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Actualités - CHRONOLOGIE

Des ados en quête de sensations fortes Plonger et replonger sans penser au danger

Ils en ont fait leur quartier général. La région de la Grotte aux pigeons, ses minuscules criques, ses petits ports de pêche et ses cavités rocheuses sont désormais le lieu de rencontre de nombreuses bandes de jeunes baigneurs avides de sensations fortes, depuis que des barbelés interdisent les plongeons du haut de la balustrade de la corniche, lieu favori des jeunes qui aimaient se donner en spectacle aux passants, au risque de leur vie. Des heures durant, ils s’amusent à exécuter des plongeons du haut de rochers avec plus ou moins de dextérité. Ils plongent et replongent sans arrêt, l’un après l’autre, sans vraiment prendre le temps de souffler, dans des criques bien trop étroites pour être sans danger. Des criques ceintes de rochers, parfois même de blocs de béton. Dans leur interminable ballet, le moindre geste déplacé peut être fatal. Mais ces adolescents, à peine sortis de l’enfance, demeurent persuadés, du haut de leur rocher, qu’ils sont intouchables, car ils s’estiment prudents. Et pourtant, les risques qu’ils prennent ne sont pas des moindres. Ces adolescents, nous avons suivi leurs prouesses. Des prouesses qu’ils multiplient dès qu’ils se savent observés. Youssef, Wafik et deux de leurs camarades plongent à tour de rôle dans une minuscule crique attenante à un port de pêche, perchés sur un rocher de 7 mètres de haut, à quelques centaines de mètres de la Grotte aux pigeons. À leurs pieds, la mer, mais aussi, d’un côté, des rochers recouverts d’algues et, de l’autre, d’énormes blocs de béton qui auraient dû servir, semble-t-il, à l’aménagement du petit port de pêche contigu. Mais les jeunes n’ont d’yeux que pour l’eau. Les rochers ? « Ils sont loin », disent-ils, sans crainte. Chaque plongeon est commenté par l’assistance, composée, en l’occurrence, de camarades qui, eux, ont peur de s’exécuter. On critique l’esthétique du plongeon, la position des jambes, on félicite aussi l’exécutant lorsque le plongeon est réussi. Les jeunes respectent le tour de chacun, attendant que le plongeur sorte de l’eau avant de plonger à leur tour. « Nous sommes prudents », observe Youssef, le plus téméraire de la bande. Mais peut-on parler de prudence lorsqu’on les voit grimper cet énorme rocher à mains nues, avant de se mettre une nouvelle fois en position ? Peut-on surtout parler de prudence lorsqu’on voit, par transparence, des rochers se dessiner dans l’eau, aux pieds des plongeurs ? Ou lorsqu’il suffit d’un faux mouvement pour que l’un d’eux se percute la tête contre un rocher ? « C’est si grisant que j’évite de penser aux dangers », indique encore Youssef, qui finit par avouer qu’il lui arrive de prendre des risques. Le jeune homme, qui a tout juste 17 ans, raconte alors les défis qu’il relève parfois avec d’autres amateurs de plongeons. « Nous organisons des défis et nous plongeons de grottes bien plus hautes que celle-là, qui atteignent 25 mètres de hauteur », dit-il fièrement, tout en montrant du doigt une grotte attenante à la Grotte aux pigeons. « Les jours de défis, raconte-t-il, la tension monte. Nous prenons des risques. C’est à qui plongera du point le plus haut. » « Mais, précise-t-il, il s’agit là de plongeurs chevronnés. Moi aussi j’en fais partie, je plonge depuis une dizaine d’années. D’ailleurs, je n’ai jamais eu le moindre accident. » Et de constater avec une certaine fatalité que même un excellent nageur pourrait se noyer. Moins téméraire, Wafik raconte qu’il s’est une fois entaillé le pied en plongeant. « Ce n’était pas très grave, mais c’était sérieux et ça a énormément saigné », dit-il, ajoutant qu’il est, depuis, plus prudent. Au fil de la conversation, les jeunes se hasardent à raconter un drame qui s’est déroulé un jour non loin d’eux : un jeune homme s’est tué en plongeant. Sa tête a cogné un rocher. « Mais l’on peut tout aussi bien tomber et se cogner en se promenant sur les rochers », observent-ils, comme pour atténuer la gravité du drame. Les criques et les rochers attenants à la Grotte aux pigeons ont été pris d’assaut, cet été, non seulement par d’aventureux adolescents, mais par des familles en quête de lieux agréables et frais pour y passer la journée. Même si l’accès à ces lieux, par un chemin en pente, rocailleux et sablonneux, est pour le moins hasardeux. Les restaurateurs, attirés par l’appât du gain, ont eux aussi ouvert leurs échoppes sur les criques ou les rochers. Mais le grand absent a été irrémédiablement l’État qui se protège derrière une loi obsolète : dans les lieux non surveillés, l’État n’est pas responsable des accidents qui pourraient survenir. Quatre plages publiques dans tout le pays et pas le moindre plongeoir pour assouvir leur passion, c’est bien peu pour des adolescents en quête de sensations fortes. Dossier réalisé par Anne-Marie EL-HAGE
Ils en ont fait leur quartier général. La région de la Grotte aux pigeons, ses minuscules criques, ses petits ports de pêche et ses cavités rocheuses sont désormais le lieu de rencontre de nombreuses bandes de jeunes baigneurs avides de sensations fortes, depuis que des barbelés interdisent les plongeons du haut de la balustrade de la corniche, lieu favori des jeunes qui...