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Actualités - OPINION

Ce qu’ils en pensent RÉSOLUTION 1559

La tension est certes un peu retombée, mais l’inquiétude demeure. Le Liban qui a longtemps lutté pour obtenir l’application des résolutions internationales le concernant et concernant la région du Moyen-Orient, et qui a fait de cette revendication le pilier de sa politique internationale (les relations avec la Syrie étant quasiment considérées comme un dossier interne), se voit aujourd’hui contraint d’en rejeter une, parce qu’elle lui paraît contraire à ses intérêts. Quelles sont les conséquences d’une telle attitude sur la suite des événements, dans un contexte aussi tendu, alors que les États-Unis et la France semblent déterminés à obtenir l’application de la résolution 1559 ? Le Liban est-il désormais en dehors de la légalité internationale ? Nous avons demandé au Pr Issam Sleimane de donner des éléments de réponse. Issam Sleimane, professeur à la faculté de droit de l’Université libanaise Q : Quelles sont, selon vous, les conséquences de la résolution 1559 sur le Liban ? R : « Le Conseil de sécurité de l’Onu prend deux types de résolutions. Celles qui sont basées sur le chapitre 7 de la Charte des Nations unies ont un caractère exécutoire car elles portent sur des sujets qui menacent la paix et la sécurité internationales. Dans ce cas, l’État visé par la résolution est obligé de l’appliquer, soit volontairement, soit par le biais de sanctions économiques. Si elles n’atteignent pas leur but, le Conseil de sécurité peut recourir à la voie militaire. Ce fut par exemple le cas de la résolution prise à la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak et qui a été immédiatement suivie de l’envoi de forces multinationales au Koweït. Par contre, le second type de résolutions, basé sur le chapitre 6 de la Charte, n’est pas immédiatement applicable. Il est sujet à négociations en vue de son application. La résolution 1559 fait partie de ce second type et les Nations unies devraient entamer un dialogue avec les parties concernées en vue de son application. Si, dans trente jours, le Conseil de sécurité se réunit pour examiner où en est l’application de la résolution 1559 et constate que rien n’a été fait et que la présence syrienne au Liban est devenue une menace pour la paix civile dans la région, il pourrait adopter une nouvelle résolution qui serait, elle, basée sur le chapitre 7 de la Charte. Mais je doute fort que l’on en arrive là. À mon avis, toute cette démarche est une manœuvre de la part des États-Unis, et peut-être de la France, visant à exercer des pressions sur la Syrie pour la contraindre à faire des concessions dans le dossier irakien essentiellement. » Q : Le fait pour le Liban de refuser cette résolution ne le place-t-il pas en dehors de la légalité internationale ? R : « Pas du tout. Le Liban a le droit de refuser cette résolution, en se basant sur un article de la Charte des Nations unies, insistant sur la souveraineté des États membres de l’Onu. C’est pourquoi, je ne crois pas que ce refus aura des conséquences directes sur notre pays. Un dialogue peut même s’ouvrir entre le Liban et les Nations unies à ce sujet. Surtout que désormais, il y a une nouvelle réalité avec laquelle il faut composer, que l’on soit pour ou contre l’amendement de la Constitution. Le Parlement a prorogé le mandat du président Lahoud pour une durée de trois ans, à une très forte majorité. À moins de contester la légalité de ce Parlement, je ne vois pas comment on pourrait qualifier cette prorogation d’illégale. Bien sûr, on peut toujours dire que l’amendement bénéficie à une seule personne et, par conséquent, il serait anticonstitutionnel. Mais en 1995, le même scénario a eu lieu et il n’y a pas eu les mêmes protestations, ni localement ni internationalement. De toute façon, cela ne change pas la nouvelle réalité. Et si les États-Unis veulent contester la légitimité du Parlement, qui reste, selon la Constitution libanaise, la source de tous les pouvoirs et le représentant légal du peuple, ils auraient dû le faire en 2000, au moment des élections législatives, ou encore en 1992, lorsqu’une grande partie de la population avait boycotté les élections portant au Parlement des députés élus avec une trentaine de voix. Cela n’avait pas empêché l’ambassadeur des États-Unis de l’époque d’assister à la première séance du Parlement fraîchement élu. C’est dire la cohérence de la position des puissance internationales. Je crois, en tout cas, qu’il ne faut pas miser sur une intervention américaine par le biais de cette résolution. Je crois surtout que les États-Unis continuent à vouloir négocier avec la Syrie, tout en essayant de l’amener à faire des concessions. » Tayma Khazen, étudiante en droit à l’USJ Q : La résolution 1559 vous fait-elle peur et craignez-vous des représailles contre le Liban parce qu’il l’a rejetée ? R : « Pas du tout. Je crois que cette résolution aura des répercussions positives sur le Liban. Désormais, toute la communauté internationale sait que ce pays n’agit pas de son propre chef et que ses décisions sont prises contre sa volonté propre. La résolution 1559 a donc le mérite d’avoir clarifié les choses et la communauté internationale ne peut blâmer le Liban s’il ne l’applique pas, puisqu’il n’a pas vraiment la liberté de choix. Je pense aussi que le Liban a bien fait de ne pas accepter la résolution du Conseil de sécurité car, nous le constatons chaque jour, les Nations unies mettent beaucoup de temps avant d’agir, leur mécanisme est lourd et lent. En rejetant la résolution, le Liban s’est ainsi donné un répit avec la Syrie. Il y a gagné la paix interne. Mais, pour le reste, le processus est en marche et personne n’est réellement dupe. D’ailleurs, ne dit-on pas que la politique est l’art du possible ? » Scarlett HADDAD
La tension est certes un peu retombée, mais l’inquiétude demeure. Le Liban qui a longtemps lutté pour obtenir l’application des résolutions internationales le concernant et concernant la région du Moyen-Orient, et qui a fait de cette revendication le pilier de sa politique internationale (les relations avec la Syrie étant quasiment considérées comme un dossier interne), se...