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Actualités - OPINION

Western ketchup

Il ne viendrait à l’idée de personne, bien sûr, de mettre en doute les sympathies israéliennes de la grande presse américaine. Voilà pourtant que le New York Times, le Wall Street Journal et USA Today s’accordaient hier à dresser un premier bilan des graves périls, avérés ou à venir, que recèle la position outrancière affichée la veille par George W. Bush à propos du conflit de Palestine. La seule explication possible à tant de parti pris étant, à l’évidence, la cour effrénée (et probablement payante) faite de la sorte à l’électorat juif qui, lors du scrutin de l’an 2000 en effet, n’avait que chichement accordé ses faveurs à l’actuel président des États-Unis. Au nombre des dégâts potentiels, les plus prévisibles sont une exacerbation des sentiments anti-US au sein du monde arabe et une escalade de la violence, en Irak aussi bien qu’en Palestine. Le corollaire en est une montée en puissance de tous les extrémismes : assiégé, bombardé, humilié, ridiculisé, menacé de liquidation physique et finalement grugé, Yasser Arafat est en passe de devenir la preuve (encore) vivante de l’échec fracassant du pari de paix tenu, au nom d’un douloureux et tardif réalisme, par les modérés palestiniens. Les contorsions sémantiques auxquelles Bush s’est livré hier pour convaincre qu’il n’avait présumé en rien de la solution finale ne peuvent convaincre personne : surtout quand le département d’État admet pour sa part, admirable litote, que la « bombe » présidentielle de mercredi « va peut-être influencer la négociation ». Le mal est fait, et en concédant d’autorité à Sharon les gros blocs de colonies juives érigés en Cisjordanie, Bush ne fait, que donner funestement raison – et vaste audience – à tous les groupes jusqu’au-boutistes qui n’ont jamais cru à une solution négociée dans le cadre de l’actuel rapport de forces. Le vent de folie soufflant de Washington ne fera que gonfler les voiles du Hamas, ce qui signifie un surcroît d’attentats avec les inévitables ripostes, non moins barbares, qu’ils entraînent de la part d’Israël. Dans ces conditions, il va être encore plus difficile pour les dirigeants modérés arabes d’assumer leur fidélité sinon leur vassalité à Washington : et cela au moment où celui-ci en a précisément le plus grand besoin dans sa guerre planétaire contre le terrorisme islamiste. George W. Bush n’agresse pas cependant les seuls Arabes, et l’Amérique elle-même n’échappe pas à ses méfaits. Avec ses mensonges sur le terrifiant arsenal de l’Irak et la connexion de ce pays avec Oussama Ben Laden, la crédibilité de l’unique superpuissance mondiale se trouvait déjà bien fortement entamée. Et c’est une fois de plus au moment où l’image (non plus seulement arabe mais universelle) des États-Unis a le plus grand besoin d’un bon coup de brosse à reluire que le chef de la Maison-Blanche, qui a mal potassé sa Bible, entreprend de jouer tour à tour les Ponce Pilate et les Salomon. Les résolutions de l’Onu, la conférence de Madrid, l’équation « la terre contre la paix », le tracé des frontières et le sort des réfugiés fixés lors des négociations finales comme le stipulait sa propre « feuille de route » ? Que des vulgaires chiffons de papier, même quand certains portent la griffe de son propre géniteur qui avait été jusqu’à geler les crédits à Israël pour arracher à Yitzhak Shamir la fallacieuse promesse de geler, de son côté, la colonisation. Fallacieuse en effet, tant il est vrai que Washington n’est pas particulièrement connu pour veiller au suivi, pour tenir scrupuleusement ses engagements, pour honorer invariablement sa parole. Mais du moins en ce temps-là y avait-il parole : parole dûment codifiée, officielle, énoncée aussi clairement que pouvaient le permettre les arrière-pensées et les classiques contraintes diplomatiques ; parole engageant néanmoins toutes les Administrations, républicaines ou démocrates, qui se sont succédé depuis la guerre des Six-Jours de juin 1967. Et c’est ce savant échafaudage qu’a renversé George W. Bush en disposant impérialement d’une terre qui n’est pas sienne pour l’offrir à la plus puissante, la plus nantie, la plus inondée de dollars, mais surtout la plus ouvertement annexionniste des deux parties qui se disputent la Palestine. Devant un monde qu’effraient chaque jour un peu plus l’unilatéralisme américain et le démantèlement de toutes les dispositions régissant les relations internationales, le chef de la Maison-Blanche ne décline rien d’autre finalement que la loi de la jungle, celle du plus fort. Que la patine du temps confère légitimité à la plus scandaleuse des injustices, telle la colonisation d’une Cisjordanie dont il ne resterait plus que quelques éparses réserves de Peaux-Rouges locaux, quoi de plus naturel pour ce président qui a promu « homme de paix » le symbole le plus odieux de l’arrogance, de la cupidité et de la brutalité israéliennes ? C’est qu’à côté de ses lectures bigotes qui lui ont inspiré un destin quasi messianique, l’homme doit adorer les westerns racontant la saga de ces colons vaillamment partis à la conquête de l’Ouest, qu’il regarde les week-ends de ranch dans son Texas natal. Naguère chapardé, comme de juste, aux Mexicains. Issa GORAIEB
Il ne viendrait à l’idée de personne, bien sûr, de mettre en doute les sympathies israéliennes de la grande presse américaine. Voilà pourtant que le New York Times, le Wall Street Journal et USA Today s’accordaient hier à dresser un premier bilan des graves périls, avérés ou à venir, que recèle la position outrancière affichée la veille par George W. Bush à propos du...