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CORRESPONDANCE Les manchots empereurs et l’Antarctique vedettes du box-office du chaud été américain (Photo)

WASHINGTON- Irène MOSALLI On n’avait jamais vu dans les annales des films documentaires un titre du genre occuper la vedette du box-office aux États-Unis. Cela vient de se passer avec un long métrage portant de surcroît une signature française, celle de Luc Jacquet et intitulé La Marche de l’empereur (le manchot empereur est un oiseau qui ressemble au pingouin). Sous le titre anglais The March of the penguins, il est à l’affiche d’environ deux mille salles à travers le pays et la vente des billets n’est pas loin d’atteindre les 10 millions de dollars. Certes, les recettes de Fahrenheit 9/11 de Michael Moore avaient totalisé 120 millions de dollars, mais ce n’est pas là une référence, vu le caractère politique, polémiste et controversable de cette œuvre. Si le public américain s’embarque avec ravissement pour ce voyage, le menant sur les traces des manchots lors de leur cycle de reproduction, c’est d’abord parce qu’il s’agit là d’un spectacle naturel unique en son genre et aussi fascinant que s’il avait été mis en scène. Et il y a surtout la caméra du grand spécialiste français des films animaliers, Luc Jacquet, qui a magnifiquement cadré cette composante de la faune de l’Antarctique à travers sa longue pérégrination destinée à perpétuer l’espèce. Dans sa version US, l’immensité blanc-bleu des terres glacées devient encore plus impressionnante quand elle résonne de la seule voix ample, profonde et majestueuse de Morgan Freeman qui se fait ici le seul narrateur, remplaçant les trois conteurs de la version originale: Romane Bohringer, Charles Berling et Jules Sitruk. Un jeûne de 115 jours Passionné de l’Antarctique, Luc Jacquet dit: «L’empereur, c’est le plus grand, le plus beau. Il fallait que j’aie la carrure, et puis il fallait les moyens.» Il les a eus après quatre ans de préparation. Le tournage a eu lieu dans des conditions très difficiles. Dans l’Antarctique, l’homme se déplace le plus souvent à pied, ce qui exige de grandes performances physiques. C’est ce à quoi a été soumise l’équipe de tournage du film, qui devait tirer un traîneau avec près de 60 kg de matériel, tout en marchant dans une poudreuse de près d’un mètre de hauteur. Les caméras ont dû être préparées pour résister au grand froid, les températures minimales atteignant tout de même les - 30°. Plus dure est aussi la marche des oiseaux noir et blanc de cette contrée qui ont séduit les cinéphiles par le remarquable esprit de famille, aussi fort et organisé que chez les humains, leur endurance physique et tout leur mode d’existence articulé sur cette survie. Alors que de nombreuses espèces animales nichent pendant l’été austral, seuls les manchots empereurs se risquent à s’aventurer l’hiver en Antarctique, vivant en plein blizzard et jeûnant pendant près de 115 jours. Le film les accompagne durant leur cycle annuel qui va de février (fin de l’été antarctique où la mer redevient liquide) à février. Les manchots se regroupent alors par milliers et marchent durant plusieurs jours pour atteindre le lieu de leur accouplement, choisi pour être abrité du mauvais temps. Accouplement qui se passe dans une grande cacophonie. Le mâle couve l’œuf À la fin du mois de mai, la femelle pond ses œufs et les glisse rapidement, avant qu’ils ne gèlent, dans une poche placée sous son ventre. Entre temps, elle a perdu un tiers de son poids. Puis elle remet délicatement les œufs au mâle qui devra à son tour les garder au chaud durant deux mois, le temps qu’elle aille chercher de la nourriture dans la mer. Et cela malgré les fortes intempéries: vent soufflant à cent kilomètres à l’heure et température indiquant -70 °. En juillet, les œufs gardés par le mâle commencent à éclore et les nouveau-nés vont survivre pendant quelques jours, nourris par une sécrétion produite par le père. Les mères qui ont survécu à leur long périple reviennent avec une provision de nourriture. Ici, le temps compte. Si la mère tarde, le père abandonne ses petits. Dans les familles qui ont pu se retrouver, ce sera au tour du père (qui, lui, en attendant, a perdu beaucoup de poids) d’aller se nourrir en mer. Mais pas avant d’avoir appris à ses enfants à reconnaître le son de ses cordes vocales. Et l’aller-retour parental, destiné à ramener des aliments, durera jusqu’à ce que les petits apprennent à se nourrir seuls. Avec sa caméra, Luc Jacquet a pu établir un véritable dialogue avec un monde totalement inconnu. Pour lui, sur ces terres désolées, sans âme qui vive, le manchot incarne alors «la frontière de la vie». Le réalisateur ajoute: «Il n’y a plus rien après le manchot empereur. On touche au domaine de l’abiotique. Il n’y a pas une cellule en Antarctique. Dans cet horizon blanc à perte de vue, il est le dernier guetteur, le dernier élément de vie de la planète. À supposer que cela ne soit pas déjà en soi une autre planète. Parce que si on n’est pas vraiment dans l’espace, on n’est plus vraiment non plus sur terre! On est entre le réel et le fantastique.»
WASHINGTON- Irène MOSALLI

On n’avait jamais vu dans les annales des films documentaires un titre du genre occuper la vedette du box-office aux États-Unis. Cela vient de se passer avec un long métrage portant de surcroît une signature française, celle de Luc Jacquet et intitulé La Marche de l’empereur (le manchot empereur est un oiseau qui ressemble au pingouin). Sous le titre...