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Actualités - CHRONOLOGIE

UN LIVRE, UN AUTEUR « Trois jours chez ma mère », de François Weyergans

Il a décroché le Goncourt 2005 en battant de deux voix Michel Houellebecq – parti pourtant, à grand renfort de battage médiatique, favori pour «La possibilité d’une île». Ce sera cependant le discret Weyergans qui l’emportera avec «Trois jours chez ma mère» (Grasset). Un livre dont l’auteur belge annonçait régulièrement la parution chaque année depuis cinq ans, tant et si bien que même son éditeur n’y croyait plus. Et voilà que fin septembre dernier, un mois avant l’ouverture de la saison des prix, le livre tant attendu apparaît enfin dans les bacs des libraires. L’attente valait la peine. Fin, intelligent, relevé par un style d’une exigeante simplicité, mêlant harmonieusement souvenirs, humour et aphorismes, Trois jours chez ma mère, construit en tiroirs gigognes (ou en poupées russes pour rester dans le ton de l’année !), met en scène deux thèmes : celui de l’écrivain qui n’arrive pas à terminer son livre et celui du rapport filial à la mère. Un roman d’une évidence autobiographique flagrante, qui s’inscrit dans la lignée de Franz et François, paru en 1997 et qui narrait les relations à la fois aimantes et conflictuelles entre l’auteur et son père. Un roman qui dessine en filigrane le portrait de son auteur. Et c’est ce qui le rend intéressant. Une invitation pudique, déguisée, à visiter le cerveau d’un homme, écrivain certes, mais somme toute un homme comme les autres : fils, mari, amant, père… Chez Weyergans, pas de confessions tonitruantes, ni de révélations scabreuses, mais une suite de pensées, de souvenirs, de flash-back qui révèlent l’homme sous le maquillage de l’auteur. Fiction et réalité mêlées, l’auteur fait un constant va-et-vient entre la difficulté d’écrire que ressent son narrateur, qui voudrait terminer son livre pour enfin pouvoir aller passer quelques jours chez sa mère qu’il n’a pas vue depuis longtemps, et les souvenirs d’enfance, de voyage, d’aventures amoureuses qui lui traversent l’esprit durant ses longues nuits durant lesquelles il est censé écrire. Expériences personnelles fortes Le prix Goncourt ne le cache pas : ce qu’il écrit « part d’expériences personnelles fortes ». Sauf que celles-ci « sont travesties de manière à garder le mystère sur ce qui est vrai et ce qui est faux ». Ainsi, sous le pseudonyme transparent de Weyergraf, qui désigne le narrateur-écrivain en mal d’écriture, Weyergans raconte certainement des tranches de sa vie, mais sans doute aussi beaucoup ses fantasmes et sa vie rêvée. Ce que l’on sait, par contre, de sa vraie vie, c’est que François Weyergans, né en 1941, à Bruxelles, d’un père belge et d’une mère française, a d’abord commencé par l’image avant de se tourner vers l’écrit. Surtout connu en tant qu’écrivain, Weyergans, qui a à son actif une douzaine de livres, dont Le pitre (1973), Macaire le copte (1981), Le radeau de la Méduse (1983), Franz et François (1997) et Salomé (écrit en 1969 mais publié cette année dans la foulée de la sortie de Trois jours chez ma mère), est également cinéaste et – comme son père ! – critique de cinéma. Il a signé plusieurs documentaires et deux longs-métrages, mais néglige depuis quelques années la réalisation, « découragé, dit-il, par les impératifs budgétaires et ayant perdu l’habitude du travail en équipe ». L’écrivain du désarroi Difficulté à travailler en commun, douleur de l’écriture en solitaire, François Weyergans est un perpétuel désemparé. Ce n’est pas un hasard s’il est qualifié par la critique « d’écrivain du désarroi ». Un désarroi, sans doute dû à l’éducation chrétienne, qui, dit-il, lui colle à la peau, même s’il a tout fait pour s’en débarrasser. Cet ancien élève des jésuites, fils d’un écrivain catholique – « père aimant mais rigoriste, pour qui seuls comptaient Dieu et les siens » – a choisi la digression en se tournant, en réaction, vers la psychanalyse (il s’est d’ailleurs inspiré, dans Le pitre, de sa propre analyse chez Lacan), la culture, le sexe (dans ses deux derniers livres, il évoque son éternel projet de roman, Coucheries) et les femmes (compagnes, mère, sœurs…). Un peu Woody Allen, François Weyergans, cet angoissé, éternel hésitant, tout en paradoxes, qui « rêve de publier un ou deux livres par an », mais met plusieurs années à en achever un seul, se définit lui-même comme « un cinéaste qui ne filme pas, préférant le roman comme un moyen d’expression plus fin, plus subtil, plus enrichissant et la solitude de l’écrivain, voyageur solitaire, au travail de groupe du cinéaste ». Un parti pris, un choix adoubé par le prix Goncourt. Comme par ses fidèles lecteurs. Zéna ZALZAL

Il a décroché le Goncourt 2005 en battant de deux voix Michel Houellebecq – parti pourtant, à grand renfort de battage médiatique, favori pour «La possibilité d’une île». Ce sera cependant le discret Weyergans qui l’emportera avec «Trois jours chez ma mère» (Grasset). Un livre dont l’auteur belge annonçait régulièrement la parution chaque année depuis cinq ans,...