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Actualités - CHRONOLOGIE

Société - « Est-ce la Vierge ? Que veut-elle dire ? » Béchouate, lieu de lumière pour un monde en crise (Photo)

«Est-ce Elle? Que veut-elle dire ? » Ces questions, qui font le sous-titre de l’ouvrage du théologien René Laurentin, Multiplication des apparitions de la Vierge, il faut les reprendre pour s’interroger sur la signification de ce qui se passe, depuis l’été dernier, à Béchouate, petit hameau perdu de la Békaa situé sur les premiers contreforts du versant oriental du Mont-Liban. S’il fallait sacrifier au traditionnel bilan annuel de la presse, on peut dire sans se tromper que par le nombre de visiteurs qui se sont rendus, depuis la seconde moitié du mois d’août à Béchouate, la Vierge Marie, sous les traits de la statue de Notre-Dame de Pontmain, a été au Liban la personnalité de l’année. Selon le père Fady Bassil, le prêtre en charge du sanctuaire, près d’un million de fidèles venus de toutes les régions et de certains pays voisins, ont défilé depuis août dans la petite chapelle, devant la robe étoilée de la Vierge. C’est par cars entiers que les pèlerins, fuyant la foule particulièrement dense en matinée, arrivaient à minuit, deux heures ou quatre heures du matin. Pour parvenir devant la statue, il fallait parfois attendre plus d’une heure. Le phénomène a complètement surpris les habitants, et c’est à la hâte que la municipalité, la Défense civile, la police de la route, les paroissiens, la hiérarchie religieuse et les petites échoppes, buvettes et cafés du coin se sont organisés pour faire face à une vague qui les a totalement submergés. La réputation du sanctuaire commence même à dépasser les frontières de l’Orient. Des groupes européens, éthiopiens et haïtiens y sont venus cet été. Les évêques maronites d’outre-mer, venus au Liban pour le synode patriarcal maronite, y ont célébré des messes. Avec la rentrée scolaire puis l’hiver et le froid, l’affluence a baissé certes, mais aucun tarissement du pèlerinage n’est signalé. C’est toujours par pullmans entiers que les fidèles affluent de toutes les paroisses du Liban, tandis que bon nombre de musulmans des villages environnants ou de plus loin aussi viennent visiter la chapelle et en repartir avec de l’encens et de l’huile, et parfois des guérisons éclatantes. Le petit Hassan Hussein Ismaïl est originaire de Brital et n’a que six ans. Affligé quelques semaines après sa naissance d’une grosse tumeur au cou, derrière l’oreille droite, cet élève de l’école de l’Imam al-Mahdi, a été totalement guéri, après une visite effectuée en octobre au sanctuaire, en compagnie de ses parents. L’enfant avait été opéré en bas âge de l’excroissance, qui avait reparu un an plus tard. Trois jours après la visite de la chapelle à Béchouate, la tumeur a disparu comme par enchantement. Bigame, son père, qui a neuf enfants et qui travaille comme carrossier de voitures, affirme aujourd’hui qu’il se rend de temps en temps à Béchouate, où il prie « la Fatiha » du Coran ou quelque autre prière, dans la foi que la Vierge Marie est « une grande prophétesse ». Il n’y a pas, à Béchouate, de bureau de vérification des guérisons, tel qu’il en existe par exemple à Lourdes. Il n’existe même pas un registre des guérisons ou des jalons importants de la vie du sanctuaire. Le père Fady Bassil fait ce qu’il peut pour recueillir des témoignages directement à la source. Beaucoup viennent et repartent avec des grâces, dont il n’a pas et ne peut avoir connaissance. Beaucoup de guérisons et de signes resteront ainsi enfouis dans la terre de la foi populaire et fructifieront par des voies imprévisibles. Un site religieux très ancien Beaucoup de signes peuvent aussi n’en être pas vraiment, car nous sommes là dans le domaine de l’impondérable. Des journalistes en mal de scoop ou des fidèles de bonne foi peuvent mal interpréter quelque donnée et fabriquer un signe qui n’existe pas, mais qui ne deviendra pas moins partie du folklore religieux touchant le sanctuaire, au risque de nuire à la crédibilité des véritables manifestations spirituelles. Ainsi il en est de certaines coulées de peinture