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Actualités

Sortie de crise

La fin de la crise ministérielle que connaît le gouvernement semble de plus en plus hypothétique. Et il est difficile pour les Libanais, à qui l’on promettait des jours meilleurs, de déceler la signification d’un tel chaos politique. Même si le réquisitoire de Abdel Halim Khaddam contre son propre régime, alors qu’il s’est lui-même essayé aussi à jouer les autocrates au Liban et que sa conversion n’expie pas ses crimes, constitue un témoignage-clé pour la commission internationale chargée d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. Assistons-nous au début d’une révolution de palais à Damas ? Désormais, la tentation de l’arbitraire provoque, d’un pays à l’autre, les mêmes réflexes. En ce début d’année 2006, Vladimir Poutine coupe l’approvisionnement en énergie de l’Ukraine. Une manœuvre asphyxiante, déstabilisatrice, comme la fermeture il y a quelques mois par la Syrie de ses frontières avec le Liban pour empêcher l’exportation des produits agricoles, qui sonne comme un avertissement ; après l’émancipation politique d’un État, il reste à lui assurer une indépendance économique. Pourtant la guerre froide entre le CPL et le gouvernement engage le Liban sur une voie dangereuse et la communauté internationale risque de se lasser du fait que nous ne nous aidons pas d’abord nous-mêmes. Nous accusons la France, les États-Unis et l’ONU de nous lâcher en milieu de chemin, à un moment crucial de notre transition démocratique, alors que nous leur offrons, en contrepartie, cette triste image d’un pays désuni, mais surtout d’une ancienne opposition, désormais majorité, minée par des querelles de pouvoir qui n’ont que très subsidiairement des justifications de fond. La tentative de marginalisation du général Aoun par Walid Joumblatt et le Courant du futur durant les législatives de juin et lors de la formation du cabinet, suivie par les critiques véhémentes de celui-ci à l’égard du gouvernement, et parfois d’une opposition injustifiée en ce qui concerne certains dossiers, font que l’indépendance nationale, acquise en 2005, est de toutes les récupérations. Réflexe naturel de certains politiciens, fort éloignés de la stature d’hommes d’État, mais qui enlaidit notre république. Comment peut-on se permettre autant de désinvolture alors que le sang coule, même si par expérience nul ne peut s’empêcher d’ironiser, pour peu que l’on veuille multiplier ces déclarations politiques qui font plus de mal que de bien et qui ont été faites sous le coup de l’emportement. Or, et ce fut le cas par exemple de Sleimane Frangié, une fois ces abus de langage lâchés, ils ne pardonnent pas celui qui les a formulés. Des circonstances comme celles que nous vivons aujourd’hui, alors que le sang qui coule est un sang libanais et que la communauté internationale, faut-il le rappeler à l’heure où elle ne s’est jamais autant manifestée à notre égard, s’exaspère du fait que nous n’arrivons pas, maintenant que le pays est libre, à nous sortir de cet état de crise. Parce que certains refusent encore de ménager les susceptibilités de l’autre – que ne le font-ils, ne serait-ce que pour le salut du peuple ? – que le dialogue auquel ils appellent s’oriente dans une mauvaise direction et que c’est d’abord un dialogue de sourds. Leurs sarcasmes font beaucoup de bruit, mais il faut convenir que ce bruit est celui qui compte le moins. Leurs querelles sont meurtrières. Et ils mourront avant tout le monde. Oui, ils mourront l’un après l’autre, ces Michel Aoun, Walid Joumblatt, Marwan Hamadé et Fouad Siniora…, s’ils ne s’entendent pas. Ils paieront de leur propre chair le fait qu’ils fondent leurs positions, l’un par rapport à l’autre, sur des idées préconçues, pour ne nous laisser que la triste tâche de subir les terribles conséquences d’un navire sans gouvernail. Et même si l’on ne « finit jamais ses classes en politique », l’expérience de ces hommes devrait leur apprendre qu’une indépendance politique n’est pas une chose gagnée d’avance et que, jusqu’à maintenant, elle n’est pas encore totalement gagnée. D’ailleurs, en supposant le pire, nous risquons, dans cette vertigineuse descente de l’après-retrait syrien et à cause de l’aveuglement de certains, de craquer et de nous effondrer. Qui remplacera des hommes comme Gebran Tuéni et Samir Kassir ? C’est pourquoi il est nécessaire que le général Aoun comprenne une fois pour toutes, alors qu’on nous avait imposé l’inique loi électorale de 2000 et que même si très peu de politiques ont, comme lui, autant souffert de l’occupation syrienne, que Walid Joumblatt ne fera plus cette fois marche arrière, que sa vie est en danger, qu’il est inutile des fois, dans le débat public, d’acculer son adversaire à reconnaître l’évidence et qu’il faudrait mieux chercher de ce côté ses alliances politiques. Des alliances politiques avant qu’elles ne soient électorales. De quel mérite se prévaudrait-il sinon sur ses adversaires ? Et qu’ont gagné Amal et le Hezbollah par leur politique de la chaise vide ? Cependant, tout rapprochement du général Aoun avec la majorité au pouvoir est tributaire d’un rétablissement de la confiance entre son courant et celui de Fouad Siniora. Cet homme qui a surpris tout le monde par sa sobre maîtrise du pouvoir, qui parle pour convaincre, en n’ayant nul besoin d’enfler la voix et qui est resté intraitable sur l’essentiel. Que le Courant du futur prenne en considération, lui aussi et une fois pour toutes, la représentation chrétienne. Car nous voulons que Fouad Siniora devienne un grand homme d’État et le CPL n’entrera au gouvernement que si on lui accorde ce qui lui revient de droit dans notre chose publique, à savoir des ministères-clés à partir desquels il pourra participer efficacement à la gouvernance du pays. Michel Aoun devrait, de son côté, prendre conscience du danger et du fait que même s’il avait participé au gouvernement, il n’aurait pu, à lui seul, arrêter la vague d’assassinats. L’enjeu est trop grand pour que nous agissions séparément. Faudrait-il pardonner à Walid Joumblatt ses aventures syriennes ? Cet homme est aujourd’hui aussi menacé que nous, sinon plus, et nous ne pouvons perdre un tel allié. Si Michel Aoun ne peut cacher son inimitié à son égard, qu’il agisse au moins par tactique politique, qu’il se rallie à la majorité, à l’heure où l’enjeu est grave, que c’est une question de vie ou de mort et qu’il ne faudrait pas attendre la prochaine victime pour réagir. Toute politique a ses inconvénients, mais telle est la manière la plus raisonnable pour contrer le terrorisme syrien, alors que celui-ci, chassé par la porte, revient par la fenêtre. Le dialogue avec le Hezbollah pourra attendre la fin de l’hémorragie sécuritaire. Amine ASSOUAD
La fin de la crise ministérielle que connaît le gouvernement semble de plus en plus hypothétique. Et il est difficile pour les Libanais, à qui l’on promettait des jours meilleurs, de déceler la signification d’un tel chaos politique. Même si le réquisitoire de Abdel Halim Khaddam contre son propre régime, alors qu’il s’est lui-même essayé aussi à jouer les autocrates au Liban...