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RAPPORT - Meilleure performance économique au Liban depuis 1997 La Banque Audi plaide pour le renforcement de la composante sociale de la croissance

Dans son dernier rapport trimestriel, la Banque Audi estime à 3 % la croissance réelle au premier semestre 2004, le niveau le plus élevé depuis 1997. Mais loin de se satisfaire de ces chiffres, les auteurs du rapport souligent que l’industrie et l’agriculture continuent de fonctionner bien en dessous de leurs capacités. Surtout, ils mettent en évidence une réalité jusqu’à présent largement ignorée : l’importance de la « composante sociale » de la croissance qui est « totalement déprimée depuis la fin des années 1990 ». Et d’avertir qu’il est nécessaire « d’avoir conscience que les risques sociaux sont aussi importants que les risques monétaires financiers dans toute planification du futur économique du Liban ». Ci-dessous, de larges extraits du rapport : Les conditions économiques ont été caractérisées, au premier semestre de 2004, par une activité du secteur réel en hausse, une performance budgétaire en amélioration relative, et un renforcement de la situation monétaire et des marchés. Selon nos estimations, la croissance économique réelle a légèrement dépassé 3 %, son niveau le plus élevé depuis 1997. Mais, ce chiffre reste bien inférieur au potentiel de l’économie nationale, marquée par un large écart cyclique, et est loin des exigences du scénario d’atterrissage en douceur au niveau des finances publiques. La croissance s’est réalisée dans le contexte d’une baisse des dépenses publiques de 7 % suite au retard de la loi sur le budget, laissant présager le rôle moteur de la demande privée dans l’amélioration observée. En particulier, à un niveau constant des dépenses publiques, le taux réel de croissance aurait atteint environ 4 % au premier semestre de 2004. (...) L’activité est principalement soutenue par les secteurs de l’immobilier et de la construction et les secteurs annexes, tandis que les secteurs primaire et secondaire fonctionnent toujours bien en dessous de leur plein-emploi. En fait, la réduction de l’écart cyclique entre la production actuelle et la production potentielle, et par conséquent l’amélioration de la composante sociale affaiblie de la croissance, représente toujours des enjeux difficiles à atteindre. Cette composante sociale est totalement déprimée depuis la fin des années 90, menant à des pressions sociales croissantes sur les ménages libanais en général. Les « indicateurs de développement du monde » de l’année dernière laissent croire que le niveau de vie et de bien-être au Liban est meilleur que ceux de pays similaires. Le revenu par tête est d’environ 4 010 dollars, contre une moyenne régionale pour les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord de 2 220 dollars et une moyenne pour les pays en développement de 1 160 dollars, alors que la moyenne des pays à revenus moyens est de 4 957 dollars. Cependant, ces chiffres ne prennent pas en considération les niveaux de prix élevés au Liban qui pèsent lourd sur le pouvoir d’achat des ménages. (...) L’approche sociale requiert une analyse comparative des revenus par tête, ajustés selon la parité des pouvoirs d’achat (PPA). Selon les statistiques de la Banque mondiale, le PNB selon la PPA représente le produit national brut converti en dollars internationaux en utilisant les taux de la PPA. Le revenu par tête ajusté du Liban est alors évalué à 4 400 dollars, contre une moyenne régionale de 5 430 dollars et une moyenne pour les pays à revenu moyen de 5 390 dollars, alors que la moyenne des pays en développement est de 3 830 dollars. Ces chiffres classent le Liban dans la tranche inférieure des pays à revenu moyen selon la technique de la PPA relative au produit par tête. Par conséquent, quand on considère le coût de la vie, le niveau des salaires et des revenus apparaît relativement bas. Depuis la moitié des années 80, le budget des ménages connaît un déficit structurel. Le salaire minimum, inchangé depuis 1996, est devenu symbolique et a perdu son principal rôle d’assurer une part importante des besoins élémentaires des ménages. Une telle situation n’est sans aucun doute ni un avantage compétitif ni même un moyen soutenu d’attirer l’investissement privé. (...) La première conséquence de la crise qualifiée de cyclique de la fin des années 1990 et du début des années 2000 fut la hausse du chômage dans la plupart des secteurs économiques du pays. (...) Par conséquent, la classe des jeunes au Liban est en train d’assister à une importante vague d’émigration, avec des départs nets à l’aéroport de Beyrouth de 15 