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Actualités - OPINIONS

Courrier Les lecteurs ont voix au chapitre

Lettre à mon père Avant ta mort, je t’avais promis d’être ton digne successeur en tant que président de la nation. Tu m’avais bien enseigné les secrets du métier. Ton leitmotiv favori est qu’il faut diviser pour régner. Pardonne-moi papa car j’ai fait de grosses bêtises et les événements se sont précipités depuis lors. D’abord il y a eu ce malheureux jour du 14 mars et ce spectacle désolant de Libanais unis dans un même combat pour l’indépendance. J’avais beau faire un zoom in et un zoom out, il n’y avait rien à faire. Les Libanais parlaient de choses horribles comme liberté, dignité et patriotisme. Pourtant, Dieu sait que j’ai tout essayé pour empêcher ce genre de situation. Je me suis pratiquement brisé les reins en Irak pour être dans les bonnes grâces des Américains. Tu penses s’ils ont été reconnaissants, les yankees ! Je n’ai même pas eu droit à un seul iota de gratitude de leur part. Il s’agit de regarder autour de soi pour voir que nos amis sont en train de fondre à vue d’œil. J’espère que tu ne vas pas te retourner dans ta tombe si je te confie que même ton meilleur ami s’est retourné contre moi. Papa, j’aurais tant aimé que tu sois fier de moi, mais il est dur ce boulot ! En fin de compte, maman avait bien raison quand elle me disait : « Fiston, n’écoute pas ton papa. La politique, ce n’est pas un métier d’avenir. Concentre-toi sur la médecine.» Dr Karim S. REBEIZ Janvier dans l’histoire Si les Libanais en général et les Beyrouthins en particulier ont passé cette année et, grâce à Dieu, la veille du jour de l’an dans le calme, en l’absence totale de pétards, klaxons et embouteillages, cela prouve qu’ils ont enfin acquis un haut degré de civisme et un sens de responsabilité face aux événements tragiques qui ont secoué le pays en 2005. Quant aux voyants qui ont refusé cette fois-ci de nous faire part de leurs prédictions, nous leur disons que le Liban dans son histoire contemporaine a été habitué à accueillir chaque quatre ou six ans le mois de janvier avec une crise ministérielle plutôt grave. Ainsi, en se référant aux archives de L’Orient-Le Jour de ce mois en particulier, 1928 fut marqué par la démission du ministère de Béchara el-Khoury. En 1934, c’est au tour d’un président de la République, Charles Debbas, de se retirer. Fin 1938, à la suite d’une réforme judiciaire restée sans lendemain, le cabinet Abdallah Yafi présentera sa démission début 1939. En 1945, la Chambre, mécontente de la politique de Abdel Hamid Karamé, l’obligea à former un autre gouvernement au bout de dix jours. Ironie du sort : en 1949, Ghassan Tuéni sera poursuivi pour avoir dévoilé l’origine de certaines fortunes privées et, plus tard, cela se traduira en septembre par la démission du cabinet Solh, motivée par le renouvellement du mandat du président Béchara el-Khoury. Et durant les deux ans qui suivront ce nouveau mandat, le pays connaîtra de tragiques événements similaires à ceux de 2005 dont le plus grave sera l’assassinat de Riad el-Solh, à Amman, en 1951, par trois hommes appartenant au Parti populaire syrien. Arrêtons-nous là pour dire à nos responsables qu’aujourd’hui, l’histoire de notre nouvelle indépendance se répète. Nous sommes en train de revivre les mêmes événements et c’est à eux seuls de tirer les leçons du passé Antoine SABBAGHA Écœurant… Quand je vois les charniers mis à jour à Yarzé, Anjar… je n’ai qu’un mot : bravo ! Bravo tout d’abord aux responsables libanais qui, durant 15 ans, se sont accrochés à leurs sièges sur lesquels les Syriens les avaient mis, traitant les familles des détenus et des disparus d’affabulateurs, n’hésitant pas à envoyer l’armée pour réprimer avec violence leurs manifestations pacifiques et, au passage, serrant avec ardeur la main des présidents syriens. Mon Dieu, que ne ferait-on pas pour un siège, un poste ? Un maudit siège, un maudit poste, qu’on ne mérite même pas ! La réponse est simple : on laisse mourir, ou même on aide à tuer, en silence, ses concitoyens. Du moment que cela ne se voit pas, pourquoi se gêner ? Et après le retrait syrien, on prend des airs offusqués en faisant mine d’être surpris de ce que l’armée syrienne, qui pourtant protégeait le Liban, a bien pu y faire ! Bravo aussi à la communauté