apparues sur un portrait de la Vierge, où d’aucuns ont voulu voir des coulées de sang. Mais les véritables «signes» existent. Et c’est d’eux qu’il s’agit ici. Le site de la chapelle Notre-Dame de Béchouate remonte au XVe siècle, à en croire la chronique publiée au début du XXe siècle par le père jésuite Joseph Goudard, dans son célèbre ouvrage La Sainte Vierge au Liban, refondu dans les années 50 par le père Henri Jalabert. Les prodiges liés à l’histoire de ce sanctuaire ne sont pas rares, et dès le XIXe siècle, il est au centre de la vie sociale et religieuse de la région, la Vierge étant non seulement sollicitée pour des guérisons, mais aussi prise à témoin dans des accords ou pour arbitrer des conflits. L’affluence la plus importante se situant autour de la fête de la Dormition ou de l’Assomption, le 15 août. Cette année n’a pas fait défaut à ce qui se passait traditionnellement. Jusqu’à la veille du 22 août, fête de Marie Reine, dans la liturgie latine. Ce soir-là, un garçonnet jordanien d’une dizaine d’année, Mohammed al-Hawadi, qui se trouvait en vacances au Liban chez des amis de son père, et dont le pullman s’était arrêté à Béchouate, voit la Vierge s’animer sous ses yeux, alors qu’il est assis dans la petite chapelle. Le phénomène prend de court tout le monde, y compris l’adulte qui se trouvait assis à ses côtés. D’autres personnes, ce même soir, «voient» la statue prendre vie. Depuis ce mémorable samedi 21 août, des milliers de personnes affirment avoir «vu» la Vierge pleurer, respirer, déplacer son regard, bénir, à l’endroit même où quelques instants auparavant et quelques instants plus tard se tenait une statue en plâtre. C’est cette multiplication incroyable du phénomène qui en fait la nouveauté. Et qui ne laisse pas d’intriguer. Ces signes sont-ils authentiques? Ne s’agit-il pas d’une hallucination collective, d’un délire d’interprétation contagieux, d’une hystérie de masse? Pourquoi maintenant? Ces signes s’inscrivent-ils dans une certaine continuité? Laquelle? Pourquoi la Vierge use-t-elle de ces étranges manières? Pourquoi ces signes ne s’accompagnent-ils pas d’un message précis ? Le patriarche favorablement disposé En attendant une réponse qui peut tarder, on peut prendre les choses plus simplement. Sur foi de ses proches, le patriarche maronite serait bien disposé à l’égard des «signes» venus de Béchouate. Cet avis favorable, à ne pas confondre avec une déclaration officielle d’authenticité, s’est reflété dans le communiqué de septembre de l’assemblée des évêques maronites. Le collège épiscopal y affirme que Dieu a toujours donné des «signes» aux hommes pour leur manifester sa présence, sa puissance et son amour. Loin d’une actualité locale et régionale plutôt sombre, Béchouate est, depuis le mois d’août, un lieu de lumière pour des milliers de fidèles de toutes les communautés et confessions. Ceux qui s’y rendent le font avec leur bagage de foi authentique, de superstition parfois ou encore de frivole curiosité; et tous n’en reviennent pas changés. On peut bien reprocher à ces «visions» leur pléthore et leur mutisme. Mais si l’on tient compte de la multiplication des apparitions de la Vierge dans le monde, à Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, à Naju, en Corée, à San Nicolas, en Argentine, et même au Liban, deviner ce que la Vierge tente de dire aux Libanais ne sera plus tellement difficile. Ce message qui manque, ce message tant attendu, c’est l’Évangile, la Bonne Nouvelle annoncée par les Anges aux bergers de Bethléem, la naissance de «Dieu avec nous», l’amour fraternel par-delà les barrières religieuses, les avertissements adressés aux Scribes et aux Pharisiens, les mises en garde contre les faux prophètes, les promesses à ceux qui tiendront bon. L’Évangile quoi ! Fady Noun
«Est-ce Elle? Que veut-elle dire ? » Ces questions, qui font le sous-titre de l’ouvrage du théologien René Laurentin, Multiplication des apparitions de la Vierge, il faut les reprendre pour s’interroger sur la signification de ce qui se passe, depuis l’été dernier, à Béchouate, petit hameau perdu de la Békaa situé sur les premiers contreforts du versant oriental...