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Droits de l’homme - L’incident à l’Escwa avec Solide relance un vieux débat sur l’attitude officielle à l’égard de certaines ONG locales Quand le pouvoir brade l’héritage de Charles Malek...

«Le Liban est membre fondateur et actif des Nations unies dont il s’engage à respecter la charte et la déclaration des droits de l’homme. L’État incarne ces principes dans tous les domaines sans exception », stipule l’alinéa « b » du préambule de la Constitution. Depuis 1990, l’héritage de Charles Malek, qui a permis en 1948 au Liban d’être l’un des rédacteurs de la déclaration universelle des droits de l’homme, est consacré dans le pacte national (l’accord de Taëf) et dans la Constitution. Cet alinéa « b » intègre la culture, la légitimité des droits de l’homme au sein de la Loi fondamentale, réconciliant ainsi cette légitimité avec la règle de droit, dont elle devient partie inhérente. L’héritage de Malek a permis au Liban de devenir l’un des pionniers en matière des droits de l’homme. Et la disposition du préambule est venue, en 1991, confirmer l’importance de cet aspect de la culture libanaise, du moins sur le plan théorique. Parce que au niveau de la pratique, si le Liban se porte beaucoup mieux que tous ses voisins, le bilan n’en est pas pour autant positif, surtout sur le plan des droits civils et politiques (la situation du point de vue des droits économiques et sociaux ou de la troisième génération des droits de l’homme – le droit à un environnement sain, à la bioéthique – n’est d’ailleurs pas meilleure). Nombre d’observateurs soutiennent d’ailleurs que si le pays du Cèdre arrive encore à tenir le cap en matière de respect des droits de l’homme, des libertés publiques et des règles démocratiques, c’est grâce à sa société civile dynamique, aux nombreux cadres qui n’hésitent pas à s’engager pour promouvoir ces valeurs de justice, d’équité, de liberté, de droit, souvent même à leurs risques et périls. Le gouvernant étant enclin – presque « naturellement », dirons-nous – à enfreindre ou à faire tout bonnement l’impasse (à fermer les yeux) sur les règles du droit naturel au nom de la « raison d’État » par exemple. Laquelle ne répond pas toujours à l’intérêt général et au respect du droit et des conventions internationales. Depuis la fin de la guerre, les exemples pratiques ne manquent pas pour illustrer ces observations. Ainsi, la politique des « deux poids, deux mesures » semble avoir été le moteur de la logique du pouvoir depuis 1990, la ligne de clivage étant beaucoup plus politique que communautaire dans ce cadre. Des rassemblements et des manifestations de l’opposition pour le retrait syrien ont été réprimés alors que d’autres courants politiques au pouvoir et prosyriens ont pu tenir des meetings et organiser des marches librement, parfois même avec des armes, sans être inquiétés. Des partis et des courants politiques de l’opposition sont considérés comme « prohibés » alors que d’autres, loyalistes et inféodés à Damas, tiennent des défilés militaires sans problème. Des chefs politiques de l’opposition ont été menacés, poursuivis, exilés ou incarcérés. Et la sélectivité se poursuit au niveau des grands dossiers : à titre d’exemple, la question des disparus se limite, pour les autorités, à celle des détenus libanais en Israël, l’affaire des prisonniers libanais en Syrie se heurtant au phénomène récurrent de déni du pouvoir. Pourtant, les ONG impliquées dans la défense de ce dossier, notamment Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil) et Solida (Soutien aux Libanais détenus arbitrairement, basé en France) n’ont pas lésiné sur les recours politiques, judiciaires – et même populaires – à entreprendre, aussi bien au Liban qu’à l’étranger, durant les dernières années. Sans grand succès. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, affirme le dicton populaire. Le pouvoir a préféré former plusieurs commissions ministérielles jugées non conformes aux normes internationales par Solide (parce que formées notamment de représentants des organes de sécurité au Liban), et dont le rôle a surtout été de ralentir ou d’étouffer complètement l’affaire au niveau public. Solide privée de parole à l’Escwa La partialité manifestée par les milieux loyalistes à l’égard d’ONG telles que Solide ou Solida est apparue une nouvelle fois pas plus tard que vendredi dernier lors du meeting organisé par l’Escwa à l’occasion du 56e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme. M. Marwan Farès, président de la commission parlementaire des Droits de l’homme et député de l’un des partis au pouvoir, (le Parti syrien national social – PSNS), M. Mohammed Safa, proche d’un des partis au pouvoir et qui a longtemps été responsable de la question des détenus libanais en Israël, et M. Raymond Chédid, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, faisaient partie des intervenants. Le représentant de Solide, Ghazi Aad, a également été convié par l’Escwa, mais uniquement pour faire partie de l’assistance, et non pour prendre la parole. À l’issue des interventions de MM. Farès et Chédid, M. Aad a demandé la parole au modérateur de la séance, le responsable du centre d’information de l’Onu à Beyrouth, Négib Friji, pour défendre son dossier. On lui répond que son intervention n’est pas prévue au programme. C’est alors que les militants de Solide ont apostrophé MM. Farès et Chédid, qualifiant le premier de « traître », parce qu’« en tant que représentant du peuple et que le président de la commission parlementaire des Droits de l’homme, il refuse de traiter ou de reconnaître le dossier des détenus libanais en Syrie ». Le second a été pris à parti par les militants pour une raison majeure : il a, à leurs yeux, manqué à son devoir de bâtonnier au niveau du dossier des détenus, d’autant que l’Ordre avait participé aux commissions ministérielles en tant que seul représentant de la société civile. Quoi qu’il en soit, MM. Farès et Chédid ont aussitôt quitté les lieux. Puis Ghazi Aad a remis à M. Friji la pétition élaborée pour la libération des détenus libanais en Syrie et qui avait été signée l’an dernier par 10 000 étudiants de toutes les universités. La pétition aurait dû être remise au printemps dernier à l’Escwa, mais manifestants et parents de détenus avaient été sévèrement réprimés par les agents de l’ordre au moment où ils devaient se rendre au siège de l’institution. Et Négib Friji s’est engagé à organiser bientôt une conférence sur le dossier des détenus et des disparus. N’est-il pas grand temps que les autorités libanaises reconnaissent d’une manière responsable l’existence de ce dossier, à l’heure où Damas libère des prisonniers politiques ? N’est-il pas grand temps d’établir un vrai dialogue, transparent, entre le pouvoir et la société civile, qui fait partie intégrante de l’État ? Un pouvoir qui cherche à exclure la société civile de l’équation pour s’accaparer des structures étatiques sans âmes contribue à sa propre chute. M. H. G.
«Le Liban est membre fondateur et actif des Nations unies dont il s’engage à respecter la charte et la déclaration des droits de l’homme. L’État incarne ces principes dans tous les domaines sans exception », stipule l’alinéa « b » du préambule de la Constitution. Depuis 1990, l’héritage de Charles Malek, qui a permis en 1948 au Liban d’être l’un des rédacteurs...