internationale, aux pays démocratiques qui n’ont eu de cesse de cirer les chaussures des responsables syriens… Hafez el-Assad, la stabilité ! Bachar, le pauvre lionceau qu’il fallait soutenir à tout prix, au nom de la stabilité, bien sûr ! Et pour maintenir cette stabilité, on parle du bout des lèvres de la « présence » syrienne au Liban, pas d’« occupation ». Et aux organisations non gouvernementales qui dénonçaient les crimes, on répondait bien gentiment qu’on était « préoccupés » par le problème. On en est arrivé là… Tout, absolument tout, aurait pu être évité. Mais il aurait fallu un minimum de courage, le courage au moins de démissionner pour les responsables libanais, le courage pour la communauté internationale de prendre position avant… Mais il est trop tard, beaucoup trop tard, et c’est écœurant... Mariam EL-ASMAR Paris Merci à toi, Gebran Au nom de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer, car ils n’ont pas le don d’écrire ou de parler... De ceux qui ont écouté, sans voir, ta voix vibrante haranguer les foules sur la place de la Liberté... Et de ceux qui, sans pouvoir t’entendre, n’ont vu que ta haute stature et tes yeux animés de passion pour ton pays. Au nom des femmes au foyer qui te pleurent, voyant en toi un fils ou un mari... Au nom de ceux qui n’ont pas osé te suivre, les ailes brisées par la peur. Je te dis : « Merci Gebran. Merci d’avoir insufflé ton âme à l’esprit du 14 mars. Merci d’avoir introduit le quotient humain-courage à notre titre de Libanais.. Merci d’avoir inculqué à nos jeunes l’élan du patriotisme. » « Un seul drapeau, le drapeau libanais, un seul parti, le parti libanais. » Qui donc a dit : « Nul n’est prophète en son pays » ? Ton serment, Gebran, est la preuve que le contraire existe. « Musulmans et chrétiens unis pour l’éternité. » Une dernière fois, merci d’avoir existé, tel un preux chevalier, stoïque et fier. Tu as été pour nous et pour le Liban Un témoignage de foi et de liberté Sois en paix là où t’a mené ton élan ! Là où personne ne peut plus t’atteindre, là-haut parmi les anges des cieux Très haut, au Paradis, près de Dieu. Molly SELWAN Montréal, le 1er janvier 2006 Hasard ou destin ? Près de quatorze ans après la fin de la guerre civile libanaise, l’année 2005 a tristement commencé avec le carnage du 14 février dans la baie de Saint-Georges, du nom du saint patron de la ville de Beyrouth. Comme par hasard – ou bien est-ce le destin ? –, c’est en la cathédrale Saint-Georges (toujours le même saint patron) à Beyrouth que l’on a rendu de vibrants hommages aux courageux martyrs Samir Kassir et Georges Haoui. Après quatorze attentats, les assassins ont encore frappé, cette fois Gebran Tuéni et ses deux compagnons. C’est un 14 décembre 2005, sous un soleil de printemps et un ciel bleu comme la couleur d’an-Nahar (qui l’aurait dit en cette saison ?) , que des centaines de milliers de Libanais de toutes confessions ont rendu un dernier hommage à Gebran Tuéni : tous ensemble, nous avons répété le serment qu’il avait fait lors du fameux 14 mars 2005 (comme par hasard aussi un 14…) pour une vie commune, musulmans et chrétiens, unis et solidaires pour un Liban glorieux. Nous voilà de retour à la cathédrale Saint-Georges, où nous assistons à une messe de la Résurrection avec des leçons de courage à retenir : – Malgré toutes ses souffrances, Ghassan Tuéni, patriarche de la famille, a dignement demandé de pardonner, et d’enterrer les haines et les mots qui divisent. – La flamme des Tuéni est toujours là, avec la nouvelle génération représentée par Nayla Tueni. Pour cette nouvelle année et celles à venir, malgré toutes les épreuves passées, n’hésitons pas à prendre exemple sur ces trois générations, afin de ressusciter tous ensemble, la force de saint Georges face à ce dragon qui n’en finit pas d’assaillir le Liban. Camille M. TARAZI Vive l’indépendance, vive le Liban ! « Nous n’héritons pas du pays de nos parents Nous l’empruntons à nos enfants. » Prenons soin de sa terre Prenons soin de sa mer Éduquons son peuple Afin qu’il déguste sa liberté retrouvée Et qu’il apprécie son indépendance. Prenons soin de notre pays Comme d’un être fragile et cher Afin qu’il puisse pousser haut et fier, Comme les cèdres du Liban. Nicole ABDUL MASSIH Montréal Quand les Libanais échangent le vrai luxe pour le poulailler C’est avec plaisir et tristesse