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Actualités - OPINION

Quel avenir pour Damas ?

Plus que jamais dans son histoire contemporaine, le régime syrien semble affaibli, voire en phase de désintégration. Cette constatation, loin d’être illusoire, pourrait paraître cependant difficile à croire pour ceux qui ont connu ce régime au pic de sa puissance et ont vécu sous son joug, en l’occurrence le peuple libanais qui a souffert longtemps de l’épée de Damoclès devenue l’épée d’Assad. Et pourtant, ce régime est bel et bien au bord du gouffre. Les arguments ? Voici quelques-uns. Établi aux débuts des années 70 suite à un coup d’État préparé par Hafez el-Assad et ses compagnons, ce régime dictatorial a pu s’assurer durant près de trois décennies une posture non négligeable sur l’échiquier proche-oriental. Sa position d’interlocuteur essentiel dans cette région du monde s’était axée principalement sur un contexte de guerre froide protégeant les dictatures alliées au bloc soviétique, mais aussi sur fond de guerres chaudes entre Arabes et Israéliens, permettant à Damas de jouer les cartes de la paix et de l’accalmie, brouillant le tableau de manière subtile et se positionnant comme négociateur primordial par qui il faudrait passer avant de penser à toute solution au conflit. Voulant privilégier davantage cette posture, Damas profite du marasme libanais pour occuper son petit voisin, cherchant par là à réaliser d’abord le rêve baassiste d’absorber ce pays mais également à gagner une carte de plus dans les rounds de négociations. Même après la chute du bloc soviétique, la Syrie cherche à se rattraper, se plaçant dans le camp des Américains durant la première guerre du Golfe et occupant un Liban totalement désintégré, le mettant ainsi sous sa tutelle directe. Mais les temps ont changé et le régime syrien semble ne pas vouloir le comprendre, s’entêtant à faire la sourde oreille du fait d’une idéologie moyenâgeuse et d’intérêts mafieux qui soudent ceux qui sont à sa tête. Aujourd’hui, c’est cette même Syrie qui se désintègre au moment où le pays du Cèdre devient le pivot de la politique internationale au Proche-Orient, attirant l’attention d’un Conseil de sécurité qui ne se réunit dernièrement que pour discuter de la question libanaise comme si les autres problèmes de la planète étaient passés au second rang, un Liban qui est devenu le centre d’intérêt d’une Banque mondiale soucieuse de réformer son économie, une Commission européenne dont les projets dans tous les domaines prolifèrent et, enfin, des investisseurs arabes qui font bondir le prix de l’action Solidere à un des niveaux les plus élevés de son histoire. Quels sont les éléments qui ont mené le régime Assad à subir autant de contrecoups et à voir l’étau se resserrer à ce point autour de lui ? D’abord, et avant tout, la fin d’une guerre froide et la désintégration du bloc soviétique, avec la chute des anciennes dictatures, que ce soit en Europe de l’Est ou en Amérique latine, mettant ainsi les régimes proche-orientaux en mauvaise posture. La fin de la guerre froide s’est accompagnée d’une donne nouvelle sur l’échiquier international : la suprématie des États-Unis dans la politique mondiale et la montée d’une Europe unie, soucieuse de faire appliquer les principes des droits de l’homme là où ils n’existent pas. Il faut ajouter à cette nouvelle donne le changement de la configuration du conflit israélo-arabe avec la signature de traités de paix entre Israël et certains pays arabes ainsi que des relations commerciales voilées entre des pays d’Afrique du Nord et du Golfe avec l’État hébreu. Sans oublier le nœud du conflit de Palestine qui a connu au cours des deux dernières années une évolution qualitative après des élections libres qui ont permis à Mahmoud Abbas, fervent négociateur, d’accéder au pouvoir et dernièrement à un retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza et au démantèlement des colonies. Cette réalité était évidemment au grand désavantage de la Syrie, mais c’est surtout après le 11 septembre et le déclenchement de la guerre antiterroriste que Damas s’est retrouvé dans le collimateur des puissances occidentales, accusé d’abriter des organisations terroristes, d’occuper le Liban, d’opprimer son peuple et de refuser tout progrès vers une solution de paix. Placé sur la liste noire des pays « voyous », le régime Assad doit faire face également à un changement de la géopolitique du Proche-Orient, avec la chute du régime des talibans, puis de celui de Saddam Hussein et de l’entrée des troupes américaines en Irak, avec aussi une libération du Liban de la tutelle syrienne et des pressions occidentales et même arabes sur le régime. Tout cela devait être couronné par une série d’interviews, explosives autant qu’inattendues, de l’ancien vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam, retiré à Paris, qui a dénoncé le régime en place, l’accusant indirectement d’avoir assassiné Rafic Hariri. La roue semble avoir tourné et le régime, gangrené, se dirige vers une implosion plutôt que vers une explosion, avec le suicide d’un Ghazi Kanaan puis les propos alarmants et accusateurs de Khaddam, l’un des anciens piliers du régime. Quel avenir est-il réservé à la Syrie ? Telle est la question que beaucoup d’observateurs et de simples citoyens se posent. Le dernier sommet urgent qui s’est tenu à Djeddah sous l’égide de l’Arabie saoudite et de l’Égypte semble être la dernière tentative de sauvetage pour éviter les deux possibilités que nous venons d’évoquer. Mais nul ne sait ce qui se prépare dans les coulisses de la cuisine internationale. Y a-t-il une stratégie d’attaque militaire pour faire chuter Assad fils ou bien le jeu des puissances est-il axé sur une désintégration plutôt de l’intérieur ? Quel avenir pour le Liban après la tutelle syrienne en cas de chute du régime ? Quelle alternative à ce régime de la pensée unique et de la famille unique ? Est-ce une montée de l’islamisme et des Frères musulmans, comme observé en Égypte ? La réponse à toutes ces questions semble être indéterminée pour l’instant. Laissons à la marche de l’histoire de trancher, mais espérons et travaillons pour que le Liban se remette sur les rails du développement ; profitons de l’attention internationale pour redonner souffle de vie à un pays longtemps étouffé. Bachir EL-KHOURY
Plus que jamais dans son histoire contemporaine, le régime syrien semble affaibli, voire en phase de désintégration. Cette constatation, loin d’être illusoire, pourrait paraître cependant difficile à croire pour ceux qui ont connu ce régime au pic de sa puissance et ont vécu sous son joug, en l’occurrence le peuple libanais qui a souffert longtemps de l’épée de Damoclès devenue...