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Actualités - OPINION

Zéro pour le marketing

Le président de la République, cela fait partie de ses fonctions, reçoit beaucoup : députés, ministres, hauts fonctionnaires, magistrats, dignitaires religieux mais aussi membres d’associations diverses sans parler des ambassadeurs ou des personnalités étrangères de passage. Et ces audiences ont une utilité certaine, en ce sens qu’elles permettent souvent au chef de l’État de prendre le pouls du pays autrement qu’en lisant les rapports que lui préparent ses collaborateurs. Ou qu’en parcourant, ce qui est déjà mieux, la presse. Des dizaines d’entrevues qui, durant ces derniers jours, ont eu Baabda pour cadre, il en est deux qui, chacune à sa manière, sortent vraiment de l’ordinaire. Elles n’ont d’autre point commun, ces deux rencontres avec le président Lahoud, que le sujet du moment, c’est-à-dire l’échéance présidentielle de l’automne. Pour le reste – idées exprimées, opportunité de la démarche et élégance du comportement – tout un monde les sépare. Mikhaël Daher, député du Akkar, a manqué de peu, en 1988, d’accéder à la magistrature suprême alors même qu’un consensus syro-américain s’était cristallisé sur sa personne. Ce vétéran de la politique vient pourtant de montrer qu’il est capable d’aller plus loin dans l’innovation : celle-ci résidant dans le fait que pour la première fois dans l’histoire du Liban indépendant, et emboîtant le pas à la députée Nayla Moawad, des hommes politiques font ouvertement, publiquement acte de candidature à la présidence de la République. Ils sont aujourd’hui, comme on sait, une bonne demi-douzaine à se déclarer, à s’en ouvrir à une opinion publique traditionnellement tenue à l’écart du débat et qui n’a de voix au chapitre que par le vague truchement de ceux censés la représenter à l’Assemblée nationale. Lesquels représentants sont naturellement plus sensibles à la consigne de vote venue au dernier moment d’outre-frontière qu’aux aspirations de leurs électeurs. Ces candidats new-look multiplient sans complexe les déclarations et les conférences de presse, présentent des programmes, font la tournée des chefs religieux sans attendre que se soit profilée ne serait-ce que l’ombre d’une chance d’être choisis. C’est cela la plus grande des nouveautés, et on ne peut qu’y voir un signe de maturité, d’évolution, de progrès. On reconnaîtra cependant à Mikhaël Daher le mérite d’avoir poussé plus loin l’heureux phénomène en allant faire part en direct, et le plus courtoisement du monde, au chef de l’État de sa candidature et de son refus de tout amendement de la Constitution qui se solderait par un maintien de l’actuel régime. C’est un tout autre son de cloche que donnait à entendre peu auparavant, toujours à Baabda, l’émir al-Walid ben Talal, pour qui Émile Lahoud est un des plus grands présidents qu’ait connus le Liban, et doit donc demeurer à son poste. Étrange sentence en vérité que rendait le jeune et entreprenant Saoudien que son appartenance à une florissante dynastie comptant aujourd’hui plusieurs milliers de princes, de même que sa filiation à l’un des pères fondateurs du Liban indépendant, Riad el-Solh, devraient pourtant aider à comprendre ce fait tout simple : notre pays, pour exigu qu’il puisse être, ne manque pas d’hommes parfaitement capables d’assumer les plus hautes fonctions, sans qu’il y ait la moindre nécessité de malmener la loi fondamentale. Plus maladroit, plus improductif encore, plus carrément néfaste à Émile Lahoud lui-même aura été ce rassemblement des édiles municipaux rameutés d’autorité au centre d’expositions Biel, bulletins de présence à l’appui, et auquel s’est laissé aller à assister le chef de l’État. Car quoi qu’en dise ou laisse entendre le maître de cérémonies Élias Murr, ministre de l’Intérieur et gendre du chef de l’État, le résultat des dernières élections municipales ne peut en aucun cas passer pour un blanc-seing populaire à un mandat-bis, éventualité dont il est clair qu’elle heurte de front les aspirations réformatrices des Libanais. C’est un produit déjà bien difficile à écouler comme cela que s’emploient à colporter les reconductionnistes. C’est à des amateurs de surcroît que l’on semble avoir confié la stratégie de ventes, quand bien même feraient-ils partie de la famille. Plus fâcheusement encore, de la Biel-famille. Issa GORAIEB
Le président de la République, cela fait partie de ses fonctions, reçoit beaucoup : députés, ministres, hauts fonctionnaires, magistrats, dignitaires religieux mais aussi membres d’associations diverses sans parler des ambassadeurs ou des personnalités étrangères de passage. Et ces audiences ont une utilité certaine, en ce sens qu’elles permettent souvent au chef de...