à la fois que j’ai lu l’article publié en page 8 de L’Orient-Le Jour du jeudi 29 décembre 2005 en coopération avec la société Ramco. Plaisir parce que enfin une entreprise immobilière contribue à la sauvegarde de notre patrimoine au lieu d’être responsable de sa destruction. Tristesse parce que les efforts constants de l’Apsad, associés à ceux de certains de nos ministres successifs de la Culture, n’ont réussi à sauver qu’un minimum de bâtiments. Or, comme je l’ai souvent souligné, le prestige d’une nation dépend en grande partie de sa contribution à la culture et à l’art. Il est ridicule de se vanter de 6 000 ans de civilisation lorsque l’on s’évertue à en détruire toutes les traces. Lorsque nous n’offrons aux touristes qu’un bidonville généralisé malgré les tours de luxe qui, de par leur agglomération, contribuent au désastre. Au-delà, dans nos montagnes, ce même bidonville se répand comme un cancer. D’ailleurs, les agences touristiques culturelles ne fréquentent presque plus le Liban. Et cela représente une perte financière considérable, alors qu’en Syrie, le nombre de touristes va croissant. En Italie et en Grèce, ils se chiffrent par millions. Cela est dans l’ordre des choses que les villes se développent ; mais alors qu’ailleurs la croissance se fait par extension dans de nouveaux quartiers planifiés et situés dans le prolongement de l’ancienne ville, au Liban la nouvelle ville se superpose à l’ancienne et, ce faisant, la détruit. Il en est de même de nos villages, autrefois parmi les plus beaux du monde par le raffinement de leurs architectures et leur accord au site, aujourd’hui réduits à n’être plus que des amas informes de structures répugnantes et primitives. «Comment voulez-vous que les Libanais fassent mieux, me dit un jour un visiteur, puisqu’ils ont surtout vécu sous des tentes ? » Cette sotte et ignorante assertion se généralisera si les Libanais s’obstinent dans la voie qu’ils semblent s’être tracée. « C’est curieux, me disait il y a quelque temps un étranger, chez nous, lorsque les gens s’enrichissent, leur ambition est de s’acheter une villa avec un jardin et, si possible, une piscine ; au Liban, cela semble être le contraire ». En effet, ici les gens vendent maison et jardin pour s’installer dans des appartements anonymes ; autrement dit, ils échangent le vrai luxe de l’espace et du vert pour le poulailler et la concentration, le vrai bien-être pour le compte en banque, le capital vécu et apprécié pour le capital stérile et en définitif virtuel. D’autre part, il est inexact de penser que la rénovation d’un ancien bâtiment requiert des sommes colossales à moins que celui-ci ne soit une véritable ruine. Ayant moi-même mis à neuf un vieux quartier à Gemmayzé, je peux assurer que le coût de la rénovation et de la modernisation d’anciennes demeures se situe bien au-dessous de celui d’une nouvelle construction de qualité, et que le rendement est appréciable puisque ces appartements entourés de verdure font l’objet d’une demande permanente. Je voudrais ajouter aux remarques ci-dessus un texte de Lamartine : « ... Quand les sentiers devenaient trop rapides, nous laissions nos montures un moment et nous parcourions à pied les terrasses naturelles ou artificielles qui forment les gradins de verdure de toute la colline de San Dimitri. Dans mon enfance, je me suis représenté souvent ce paradis terrestre, cet Éden que toutes les nations ont dans leurs souvenirs, soit comme un beau rêve, soit comme une tradition d’un temps et d’un séjour plus parfaits. « J’ai suivi Milton dans ses délicieuses descriptions de ce séjour enchanté de nos premiers parents ; mais ici, comme en toutes choses, la nature surpasse infiniment l’imagination. Dieu n’a pas donné à l’homme de rêver aussi beau qu’il a fait. J’avais rêvé Éden, je puis dire que je l’ai vu... » Je laisse aux lecteurs de ce texte les conclusions qu’ils en tireront. Yvonne SURSOCK COCHRANE Pour un meilleur avenir Ceci s’adresse à tous les Libanais, aux quatre coins du monde. Nous, Libanais vivant à l’étranger, pouvons transmettre votre message et vous aider à agir pour le bien du Liban. Vous n’êtes pas seuls, car les événements tragiques dans notre pays bien-aimé nous ont unis au niveau mondial. L’assassinat de nos responsables, familles, frères et sœurs nous rapproche chaque jour les uns des autres. Notre