Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le Hezbollah veut mieux graver dans les esprits son image de parti politique régulier

On ne peut pas vraiment parler de mue, et encore moins de mutation. Ce n’est pas d’aujourd’hui, en effet, que le Hezbollah fait acte de présence sur la scène politique intérieure, notamment à travers un bloc parlementaire consistant. Mais avant la présente phase, il se présentait surtout, aux yeux de l’opinion extérieure, comme un mouvement paramilitaire combattant. Dit résistant par les Arabes et qualifié de terroriste par les Américains ou les Israéliens. Sur le plan strictement intérieur, il était regardé, notamment au sein de la communauté chiite, comme un mouvement actif sur le plan social ou culturel, bien plus que sur le plan politique traditionnel. Opinion justifiée par le fait que le Hezb n’a jamais intégré le gouvernement. Ainsi que par les pactes de partenariat électoral régulièrement conclus avec l’autre formation issue de la pensée de l’imam Moussa Sadr, le mouvement Amal. Or aujourd’hui, le Hezbollah, comme l’a proclamé son numéro deux cheikh Naïm Kassem, tient à faire savoir à tous, au-dehors comme à l’intérieur, qu’il se veut un parti disposant d’une large légitimité populaire. Un parti régulier au point d’avoir choisi, comme première initiative montrant son orientation, de promouvoir le consensus et l’esprit d’entente. Bien avant les municipales, il avait de la sorte dépêché des émissaires auprès de toutes les composantes politiques ou spirituelles du pays pour leur tendre la main. C’est sans doute pour mieux affirmer son caractère de force politique locale singulière que, cette fois, le Hezbollah n’a pas pactisé électoralement avec Amal. Cela, malgré les souhaits émis dans ce sens, sans trop d’insistance cependant, par les décideurs. Qui, s’alarmant un peu des résultats de la Békaa comme de la banlieue-sud, ont tenté derechef d’éviter une bataille entre frères rivaux au Sud. Ils n’y sont pas parvenus. Mais ils ont quand même obtenu un engagement mutuel de fair-play et d’élections calmes. Promesse importante, dans la mesure où la région frontalière, tampon mais aussi carte maîtresse face à l’ennemi israélien, ne doit pas être déstabilisée. De plus, faut-il le souligner, les proches de Nabih Berry, que les décideurs ne tiennent pas à négliger, laissent entendre que les pertes subies dans les municipalités un peu partout (même du côté de Beyrouth) doivent être compensées. Pour préserver les équilibres. Et pour éviter des ressentiments qui pourraient provoquer, par la suite, de difficiles frictions au sein d’une même communauté. Berry lui-même a entrepris de développer ces arguments auprès de l’officier syrien traitant du dossier libanais, le général Rustom Ghazalé, qu’il a visité à Anjar. Parallèlement, Joumblatt est intervenu, en ami commun, pour encourager la détente. Mais l’on a buté sur le double cas de Tyr et de Nabatyeh. Où Amal a tenu à faire cavalier seul, en écartant de la liste dite principale les noms soutenus par le Hezb. Qui a choisi dès lors d’engager le fer à Nabatyeh, en composant même avec les assaadistes, contre Amal. Finalement, cependant, un arrangement a donc été conclu : puisque compétition il doit y avoir, il faut qu’elle reste marquée par l’esprit sportif. Du côté du Hezbollah, on assure gommer tout esprit de défi ou de triomphalisme provocateur. Les cadres de la formation font valoir qu’au niveau des municipales, il faut regarder avant tout le développement. Et que c’est là l’une des raisons pour lesquelles le Hezb a trouvé préférable de ne pas s’allier avec Amal. Car un tel jumelage aurait pris une coloration d’ordre politique plutôt que social. Et, en imposant des listes unifiées, il aurait du même coup privé les électeurs de leur libre arbitre, de leur droit de choix démocratique. Le Hezb a donc manœuvré au coup par coup, localité par localité, nouant des alliances avec les familles, ou avec les clans, qui sont le cœur battant des cités. Une ligne également suivie au Sud. Où ces derniers temps, plusieurs notables indépendants se sont déclarés. Pour mieux indiquer que la carte de la région ne se résume pas à un partage entre le Hezbollah et Amal. Les meetings populaires organisés par ces personnalités, il convient de le signaler, ont été couronnés en général d’un franc succès. Pour en revenir au Hezb, ses dirigeants répètent après Naïm Kassem qu’il a voulu profiter des municipales, pour bien montrer aux Occidentaux qu’il n’est pas une cellule terroriste, comme ils l’en accusent, mais une formation bien implantée dans le tissu sociopolitique local. Plus avant, dans le même sens, le Hezb a tenu à démontrer qu’il n’est pas non plus un groupe cantonné dans un rôle confessionnel. Mais que, comme toute force politique régulière, il se plie volontiers à la règle du consensus intercommunautaire, indispensable dans un pays composite. À cette fin, il n’a pas hésité à s’allier dans certaines régions avec des courants qui sont aux antipodes de sa ligne politique propre, comme les aounistes. Philippe ABI-AKL
On ne peut pas vraiment parler de mue, et encore moins de mutation. Ce n’est pas d’aujourd’hui, en effet, que le Hezbollah fait acte de présence sur la scène politique intérieure, notamment à travers un bloc parlementaire consistant. Mais avant la présente phase, il se présentait surtout, aux yeux de l’opinion extérieure, comme un mouvement paramilitaire combattant. Dit...