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Actualités - interview

ÉCHÉANCE PRÉSIDENTIELLE - Première action s’il arrive à Baabda : une loi électorale saine et représentative Boutros Harb : Le Parlement qui va élire le chef de l’État n’exprime pas la volonté populaire

Ses aficionados aussi bien que ses détracteurs disent de lui que c’est « une bête politique ». Il n’y a que les pourquoi de ce constat qui diffèrent – et encore : les explications, les raisons, les épithètes données par l’un ou l’autre des deux camps pour justifier cette appelation d’origine contrôlée sont parfois les mêmes. Seules changent leurs interprétations. Ainsi, pour les uns, qui ne manquent pas de relever son penchant en faveur d’une démagogie contrôlée, il sait parfaitement comment caresser le citoyen dans le sens du poil, lui dire ce qu’il a envie d’entendre, et tant pis s’il n’en croit pas lui-même un mot ; l’important est qu’il plaise et qu’on parle de lui. Pour les autres, qui mettent en avant son hallucinante maîtrise de la plaidoirie, il a l’art de faire comprendre au quidam qu’il a en face de lui – et de le convaincre – que telle mesure, telle prise de position, telle analyse, est la bonne, et, surtout, qu’elle aurait très bien pu être le fruit de sa propre réflexion ; il implique directement son interlocuteur dans le processus politique qui est le sien. Pour les uns, il a fait de « la charité bien ordonnée qui commence par lui-même » une devise en or, une règle absolue, une incontournable hygiène de vie publique, un self-made-man qui n’aime pas partager les succès. Pour les autres, il est cet homme plus que tout autre capable d’exploits politiques individuels qui, immanquablement, rejailliront sur l’ensemble de la collectivité au sein de laquelle il joue, comme un Thierry Henry dans une équipe de football gagnante. Pour les uns, il a les dents qui rayent le parquet, son ambition est à la hauteur de son opportunisme, et tous les moyens sont bons pour y arriver. Pour les autres, son orgueil, sa fidélité fauve à ses principes et son éthique politique incontestable font de lui un irréductible ennemi de la compromission et de la servilité politiques. Sauf que pour tous, il est ce formidable orateur capable de faire tendre l’oreille, lorsqu’il discourt, aussi bien à ses alliés, adversaires ou rivaux politiques qu’à la ménagère de moins de 50 ans, l’étudiant en astrophysique ou le Libanais d’en bas. Diversement jugé, apprécié, commenté, ce charisme n’en demeure pas moins relevé par toutes celles et tous ceux amenés à écouter, un jour ou l’autre, ce qu’il a à dire. Boutros Harb, à l’instar d’un Nicolas Sarkozy, en France, aujourd’hui en pleine heure de gloire, fédère ou agace, c’est selon, mais ne laisse pas indifférent. L’annonce il y a quelques jours de sa candidature à la présidence de la République – il rendra public, dans quelques semaines à peine et en conférence de presse, son programme – n’a surpris personne, tellement tout ce qu’il dit, fait et construit depuis six ans semble uniquement destiné à paver la voie à son accession à la première magistrature de l’État. « C’est uniquement lorsqu’il sera à Baabda que les Libanais pourront pleinement profiter de ses idées, de sa vision, de son savoir-faire », disent ses partisans. Pourquoi ? Comment ? Sur quelles bases ? Boutros Harb donne lui-même les éléments de réponse à L’Orient-Le Jour. Lorsqu’il s’était présenté en 1998, Boutros Harb n’en avait que faire des visas et des permissions régionales, il voulait « casser le silence », « profiter de la charge suprême pour donner et pas seulement (en) recevoir ». Il savait qu’il n’avait aucune chance d’accéder à Baabda, mais il voulait inscrire « un acte de refus ». Aujourd’hui, il ne prétend pas que « beaucoup » voteront pour lui, mais il sait que l’opinion publique prend sa candidature désormais beaucoup plus au sérieux. « Le Libanais a soif d’espérance », dit-il, « et moi je suis plus mûr ». Sans compter qu’aujourd’hui, la conjoncture politique locale, régionale et internationale a changé. Et le facteur syrien aussi. « Les événements ont ouvert les yeux des Syriens et des Libanais : l’opposition et les chrétiens ne sont pas nécessairement des ennemis de la Syrie ni des alliés de l’Occident contre la Syrie », assure Boutros Harb. En 2004 donc, il y a un changement, « je ne sais pas s’il est radical » ; il y a « un début de dialogue » entre les chrétiens et