groupe, al-Moghtarebeen (les expatriés), compte organiser un rassemblement de solidarité avec le Liban cet été dans le but de montrer au monde entier que les millions de Libanais vivant à l’étranger n’observent pas passivement les événements tragiques qui se déroulent dans leur patrie… Nous comptons venir de partout, et en grand nombre, à Beyrouth afin de montrer au monde entier que nous, musulmans et chrétiens, sommes unis au nom de notre patrie. Pour réaliser ce but, nous avons besoin de l’aide des groupes et des sociétés libanaises qui se trouvent au Liban et dans le monde entier pour faire de cet événement un succès sans précédent. Nous voudrions montrer au monde que nous sommes un groupe qui s’est formé au lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri et qui s’est développé après la série d’attentats de ces derniers mois, dont le plus récent fut celui qui a coûté la vie à Gebran Tuéni et à ses compagnons. Nous nous adressons à tous les groupes libanais, à tous les médias, aux ministères, aux ambassades, aux universités, ainsi qu’à MM. Siniora, Joumblatt, Berry, Saad Hariri, à Mme Sethrida Geagea, à M. Mohammed Fneich et à tous les Libanais, partout où ils se trouvent. Unissons-nous et travaillons main dans la main pour un meilleur avenir. Béchir Gemayel, Gebran Tuéni : deux hommes, un même combat Le 14 septembre 1982, le Liban perdait Béchir Gemayel, son jeune président élu, son espoir à la liberté et à l’unité nationale, une unité nationale véritable, dans tout ce qu’elle incarne de droit à la différence entre des citoyens appartenant à des catégories socioculturelles et identitaires distinctes, mais bénéficiant tous du même droit à la dignité humaine au sein d’un État fort et souverain, et responsables tous d’un devoir : la sauvegarde du Liban, la défense de la nation libanaise et de son identité spécifique. Béchir Gemayel, plus qu’un président, est devenu une légende, après avoir incarné le rêve libanais et la volonté de sortir le Liban de la logique de la peur, de la violence, et de la dégénérescence des valeurs et des principes en vigueur durant une sale guerre fratricide. Après l’assassinat de Béchir Gemayel, les Syriens et leurs collaborateurs ont réalisé leur rêve historique : celui de l’annexion du Liban, de la mainmise complète sur ses institutions étatiques, de l’abolition du rôle de la société civile suite à une série de crimes visant tous les Libanais, toutes confessions confondues, agressant ainsi les valeurs humaines et exerçant une implacable barbarie afin de démontrer que le Liban ne peut exister, ne peut persévérer, qu’il est condamné à mourir… Nulle personnalité politique ayant accédé au pouvoir, nul leader politique n’a pu remplir le vide qu’a généré le martyre de Béchir. Bien que journaliste, tout comme les autres, mais différent, Gebran Tuéni, très attaché aux principes que Béchir défendait, a été à son tour l’ardent défenseur du Liban martyrisé, du Liban sur la croix, du Liban uniquement et de sa cause suprême. Le droit à la liberté inconditionnée et absolue pour tous les Libanais, l’indépendance totale du sol national soumis aux occupations étrangères, la souveraineté de l’État de droit et de justice, l’État fort dans ses décisions, l’État incarnant la richesse sociétaire de ce peuple, telle était la cause libanaise que Gebran n’a cessé d’évoquer dans ses écrits journalistiques, dans les débats politiques, dans les meetings avec les jeunes et dans son action sur le terrain. Les positions de Gebran, tout comme celles de Béchir, sont fermes et ne sont sujettes à aucune forme de concession ou de recul. Elles émanent d’un esprit droit, d’une volonté pure de changer la réalité amère, loin des intérêts personnels, d’une conviction profonde que le Liban est un pays-mission, berceau de la démocratie, et de la liberté d’expression et d’action dans ce Moyen-Orient plongé dans la violence des dictatures, dans l’oppression et l’asservissement des peuples soumis à des régimes totalitaires, un Moyen-Orient en ébullition perpétuelle. La ressemblance entre ces deux hommes, qui ont changé le cours de l’histoire, ne se limite pas à leur proximité des jeunes, auxquels sont inculqués les principes sur lesquels le nouveau Liban sera bâti. Cette ressemblance, elle est aussi dans leur personnalité et leur amour de la vérité, leur volonté de dire la