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Critiques opposantes en rafale après les déclarations de Frangié

Le programme affiché lundi, au sortir d’une entrevue avec le patriarche Sfeir, par le ministre de l’Intérieur Sleimane Frangié lui a valu hier une pluie de critiques opposantes. Il est tout d’abord reproché au ministre d’avoir développé des vues qui reflètent une approche sans doute admissible sur le plan politique, mais manquant singulièrement du sens de l’État et des institutions. Pourquoi cette remarque ? Parce que, répondent les opposants, Frangié annonce qu’il veut remplacer le staff sécuritaire en place à l’Intérieur par une équipe bien à lui. Sous prétexte qu’il ne peut travailler avec un personnel fourni par un autre et qui prendrait peut-être ses ordres ailleurs. Si tous les ministres faisaient de même à chaque changement de gouvernement, il n’y aurait plus de continuité, et encore moins d’efficacité ou de rendement. Dans le fonctionnement de l’appareil d’un État déjà bien peu cohérent, notent ces sources. Celles-ci reconnaissent cependant que l’attitude du ministre Frangié est loin de constituer une première. Car, selon eux, la notion d’État s’est évaporée dès la conclusion de Taëf, qui a permis aux éléments miliciens de se muer en criquets pèlerins envahissant l’Administration où on les a fourrés en bloc, pour les reconvertir de guerriers spoliateurs en parasites civils. Chaque institution devenant ainsi une ferme, une chasse gardée, réservée à tel leader ou à telle fraction. Ce copartage généralisé entraînant bien entendu la paraplégie de l’État, aggravée par les querelles entre convives du festin. Auxquels, selon leurs couleurs et leurs donations en sous-main, va l’allégeance des fonctionnaires parachutés, qui ne tiennent donc aucun compte du service public en tant que tel. Et ne cherchent qu’à servir leurs intérêts matériels propres en sus de ceux, politiques ou autres, de leurs soi-disant bienfaiteurs politiciens. D’où une propagation effrénée de la corruption à tous les niveaux. Une propension illimitée à la gabegie et au gaspillage. Avec, pour résultat, un déficit budgétaire record et une dette publique de 35 milliards de dollars. Ce courant maléfique est d’une telle puissance que tous les gouvernements qui ont essayé, avant et après 98, d’enclencher une réforme administrative s’y sont cassé les dents. Hariri et Hoss ont ainsi connu, à tour de rôle, une même déconvenue cuisante. Pire même : les mesures de correction qu’ils ont cru devoir prendre ont eu finalement un effet contraire. La plupart de ceux qui ont été évincés par la porte sont revenus par la fenêtre. Par le biais de verdicts favorables rendus à leur profit par le Conseil d’État. Ils ont pu réintégrer leurs postes avec tous les honneurs, et les arriérés de traitements. Parfois même avec de grasses indemnisations pour le préjudice moral subi. L’État, vaincu par la mentalité milicienne, y a beaucoup perdu, en sous et en autorité. Les suspendus Les opposants, abordant ce sujet, posent de nouveau aujourd’hui la question des quelque 35 fonctionnaires de la première catégorie, directeurs généraux ou assimilés, « mis à disposition », c’est-à-dire sur la touche. Qui n’ont donc plus de tâches à accomplir, se tournent les doigts, mais n’en continuent pas moins à percevoir, depuis des années, leurs émoluments. Le comble, c’est que certains d’entre eux ont décroché en justice des jugements les réhabilitant, et enjoignant du même coup aux autorités de les remettre à l’œuvre. Mais elles n’en ont rien fait. Les opposants veulent savoir si le gouvernement, qui parle de pourvoir les postes vacants, de procéder à un mouvement administratif, va songer à utiliser enfin cette réserve de cadres « mise à sa disposition ». Ou s’il va se décider à les larguer pour de bon, la situation équivoque actuelle ne pouvant plus, ne devant plus, en tout cas, durer. Dans le même esprit, les opposants répètent que la première vraie réforme à accomplir c’est de mettre un terme au clientélisme. De placer « the right man at the right place », indépendamment de toute considération de sujétion politique. Et, toujours dans la même optique étatique, de ne pas permettre aux ministres de s’entourer de leur propre staff, comme Frangié veut le faire. Raisons Il faut cependant noter, à ce propos, que le ministre se justifie en faisant valoir que son prédécesseur avait recruté à sa guise, sans que personne ne lui demande de comptes. D’où la crainte de Frangié d’avoir entre les mains un instrument manipulé de loin par d’autres. C’est là un point de vue compréhensible. La solution, indiquent les opposants, serait sans doute de confier à l’examen des organismes de contrôle le personnel en question. Et, si besoin est, de recommander des nominations qui seraient aussi techniquement valables que politiquement neutres. Surtout que pour les élections législatives, l’impartialité de l’État et du ministère de l’Intérieur, représentés sur le terrain par des officiers, doit rester au-dessus de tout soupçon. De son côté, le président Omar Karamé entend traiter globalement le dossier en dynamisant les organismes de contrôle dont l’avis au sujet des nominations potentielles ne serait plus ignoré comme il l’a été systématiquement ces dernières années. Ce qui fait que nombre de directeurs généraux ont été désignés, alors qu’ils ne répondaient pas aux critères nécessaires. Cela au titre du clientélisme tentaculaire qui a rongé l’État dans tous ses départements, Chambre des députés comprise. Le gouvernement Karamé aura-t-il le temps, et la capacité, d’enclencher une vraie réforme. Les professionnels en doutent. Et tirent assez mauvais augure des intentions du ministre Frangié qui, à leurs yeux, semble décidé à appliquer les résultantes du vieil adage : ôte-toi-de-là-que-je-m’y-mette. De plus, ajoutent les opposants, la nomination à la tête des FSI du général de brigade Ali Hajj fait désordre et risque de causer des problèmes internes. Pourquoi ? Parce qu’on a dû le bombarder général de division, grade que quelque 40 autres officiers supérieurs ont obtenu bien avant lui. Ce groupe, soulignent les opposants, risque de claquer la porte, trouvant difficile d’obéir à un ex-subalterne, de devenir les commandés de celui qu’ils commandaient. Qu’ils commandaient, à leur avis, simplement parce qu’ils étaient (et se considèrent toujours comme) plus qualifiés. Philippe ABI-AKL

Le programme affiché lundi, au sortir d’une entrevue avec le patriarche Sfeir, par le ministre de l’Intérieur Sleimane Frangié lui a valu hier une pluie de critiques opposantes. Il est tout d’abord reproché au ministre d’avoir développé des vues qui reflètent une approche sans doute admissible sur le plan politique, mais manquant singulièrement du sens de l’État et...