les Syriens, qui « ne voient plus en Boutros Harb un ennemi de la Syrie », affirme-t-il. La rumeur dit qu’il était prêt à tout pour un entretien avec le n° 1 syrien, Bachar el-Assad, même à démissionner de Kornet Chehwane, et que ce sont les Syriens qui auraient refusé. « Ce n’est pas vrai. Je n’ai rien demandé et je ne compte pas le faire. J’ai vu un responsable syrien à sa propre demande, et j’ai compris que le président syrien voulait me voir. Si tel est le cas réellement, je ne refuserai pas, mais j’aurais souhaité que cette demande n’intervienne pas pendant la période électorale. Mais je comprends les Libanais qui doutent de tout le monde en cette période, ils sont profondément déçus. Sans compter tous ceux qui ont intérêt à mettre des points d’interrogation sur tous les candidats potentiellement valables. » L’ancien ministre de l’Éducation nationale dénonce tous ceux qui l’accusent de marchander ou de magouiller pour y arriver. « Baabda n’est pas une solution si les relations libano-syriennes ne rentrent pas dans la normale, si l’on ne respecte pas les principes qui doivent régir deux pays libres, souverains, indépendants et qui doivent affronter ensemble des problèmes communs. » Pour le député, le plus important est de ne pas se leurrer : « Un président ne peut pas être élu au Liban s’il est incapable d’entamer un dialogue responsable et sérieux avec la Syrie », assène-t-il. Rappelant la nécessité pour le Liban d’être associé avec la Syrie à la prise de décision politique régionale, il reste intransigeant sur l’essentiel : la décision locale doit être « à 100 % » libanaise. « Ce n’est ni du négativisme ni de l’agressivité envers la Syrie. C’est dans son intérêt que de sortir du guêpier, d’être à égale distance des parties libanaises. » « Les gens au pouvoir ont prouvé leur incapacité à gérer le pays sans l’aide syrienne », poursuit Boutros Harb, qui a entendu d’une façon « positive » les derniers propos de Bachar el-Assad, « qui s’est trouvé dans l’obligation » de déclarer, « surtout après la position commune franco-américaine », que c’est aux Libanais de choisir leur président. « Mais là aussi, je ne me leurre pas : le corps électoral est un Parlement élu sur la base d’une loi fausse et anticonstitutionnelle. Ce Parlement libanais qui va élire le prochain chef de l’État n’est pas le vrai miroir de la volonté politique des Libanais », répète-t-il. Et une loi électorale saine et représentative sera son premier combat s’il est élu président (voir par ailleurs). Le maître de Tannourine est un opposant à tous les niveaux : le Législatif dont il est l’un des ténors n’est pas le seul, loin s’en faut, à avoir failli. Pour lui, le pouvoir en général et l’Exécutif en particulier ont échoué dans leur pratique et ont géré le système en totale contradiction avec ses principes. Ainsi, « tout a été violé, et à répétition, par l’ensemble des gens au pouvoir » : le principe de la démocratie parlementaire, ainsi que l’indépendance et la souveraineté de l’État – sans oublier, selon lui, que la responsabilité des dirigeants n’a jamais été assumée, que les institutions ont été détruites et que le rôle des services de renseignements est plus fort que jamais. « Ma candidature est la conséquence de mon refus de tout cela, de comment le pays est géré. » Kornet Chehwane et le Front national pour la réforme, véhicules pour Baabda ? « Si ces mouvements auxquels j’appartiens m’appuient, ce serait un plus très positif. Mais j’attends de rendre public mon programme pour en discuter avec eux. » Boutros Harb pense d’ailleurs que l’opposition serait capable, cette fois, de s’entendre sur un seul candidat – et qu’elle devrait le faire. Et même s’il est encore trop tôt, selon lui, pour trouver ce nom, il sait pertinemment qu’il ne livrera pas la bataille uniquement pour la beauté du geste. « Si je sens que pour arriver à Baabda je devrais sacrifier mon histoire et mes principes, je refuserais net. Le respect de moi-même et des gens est bien plus important que la présidence de la République. » Qui dit plus ? Ziyad MAKHOUL
Ses aficionados aussi bien que ses détracteurs disent de lui que c’est « une bête politique ». Il n’y a que les pourquoi de ce constat qui diffèrent – et encore : les explications, les raisons, les épithètes données par l’un ou l’autre des deux camps pour justifier cette appelation d’origine contrôlée sont parfois les mêmes. Seules changent leurs...