800 en 2003, et ce malgré l’amélioration des conditions économiques et monétaires. Ce phénomène, touchant surtout la classe qualifiée et éduquée de la population, est en partie dû au manque d’opportunités, dans une économie à chômage croissant, aux considérations sectaires et aux interventions politiques. Les problèmes concernant la distribution du revenu, la pauvreté et le chômage élevé augmentent les inquiétudes concernant la cohésion sociale. Le gel des salaires au cours des sept dernières années, accompagné d’une hausse cumulée de l’indice des prix à la consommation de 22%, a détérioré le pouvoir d’achat des Libanais et accentué les troubles sociaux. Le coût de l’éducation, en pourcentage du revenu par tête, continue de progresser et, dans le contexte du gel des salaires, ne fait qu’augmenter la frustration générale. Ce mécontentement est davantage aggravé par l’incapacité de la majorité des Libanais à faire face au coût des résidences disponibles sur le marché de l’immobilier. En outre, la hausse du coût du transport, à la suite de l’augmentation des prix du pétrole, a créé des pressions supplémentaires sur les classes de la population à bas et moyen revenu. Dans un tel contexte, l’amélioration de la croissance économique réelle reste nécessairement cruciale. (...) L’économie locale doit cependant atteindre des niveaux soutenus de plus de 6 % tout au long de plusieurs années afin d’éviter la marginalisation et la pauvreté. En particulier, il est nécessaire de créer 100000 emplois par an afin de passer d’une population active de quelque 30 % de la population totale, un des niveaux les plus bas au monde, à un chiffre de 40 %. En outre, une hausse des salaires réels de 2 % par année est aussi importante qu’elle permettra d’accroître la part des salaires dans le revenu national de son niveau actuel de 38 % à un niveau supérieur au seuil des 45 %. Ceci étant dit, la politique de prix et rémunérations devra prendre en considération l’inflation, les salaires et la productivité. Mais toute hausse non justifiée des rémunérations par rapport à la productivité aura sans doute des conséquences néfastes sur les emplois des générations futures. De même, le gel actuel des salaires pourrait mener à un déséquilibre plus important du côté du marché du travail et accentuer les pressions sociales, sans oublier les effets néfastes sur l’économie en général. Ainsi, il est nécessaire d’avoir conscience que les risques sociaux sont aussi importants que les risques monétaires et financiers dans toute planification du futur économique du Liban. Dans les faits, le chemin vers une croissance axée sur la création d’emploi est sans aucun doute complexe. Étant donné la marge de manœuvre restreinte du budget de l’État, dont les dépenses fixes représentent 80 % des dépenses totales, toute hausse des dépenses sociales n’est évidemment possible qu’aux dépens d’une baisse des dépenses relatives aux salaires et paiements d’intérêts. Dans ce cas, les réformes au sein des administrations et les mesures d’ajustement budgétaires deviennent incontournables. À des salaires moyens égaux, l’existence d’un chômeur déguisé parmi 4 employés de l’Administration publique réduit la rémunération de ses collègues de 33 % et représente ainsi, à un niveau agrégé, un coût élevé. Par ailleurs, si la tendance de réduction actuelle du service de la dette se poursuit, les économies réalisées pourront assurer, au fil du temps, un financement alternatif au niveau de la santé, de l’éducation et du transport au profit des classes les plus démunies de la population libanaise. En somme, les questions économiques et sociales étant étroitement liées, la solution nécessite une vision réaliste, cohérente et globale de la part des autorités. Les mesures requises du côté des politiques budgétaire, financière et sociale ont été jusque-là retardées par l’absence d’un consensus politique sur les priorités. En revanche, les autorités concernées pourront profiter de l’amélioration observée des conditions économiques et entreprendre des efforts d’ajustement structurel. Une telle initiative nécessite des décisions osées et historiques visant à combler l’écart, dans la durée, entre les conditions socio-économiques actuelles et le niveau acceptable et désiré du bien-être économique et social du Liban.

Dans son dernier rapport trimestriel, la Banque Audi estime à 3 % la croissance réelle au premier semestre 2004, le niveau le plus élevé depuis 1997. Mais loin de se satisfaire de ces chiffres, les auteurs du rapport souligent que l’industrie et l’agriculture continuent de fonctionner bien en dessous de leurs capacités. Surtout, ils mettent en évidence une réalité...