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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE - Un compositeur, violoniste et escrimeur à la TV américaine Joseph Boulogne, le Mozart noir du siècle des Lumières

WASHINGTON - Irène MOSALLI Il y a Mozart et il y a le Mozart noir. Et le second aurait quelque peu impressionné le premier et non le contraire, comme on pourrait le penser. C’est ce qu’a relaté un très beau documentaire télévisé qui vient d’être diffusé sur le petit écran américain et qui est consacré à la vie et à l’œuvre de Joseph Boulogne, surnommé le «Créole des Lumières», le «Voltaire de la musique» et le «Mozart noir». Après trois siècles d’oubli, on braque à nouveau les feux sur celui qui était aussi appelé le chevalier de Saint-Georges, fils d’une esclave et d’un colon, qui a pu se hisser au sommet de la société française du XVIIIe siècle grâce à sa maîtrise de l’escrime et à son génie musical. Il a été le premier compositeur noir dans l’histoire de la musique et, de plus, un citoyen engagé qui a combattu sous la Révolution française pour imposer les idées républicaines. Il est né en Guadeloupe, en 1745, où il passe aussi les premières années de sa jeunesse avant que son père, George de Boulogne Saint-Georges, propriétaire d’une plantation, ne l’emmène à Paris à l’âge de dix ans. Là, le père fait ce que l’on fait dans la grande société: enseigner la musique et l’escrime à son fils. Et celui-ci deviendra un virtuose du violon et un escrimeur accompli, auquel viendront se mesurer les pratiquants les plus chevronnés de cet art. Sa route croisera les plus grands du siècle des Lumières, dont Alexandre Dumas père, mulâtre comme lui, et Mozart, son rival. Mozart refuse de jouer sous sa direction Pour sa première apparition publique, il joue comme premier violon sous la direction de son professeur, le célèbre compositeur François Gossec, et remporte un succès fulgurant. Il est le premier noir à occuper une telle position. Puis il se met à composer sa propre musique: sonates, concertos, symphonies. En 1773, il prend la succession de Gossec à la tête de l’orchestre que celui-ci dirigeait. Cinq ans plus tard, Mozart, qui se trouvait à Paris, refuse de jouer sous sa baguette. Certains pensent que « le divin » aurait subi son influence plutôt que l’inverse. En 1775, le roi Louis XVI le nomme directeur de l’Opéra de Paris, mais les dames et les demoiselles de cette maison refusent net l’autorité de cet homme de couleur, affirmant que «leur honneur et leur conscience ne leur permettraient jamais d’être soumises aux ordres d’un mulâtre». Ayant quand même réussi à s’imposer dans une société qui n’était pas la sienne, le chevalier de Saint-Georges n’en oublie pas pour autant ses origines maternelles. En 1789, il devient républicain et des rencontres avec les abolitionnistes seront déterminantes dans la création de «La société des amis des Noirs». Lui qui avait entamé en 1766 une carrière militaire dans la Compagnie des gendarmes du roi s’engage, après la Révolution, dans la Garde nationale de Lille, ville qu’il défend contre l’armée de la première coalition menée par Dumouriez. Malgré ses actes de bravoure, il est emprisonné durant dix-huit mois, sous prétexte qu’il avait utilisé pour son compte personnel des fonds publics. Certains historiens pensent qu’à sa libération, il se serait rendu à Saint-Domingue pour participer à la révolte haïtienne. Mais cela n’a pas pu être établi. En 1797, il revient à Paris pour essayer de reprendre sa carrière musicale. Sans succès. En juin 1799, il meurt de gangrène dans la pauvreté, à l’âge de 54 ans. Trois ans plus tard, lors du rétablissement de l’esclavage dans les Antilles françaises par Napoléon, la musique de Saint-Georges est bannie des répertoires. Et ce dernier tombera dans l’oubli. Jusqu’il y a quelques années, lorsqu’une violoniste de renom (fondatrice de l’orchestre de chambre canadien Tafelmusik) a entrepris de redécouvrir sa musique. Et, en février 2002, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a donné le nom du chevalier de Saint-Georges à une rue du 1er arrondissement.
WASHINGTON - Irène MOSALLI
Il y a Mozart et il y a le Mozart noir. Et le second aurait quelque peu impressionné le premier et non le contraire, comme on pourrait le penser. C’est ce qu’a relaté un très beau documentaire télévisé qui vient d’être diffusé sur le petit écran américain et qui est consacré à la vie et à l’œuvre de Joseph Boulogne, surnommé le «Créole des...