vérité quelle qu’elle soit, de dire les choses telles qu’elles sont. Mettre les points sur les « i » n’est pas chose évidente au Liban. D’ailleurs, une telle mission est réservée aux hommes tels que Béchir, face à l’occupation syrienne de la quasi-totalité du territoire. Elle est réservée à des hommes tels que Gebran Tuéni, alors que le Liban est contrôlé par les Syriens et leurs services qui exercent leur autorité sur l’État, alors que la classe politique observe un silence prudent et que les dirigeants se contentaient d’exécuter les ordres syriens. Le 14 décembre 2005, le Liban perd Gebran Tuéni ; il perd un chef pacifiste, démocratique, ouvert, un militant sans frontière, un homme qui a sacrifié sa jeunesse, sa profession, son potentiel et son âme au service du Liban, afin que son peuple accède un jour à la libération fondamentale, au changement réel. L’âme de jeunesse et la volonté de changer, Gebran les a transmises aux jeunes, à des milliers de jeunes libanais rêveurs, assoiffés de vie meilleure dans un pays qui leur appartient, dans un pays au sein duquel ils sont les seuls souverains. Les lâches qui ont mis fin à l’existence de ces deux hommes, qui ont eu peur de la vérité, qui ont craint la parole libre, ignorent en fait que les martyrs ne meurent jamais, que le combat de Béchir Gemayel et de Gebran Tuéni continuera jusqu’à ce que le but soit atteint. Ces barbares avaient vu la menace qui pesait sur leur projet de destruction de l’entité libanaise, lors de l’élection de Béchir à la présidence de la République en 1982. Ils ont vu le danger, une nouvelle fois, quand Gebran a intégré le Parlement, ce lieu où le pouvoir de changer est plus grand et plus marquant, où la parole du journaliste réformateur est celle du peuple entier, où l’influence de cet homme est remarquable. La terreur syrienne pratiquée au Liban n’a jamais été cause de résignation ; elle ne le sera jamais. La lutte continue. Basma ABDEL KHALEK Champion toutes catégories Malgré trente années d’occupation militaire, la Syrie n’a pas su et n’a pas pu se faire aimer, encore moins se faire imposer en tant que régime, pays ou aspiration politique, que les Libanais adopteraient, bon gré mal gré, comme modèle de rechange. De fait, toutes les manœuvres machiavéliques, couvertes ou découvertes, en vue d’annexer le Liban ont échoué. Malgré tous les appâts, les menaces, les chantages, les Libanais dans leur ensemble ont toujours refusé une éventuelle annexion. La génération la plus active durant ces années était celle des baby boomers et, par cela, j’entends une génération qui a appris une même histoire du Liban, une même géographie et des principes de liberté qui ont façonné le subconscient de ces Libanais âgés de 45 à 60 ans. Outre un profond attachement aux valeurs universelles de respect des droits élémentaires et de leur protection, valeurs défendues d’ailleurs par tous, durant la guerre civile, sous divers slogans, les chrétiens libanais se sont arabisés par conviction et les musulmans se sont libanisés parce que confiants et convaincus que les deux ailes du pays avaient désormais atteint l’âge de raison. Faisant partie de cette communauté chrétienne libanaise et arabe, c’est avant tout la culture arabe que j’ai apprise, en remontant aussi loin qu’aux poètes de l’ère préislamique et jusqu’aux auteurs contemporains, comme le prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz. La musique, la chanson, la poésie, le théâtre arabes ont été incontournables, pour notre plus grand bien d’ailleurs, au cours de notre éducation libanaise. Sans état d’âme aucun, depuis l’indépendance jusqu’au plus fort de la guerre, nous n’avons jamais été privés de cette richesse, aussi bien pour nous que pour nos enfants. Non, la Syrie n’a aucunement contribué à cette métamorphose. Bien au contraire, nous avons eu du mal à vivre et à élever nos enfants dans les principes de droit, alors que la répression et la privation des libertés civiles accompagnaient l’occupation, et que le culte des dirigeants hypnotisait, bon nombre de nos voisins et cousins. Nous voici aujourd’hui, les expatriés chrétiens, enseignant l’arabe à nos enfants dans des écoles du dimanche. Et voilà du même coup l’autre aile du pays, rassurée et confiante, prête à entreprendre avec nous le voyage démocratique, défendant l’identité multiconfessionnelle