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Actualités - OPINION

Amendement - Des juristes débattent des moyens de mieux protéger l’article 49 L’idée de l’unanimité ne fait pas l’unanimité

Au cours d’un cénacle privé, des juristes ont discuté des moyens à mettre en œuvre pour corseter l’article 49 de la Constitution. Pour que son amendement devienne aussi difficile qu’une dissolution de la Chambre. Il y a quelque temps, un ancien ministre, de surcroît homme de loi réputé, avait proposé que toute retouche requière l’unanimité des députés et non plus une majorité des deux tiers. Une idée contestée par certains de ses pairs. Qui trouvent qu’il serait antidémocratique de laisser finalement la décision d’un choix capital à un seul député. Dans ce sens qu’un seul vote contre suffirait pour torpiller un projet de loi d’amendement. Ils ajoutent qu’on pourrait, à la rigueur, poser comme condition l’unanimité, non pas de tous les députés, mais de ceux présents à la séance. Dont le quorum est des deux tiers et au-dessus. Dans ce cas, compte tenu des absences, le vote d’un seul député représenterait l’ensemble d’une minorité disposant d’un droit de blocage. Et qui, parfois, répercute mieux l’opinion publique. L’esprit de la Constitution et les bonnes règles démocratiques seraient respectés. Un peu à l’image du droit de veto consenti aux cinq Grands au sein du Conseil de sécurité de l’Onu. Ou encore à l’instar de la règle de la Ligue arabe, pour laquelle le Liban s’était battu, précisant que les résolutions ne seraient pas obligatoires pour les pays qui ne les approuvent pas. Mais d’autres pensent que le mot même d’unanimité, qu’elle soit générale ou confinée aux députés présents en séance, est contraire au concept de démocratie parlementaire. Pour serrer quand même les boulons, ils proposent qu’on relève la majorité requise des deux tiers aux trois quarts. Pour commencer, cela rendrait le quorum plus difficile à atteindre. Et il en irait de même ensuite pour le vote. Rejet du renouvelable Qu’en est-il de la suggestion de modifier le système, de rendre le mandat présidentiable, ramené à quatre ou cinq ans, renouvelable une fois ? Sur ce point précis, les professionnels se montrent d’accord. Pour rejeter cette formule, dans la forme comme sur le fond. Et cela pour les raisons suivantes : – D’abord, tout président en place serait tenté d’utiliser les ressources du pouvoir dont il dispose, et les moyens de l’État, afin d’assurer, par la séduction ou par l’intimidation, sa réélection. – Quand on permet à un président de poursuivre l’occupation de son poste sans discontinuer, on est obligé de permettre aux fonctionnaires de la première catégorie de se porter candidats à la présidence, sans plus devoir démissionner deux ans avant. Or le législateur, en leur imposant cette restriction, a voulu les empêcher d’exploiter leur influence de fonction pour décrocher la première magistrature. Et c’est dans le même esprit exactement que l’on interdit à un président sortant de se représenter avant un intervalle de six ans. – En regard du droit, il est encore préférable d’augmenter éventuellement la durée d’un mandat présidentiel, qui resterait unique, que de la réduire en la rendant renouvelable. Mais, toujours en regard du droit, il est évident qu’une révision du système ne peut avoir un effet rétroactif. Elle s’applique toujours, en matière constitutionnelle, à partir du mandat suivant son adoption et non de celui en cours. Un modèle – On ne doit pas oublier la leçon de Charles Debbas. Lors de l’élaboration de la Constitution de 1926, il avait fait valoir que la reconduction devait être définitivement bannie. Pour préserver l’intégrité de la fonction présidentielle. C’est-à-dire pour qu’un président ne soit pas tenté de rabaisser cette fonction par des cadeaux ou des concessions aux députés afin de s’en gagner les suffrages. De plus, donnant l’exemple, Debbas avait refusé que le rallongement de la durée de trois à six ans adopté alors s’applique à sa propre personne. Dans le même esprit, l’article 63 de la Constitution précise que la dotation du président, déterminée par la loi, ne peut être ni diminuée ni augmentée pendant son mandat. S’il ne peut toucher aux fonds qui lui sont attribués, comment un président peut-il prétendre obtenir la prolongation de son mandat ? – Au-delà des considérations juridiques, on ne peut négliger l’avis du peuple. Il penche clairement pour l’alternance. Comme pour des législatives organisées tous les quatre ans afin que l’électeur puisse faire entendre sa voix et juger si ses députés méritent de le rester. – Un président qui serait enfin convaincu qu’il ne lui est pas possible d’espérer un deuxième bail se montrerait beaucoup plus solide dans la défense de la Constitution, ce qui est son rôle même. Émile KHOURY
Au cours d’un cénacle privé, des juristes ont discuté des moyens à mettre en œuvre pour corseter l’article 49 de la Constitution. Pour que son amendement devienne aussi difficile qu’une dissolution de la Chambre. Il y a quelque temps, un ancien ministre, de surcroît homme de loi réputé, avait proposé que toute retouche requière l’unanimité des députés et non plus...