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Actualités - CHRONOLOGIE

Mahnaz Afkhami: « Le changement au M-O ne peut venir que par les femmes» (photo)

Son CV est impressionnant et sa dure expérience de l’exil ne l’a pas empêchée de consacrer sa vie à son combat premier, celui du renforcement du potentiel des femmes dans leur société. Mahnaz Afkhami, ancienne ministre des Affaires féminines en Iran sous le shah et militante des droits de la femme durant plusieurs années, est la fondatrice du Women’s Learning Partnership (WLP), un réseau d’associations qui a récemment tenu une réunion au Liban. Avec beaucoup de flegme et le sourire affable qui la caractérise, elle explique pourquoi, selon elle, la lutte pour les droits de la femme ne peut qu’aller de l’avant, malgré les accidents de parcours générateurs de retards. Elle insiste aussi sur le fait que le changement social radical ne peut survenir, dans nos sociétés traditionnellement patriarcales, que via les femmes. L’objectif du WLP est de doter les femmes des pays du Sud, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, des moyens qui peuvent leur permettre de participer activement au processus de développement et à la décision politique. «Nous avons développé des stratégies pour atteindre cet objectif, explique-t-elle. Nous travaillons avec un réseau d’associations, notamment dans les pays à majorité islamique, dans la logique du travail transnational, mais aussi selon la méthodologie de la formation au leadership avec utilisation d’outils comme les manuels par exemple.» Pour cela, le réseau a développé un concept nouveau, celui du leadership participatif, communicatif, interactif, horizontal... bref, différent du leadership traditionnel, beaucoup plus porté vers la seule autorité. Un système bien plus accessible aux femmes et plus proche de la manière dont elles ont traditionnellement géré leur vie familiale, selon Mme Afkhami. Comment le WLP mène-t-il ces sessions de formation? «Dans des ateliers de travail regroupant pas plus d’une vingtaine de participantes, nous proposons aux femmes des exercices et des discussions sur des expériences vécues, souligne Mme Afkhami. C’est toujours plus facile de communiquer quand la discussion concerne une tierce personne. On en retire deux bénéfices essentiels: d’une part, les femmes entrevoient la possibilité, fictive jusqu’alors, de jouer un rôle de leader dans leur entourage, à l’instar de celles qui ont déjà tenté l’expérience. D’autre part, elles apprennent qu’il est possible de discuter et d’écouter des opinions diverses sans entrer en conflit, faisant ainsi l’expérience d’une précieuse leçon de démocratie.» «La lutte ne peut qu’aller de l’avant» Mais comment travailler en faveur des droits des femmes dans une région où les droits de l’homme et les droits civiques ne sont souvent pas respectés? «Je pense justement que dans notre région, le changement ne peut provenir que par une lutte pour les droits de la femme, parce que celles-ci ne sont pas bien intégrées aux systèmes en place et qu’elles sont donc plus réceptives au changement, répond-elle. De plus, puisque, au regard de la loi comme de la politique, elles sont traditionnellement privées de leurs droits, elles ont donc plus de motivation pour revendiquer un changement, en commençant par leur statut légal au sein de la famille.» On a parfois l’impression que les droits des femmes ont tendance à régresser dans la région au lieu de progresser. En tant qu’experte dans le domaine, qu’en pense-t-elle? «C’est vrai, notamment dans mon pays, l’Iran, reconnaît Mme Afkhami. Nous avions derrière nous un siècle d’organisation, de luttes, de lois progressistes. Quand un nouveau régime a vu le jour, il en a relégué beaucoup aux oubliettes. Mais ce que j’ai pu constater, c’est que, une fois que les femmes ont atteint un certain degré de conscience, on ne peut les décourager longtemps. Après quelques années de soumission obligée, les Iraniennes ont fait face au gouvernement à plusieurs reprises et ont récupéré beaucoup de leurs droits. » Cela suffit à justifier, selon elle, l’importance du travail de sensibilisation effectué auprès des femmes parce que cette conscience de leurs droits, personne ne pourra plus la leur ôter. «La guerre, les conflits de civilisations qui font resurgir les fondamentalismes sont des obstacles sur la route, souligne-t-elle. Mais la courbe est ascendante et personne ne peut, à terme, arrêter le progrès. Après deux décennies de conventions internationales des Nations unies, dans un contexte de mondialisation des technologies et des moyens de communication, rien ne peut empêcher la circulation des informations qui contribue à la conscientisation à travers le monde, et ce, malgré les désavantages de la mondialisation économique. Avec le temps, même les gouvernements et les groupes les plus conservateurs ont fini par comprendre que la femme avait son importance et qu’elle devait jouer un rôle dans la société et le développement.» Lutte et exil Mme Afkhami est loin d’avoir rompu les liens avec son pays d’origine, l’Iran, même si elle ne s’y est plus rendue depuis son exil. Le renversement du shah lors de la révolution islamique a été pour elle une amère expérience puisqu’elle a été retenue aux États-Unis, où elle participait à une réunion aux Nations unies à New York en prévision de la création d’un grand centre de recherches de l’Onu à Téhéran. «C’était un grand choc, raconte-t-elle. Une fois qu’on est empêché de rentrer chez soi, on perd tout d’un coup: la pratique de sa langue, son emploi et tous les aspects de son identité. Mais avec le recul, j’ai fait des efforts pour comprendre tout le processus, et j’ai écrit un livre intitulé Les femmes en exil. Cela m’a beaucoup aidée parce que ça m’a permis de rentrer en contact avec d’autres personnes dans la même situation et de constater qu’elles avaient survécu dans des conditions encore plus difficiles que la mienne. Et c’est là que je me suis rendu compte que le réseau international de féministes dont je faisais partie était pour moi une seconde famille.» Aujourd’hui, les amis et anciens collègues de l’ex-ministre restent en contact avec elle, qu’ils soient en Iran ou en exil. Ils ont organisé des séminaires en Iran, dans des circonstances souvent imprévisibles en raison des réactions que peuvent susciter ces activités, pourtant non partisanes selon elle, chez les autorités. Mais elle reste confiante dans le progrès au niveau de la situation de la femme arabe et musulmane en général. «Il n’y a d’autre alternative que le changement», dit-elle. «Les idées stéréotypées de l’Occident ne sont peut-être pas une panacée pour nous, estime-t-elle, mais nous devons néanmoins adopter leur tendance à l’autocritique. Nous devons faire évoluer nos sociétés, prendre davantage conscience des droits de l’homme et devenir plus démocratiques. Or, les pays arabes ont beaucoup de ressources pour aller dans ce sens. »
Son CV est impressionnant et sa dure expérience de l’exil ne l’a pas empêchée de consacrer sa vie à son combat premier, celui du renforcement du potentiel des femmes dans leur société. Mahnaz Afkhami, ancienne ministre des Affaires féminines en Iran sous le shah et militante des droits de la femme durant plusieurs années, est la fondatrice du Women’s Learning Partnership...