du pays ainsi que la richesse de son patrimoine culturel. Nous avons implicitement pris conscience de notre appartenance arabe, nous nous sommes identifiés et nul ne peut mettre en doute notre arabité. Je suis citoyen libanais, je puise mes principes dans le subconscient arabe de respect, et de tolérance de justice et d’inclusion pour tous, je suis imprégné de cette même culture . L’hebdomadaire britannique The Economist vient de placer le Liban au deuxième rang après Israël quant au respect des valeurs démocratiques, alors même que ce n’est un secret pour personne que les Palestiniens des territoires occupés et plus encore les citoyens arabes israéliens sont l’objet d’une répression, et doivent se rabattre sur des écoles et des universités de second rang, une situation qui prive tout citoyen non juif d’avoir accès à nombre d’opportunités et de chances égales. À l’heure des comparaisons, le Liban demeure champion toutes catégories quant au modèle démocratique, garantissant pour tous ses citoyens les mêmes chances, les mêmes privilèges et les mêmes droits... Jean-Claude DELIFER Montréal, Canada Mort d’un homme solitaire Claude Sawaya, une des figures de proue de la télévision au Liban, est mort dans la rue, seul, au petit matin, dans sa voiture qui a brûlé et l’a consumé avec elle. Claude Sawaya, qui a fait les plus belles heures de Télé-Orient (Canal 11), en réalisant d’abord des émissions pour les jeunes, puis en devenant directeur des programmes et enfin directeur général de Télémanagement (la société qui a régi la publicité de Télé-Liban), a été également un des signataires de l’accord entre l’État et les deux télévisions privées (CLT et Télé-Orient), accord qui a mené à la création de Télé-Liban en 1978. Parti au Canada, il a continué de travailler dans la communication puis il a fondé au Liban une société de production qui a réalisé de nombreuses émissions de qualité. Claude Sawaya n’avait que des amis, de très nombreux amis. Et pourtant il est mort seul dans la rue. Sans doute pris d’un malaise vers 5h30 le matin du vendredi 23 décembre, il est monté dans sa voiture et a dû se diriger vers un hôpital proche pour se faire soigner sans déranger, dans son infinie délicatesse, ni un proche, ni un voisin, ni un parent. Il a heurté un parapet, sur l’autoroute de Hazmieh, sa voiture s’est retournée et a pris feu. Claude est mort dans un enfer de feu avant de se présenter au paradis. La maréchaussée est venue enlever la voiture vers 6h30 ce matin-là. Sans avertir personne. Sans même ouvrir une enquête. Et le corps de Claude est resté quatre jours à l’hôpital gouvernemental, sans que personne de sa famille ne soit averti. C’est par hasard que son frère a su, lundi matin, que Claude était dans un hôpital. Dans une rue passante, près d’un lieu où des militaires de garde sont constamment en fonction, il ne s’est trouvé personne pour avoir la curiosité de connaître l’identité de la victime et avertir ses proches. Voilà la république dans laquelle nous vivons. Une république qui ne prend soin de personne, ni de ses citoyens ni de ses habitants, et qui considère un accident de la route comme un numéro à ajouter à une statistique. Voilà le peu de respect que nos services publics réservent à leurs concitoyens. La honte ! La révolte devant tant de dérogations au respect des morts. Un homme seul est mort brûlé dans sa voiture, car il ne s’est trouvé personne pour le secourir. Pire, car il ne s’est trouvé personne pour avertir. Adieu Claude. Même dans ta mort tu as été un homme solitaire. Mais ta mort a prouvé que tes amis étaient nombreux. N’en déplaise à ceux qui t’ont laissé seul dans la rue. Sans te secourir, d’abord. Sans nous le signaler et nous faire vivre ainsi quatre jours d’angoisse. Le Christ a dit : « Pardonnez-leur mon Père car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Hélas, les gens de nos services publics savent ce qu’ils ne font pas. Et on ne peut pas leur pardonner. Jean-Claude BOULOS
Lettre à mon père
Avant ta mort, je t’avais promis d’être ton digne successeur en tant que
président de la nation. Tu m’avais bien enseigné les secrets du métier.
Ton leitmotiv favori est qu’il faut diviser pour régner. Pardonne-moi papa car j’ai fait de grosses bêtises et les événements se sont précipités depuis lors.
D’abord il y a eu ce malheureux jour du 14 mars...