant sur sa personnalité que sur ses œuvres, certes pas nombreuses, mais qui ont marqué l’histoire de l’art par sa touche de génie unique. Entre foi et empirisme, croyance en l’homme et représentation des scènes divines, haine de la machine meurtrière mais, paradoxalement, création de toutes sortes de mécanismes, ce peintre de toutes les ambiguïtés ou de toutes les ambivalences a pu, au cours des années, se frayer une voie pour s’installer à la cour des grands et être cité comme le génie de la Renaissance. Toute sa vie a été marquée par une enfance de bâtard, tiraillé entre un père inconstant, qui s’est marié quatre fois après avoir abandonné sa première femme illégitime (sa mère), et une jeune belle-mère à qui il vouait, selon certains, un amour secret. Tenu trop longtemps à l’écart des milieux socialement élevés, ce personnage tourmenté, qui se présentait comme «un homme sans lettres», va très vite dépasser ses maîtres et être adulé par les princes et les rois. De l’atelier de Verocchio, qui lui enseigne les grands principes du quattrocento, à la rencontre avec Bernardino Zenale, théoricien de la perspective, De Vinci ne cessera d’avoir le souci de la perfection. Jusqu’à l’obsession, puisque plusieurs de ses œuvres demeureront inachevées. La mort de Julien de Médicis en 1576 incite le peintre à accepter l’invitation de François 1er d’aller s’installer en France. Il est déjà âgé et malade, mais il emporte avec lui ses trois derniers tableaux : La Joconde, Saint Jean-Baptiste, et l’Enfant Jésus et sainte Anne. Ce projet, inabouti, comme tant d’autres, illustre sainte Anne avec sa fille Marie sur les genoux et son petit-fils, Jésus, jouant avec un agneau. L’image est familière, puisqu’un grand nombre de peintres ont représenté, de façons très diverses, la famille dont font partie Marie et Jésus.Cependant, vers la fin du XVIe siècle, le Concile de Trente ayant interdit la représentation des oncles et tantes ou neveux de Jésus, l’image se restreindra à la famille qu’on appelle nucléaire, composée de Jésus, Marie et Joseph. Dans sa toile, Léonard de Vinci a introduit certaines innovations. Tant sur la posture de ses modèles que dans la composition. Assise curieusement sur les genoux de sainte Anne, sa mère, la Vierge Marie décrit avec celle-ci et l’Enfant Jésus une sorte de losange dont l’angle inférieur est délimité par les pieds des deux femmes. Une structure géométrique qui confirme le goût profond du peintre pour les mathématiques, car il est rare en effet que Marie soit représentée assise sur les genoux de sa mère. Elles sont assises généralement côte à côte, avec Jésus au milieu. L’option du peintre n’a semble-t-il pas fait l’unanimité dans les salons, qui ont critiqué ces changements. Autre détail à relever est le sourire de sainte Anne qui n’est pas sans rappeler le plus fameux sourire, celui de la Joconde. Même la figure de la mère de Marie a certaines similitudes avec la personne de l’apôtre Jean, assis à côté de Jésus dans la Cène et dont l’identité est discutée jusqu’à ce jour. C’est dire combien le peintre aime semer la confusion et entretenir le mystère. Par ailleurs, le paysage composé d’un arbre à droite, mais qui se transforme peu à peu en un panorama de montagnes gris-bleu avec un lac, fait aussi penser au mystérieux paysage de la Joconde. Le sentiment de flou généré par l’inventeur du sfumato (technique qui sert à gommer la profondeur noyée dans une brume bleutée) est néanmoins associé à son intérêt pour la restitution de l’atmosphère et de la continuité impalpable du monde. Encore une toile qui prouve, d’après un critique, «combien ce génie a ondoyé et varié pour transformer en autant d’énigmes les événements de sa vie et un grand nombre de ses œuvres». Colette KHALAF

Depuis des siècles, Léonard de Vinci ne cesse de soulever toutes sortes de questions. Tant sur sa personnalité que sur ses œuvres, certes pas nombreuses, mais qui ont marqué l’histoire de l’art par sa touche de génie unique.
Entre foi et empirisme, croyance en l’homme et représentation des scènes divines, haine de la machine meurtrière mais, paradoxalement, création de toutes...