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Conférence - À la galerie Sfeir-Semler Michelangelo Pistoletto : une œuvre-miroir de l’état du monde…

«L’art est au centre de la pensée humaine.» Tel est le credo de Michelangelo Pistoletto, l’un des artistes italiens majeurs du XXe siècle. Un postulat que ce fondateur du mouvement Arte Povera*, dans les années soixante, n’a eu de cesse de démontrer à travers une œuvre artistique conceptuelle, qui touche aussi bien au domaine mathématique que philosophique ou spirituel. Présent à Beyrouth le week-end dernier, à l’invitation d’Andrée Sfeir-Semler, Michelangelo Pistoletto a donné une conférence, à la galerie Sfeir-Semler**, durant laquelle il a retracé, projection d’illustrations à l’appui, les grandes lignes de sa recherche artistique. Car «ce pilier international de l’art conceptuel», comme l’a présenté son hôte, a bâti l’ensemble de son œuvre sur un processus de pensée visualisée. Depuis les fameux Tableaux-miroirs qu’il réalisa à la fin des années cinquante, jusqu’au Mouvement artistique pour une politique interméditerranéenne, Love Difference (Aimer les différences), qu’il a lancé ces dernières années, le travail de Pistoletto fait confluer l’art et la réflexion sur la vie. Né en 1933, Pistoletto commença à peindre à la fin des années cinquante en se concentrant sur la figure humaine. «En tant qu’Italien, je suis issu d’une tradition picturale figurative que je ne pouvais rejeter. Mais j’ai rapidement cherché à faire sortir le portrait de son isolement, de la représentation individuelle, fermée». Cela donnera Les tableaux-miroirs. Des portraits et autoportaits photographiques, grandeur nature, qu’il incorpore dans des plaques d’acier poli, à effet réfléchissant. Par ce procédé, il intègre le spectateur et l’environnement de l’œuvre dans l’œuvre et joue avec les paramètres de spatialité et de temporalité. Avec le statique et le mouvant. «Il y a une sorte de rapport entre l’absolu et la relativité, à travers celui qui se forme entre la figure photographiée fixe et les gens en mouvement qui se placent dans le champ de réflexion du tableau-miroir et qui font ainsi temporairement partie de l’œuvre», souligne l’artiste. Le mètre cube d’infini Le miroir, ce matériau modeste tiré du quotidien, devient dès lors pour Pistoletto «le symbole de la représentation universelle» et l’objet de nombre de ses expérimentations. Elles le mèneront, par une série d’équations philosophico-physiques, à incarner dans un mètre cube formé de six miroirs l’idée d’infini. Ce mètre cube d’infini, Pistoletto l’a, par exemple, placé au centre d’un lieu de recueillement œcuménique qu’il a aménagé pour un hôpital à Marseille. «Ce lieu qui rassemble les symboles des différentes religions (Crucifix, Tables de la loi, etc.) autour du mètre cube va ainsi créer un rapprochement symbolique et des interactions entre les différentes croyances. Ce cube va absorber et renvoyer la force spirituelle de toutes les religions», explique-t-il. Remise en question de la réalité et de sa représentation, réflexion sur le rapport au temps, engagement de l’art dans les problématiques sociales… Les projets de cet artiste sont toujours vécus dans un contexte idéologique. Ainsi, son mouvement Love Difference, créé en 2002, est «un mouvement en faveur d’une vraie démocratie qui préserve les identités et les différences tout en éliminant les distances», indique-t-il. Soulignant qu’«il s’agit d’aimer et pas seulement d’accepter. Amener l’amour là où il y a de la haine». Parfaite illustration de ce manifeste, la table de conférence, taillée dans un miroir en forme de mer Méditerranée, entourée de chaises typiques des différents pays qui la bordent, est à la fois installation artistique et sensibilisation politique des peuples à une racine commune: la mare nostrum. L’art engagé À mille lieues de «L’art pour l’art », Michelangelo Pistoletto milite donc plutôt pour une responsabilité éthique de l’art. À la Cittadellarte, la fondation qu’il a créée vers le milieu des années quatre-vingt-dix, à Biella, sa ville natale, le travail collectif qu’il dirige est toujours porteur d’un message social. À l’instar des murales «engagées» peintes sur des façades d’usines, et qui représentent aussi bien toutes les couleurs des races humaines, qu’une planisphère sur laquelle est inscrit ce véritable cri d’alarme: «Le changement est inévitable.» Ou encore, dans le cadre d’une collaboration entre l’art et la production, la collection de tasses à café Illy que Pistoletto a signées, dont un exemplaire orné de ce leitmotiv spiralé «No Water, No Coffee». «Chaque produit qui entre dans la société de consommation induit un système économique, politique, un rapport social, une façon de vivre. Donc il y a une responsabilité du produit et, à ce titre, il faut responsabiliser les producteurs», affirme l’artiste. Qui estime que l’art est l’un des vecteurs les plus universellement accessibles de cette campagne de responsabilisation sociale. Pour Michelangelo Pistoletto, en somme, la création reflète l’état du monde. Comme un miroir… à multifacette. Zéna ZALZAL * Une tendance définie par le critique Germano Celant comme «une forme d’art moderne qui utilise des matériaux de tous les jours, (…), dans le but d’aller contre les valeurs commerciales du monde de l’art». ** La galerie Sfeir-Semler (La Quarantaine, immeuble Tannous, 4e étage, tél. 01/566550) expose, jusqu’au 13 août, une installation de Pistoletto sur le thème de la Méditerranée.
«L’art est au centre de la pensée humaine.» Tel est le credo de Michelangelo Pistoletto, l’un des artistes italiens majeurs du XXe siècle. Un postulat que ce fondateur du mouvement Arte Povera*, dans les années soixante, n’a eu de cesse de démontrer à travers une œuvre artistique conceptuelle, qui touche aussi bien au domaine mathématique que philosophique ou spirituel....