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Actualités - ANALYSE

Municipales - La formation islamique garde un profil bas, mais veut être présente sur le terrain La Jamaa islamiya pour une liste d’entente à Beyrouth

Longtemps combattue à cause d’une image d’extrémisme, la Jamaa islamiya est malgré tout une force populaire avec laquelle il faut compter, au Nord d’abord, mais aussi à Saïda et à Beyrouth. Avec un représentant au sein du conseil municipal de Beyrouth, M. Issam Barghout, elle joue désormais la carte de l’entente. Au sein de la formation, le pragmatisme l’a emporté depuis 2000, lorsqu’elle a perdu tous ses députés au Parlement. Et, à la veille des municipales, elle souhaite ne pas faire trop de bruit, misant sur la liste consensuelle, dans le giron du président du Conseil, M. Rafic Hariri... Dans l’immeuble neuf qui sert de siège principal à la Jamaa islamiya, à quelques mètres de Dar el-Fatwa, les représentants de la formation reconnaissent qu’ils n’ont jamais été très forts en communication avec les médias. « Nos efforts ont surtout porté sur la population et nous sommes plutôt satisfaits de nos partisans, qui forment une force cohérente totalisant près de 10 000 voix », déclare Ibrahim Masri. Un courant longtemps combattu La Jamaa islamiya n’a pourtant pas coulé que des jours heureux au Liban. Ce courant s’est implanté dans le pays dans les années 60, en commençant par le Nord, le Akkar, Denniyé et Tripoli, notamment. Cette apparition avait coïncidé avec l’émergence du courant en Égypte et en Syrie et d’ailleurs. Si les responsables locaux de la formation nient avoir des relations structurelles avec les autres Jamaa islamiya en Égypte, ils précisent qu’ils s’inscrivent dans la même mouvance que la Jamaa de Syrie. Et comme ce courant avait été sévèrement combattu par le régime baassiste de Hafez el-Assad, la Jamaa islamiya du Liban a subi aussi de lourdes pressions. D’ailleurs, pendant les tristes années de la guerre, les sympathisants de ce courant se sont battus aux côtés des Palestiniens et souvent contre les Syriens. En 1983, ils étaient ainsi avec Arafat, lorsque celui-ci a été contraint de quitter Tripoli. De même, ils étaient les alliés du Mouvement de l’unification islamique (MUI) de cheikh Saïd Chaabane, chef de file des courants islamistes de la capitale du Nord. Et, à l’instar du MUI, ils ont dû conclure dès 1985 un accord avec les Syriens afin de pouvoir continuer à être présents au Liban. Depuis, ils ont gardé un profil bas, se contentant de travailler sur les jeunes, dans les mosquées, pour les appeler à respecter le Coran et les valeurs qu’il véhicule. En 1992, profitant du boycott chrétien des élections et de la volonté des Syriens de relever le taux de participation des électeurs, la Jamaa islamiya s’est lancée à fond dans cette échéance, obtenant ainsi trois députés au Parlement. Une première au Liban, qu’elle a d’ailleurs payée cher par la suite puisque, selon ses responsables, il ne lui a plus été permis de remporter un seul siège à l’Assemblée, malgré des alliances électorales qui paraissaient judicieuses, notamment au Nord avec le vice-président du Conseil, M. Issam Farès. Nullement découragée, la Jamaa s’est rabattue sur les municipales et au Nord et au Sud, nombre de ses candidats ont été élus. À Beyrouth, elle a aussi un représentant au conseil municipal, dans la liste consensuelle présentée par Hariri. Aucun contentieux avec les autres groupes politiques « Aujourd’hui, on ne peut plus nous ignorer si on veut que toutes les forces soient représentées au sein du conseil municipal », déclare M. Masri, qui ajoute que le courant qu’il représente n’a de contentieux avec personne. Sauf peut-être avec les Ahbaches, cette formation qui serait, selon la Jamaa islamiya, la création des services de renseignements, ou en tout cas un instrument entre leurs mains, qu’ils soient libanais, syriens ou autres. « Nous n’avons, pour notre part, aucun lien avec les SR. Nous ne sommes concernés que par les citoyens et nous œuvrons pour qu’ils respectent les règles de la religion. Nous n’avons rien de caché. Tout ce que nous prônons est écrit dans le Coran », précise M. Masri. La Jamaa islamiya se veut un courant missionnaire, chargé de convaincre les musulmans de revenir aux principes de l’islam. Par les temps qui courent, ses responsables s’empressent de préciser qu’ils ne font aucune différence entre chiites et sunnites, même si, comme par hasard, ils sont surtout présents dans les régions à forte concentration sunnite. En tout cas, tous affirment qu’ils ne font pas de prosélytisme et qu’ils n’éprouvent aucune animosité envers les chrétiens, puisque, selon eux, l’islam et le christianisme ont de nombreuses valeurs communes. M. Imad Barghout, actuel membre du conseil municipal de la capitale, ajoute qu’au sein de ce conseil, il n’a jamais travaillé pour un citoyen aux dépens de l’autre ou pour un quartier au détriment d’un autre. « Nous avons toujours eu à cœur le développement de toute la capitale, non d’une rue ou d’un quartier », ajoute-t-il. Selon lui, l’expérience au sein de la municipalité de Beyrouth était très enrichissante. La liste consensuelle lui paraît être la meilleure formule puisque la coopération entre les membres du conseil était, selon lui, totale. Pour la Jamaa islamiya, la solution idéale consisterait à renouveler le mandat de l’actuelle équipe, qui, selon elle, a fait ses preuves et a permis de préserver l’équilibre dans la capitale. Mais elle n’a pas encore défini ses choix au cas où la tendance à la bataille électorale se préciserait. Pas d’alliance avec Hariri, mais les mêmes thèses Tout en se défendant d’une alliance politique avec le président du Conseil, les responsables de la Jamaa défendent les thèses de M. Hariri. Non au découpage de la ville en arrondissements, ce qui, selon eux, serait le début d’un processus de partition injustifié ; non au maintien d’un mohafez qui concentre toutes les prérogatives exécutives, aux dépens d’un conseil élu ; non à une bataille qui risquerait d’aboutir à un net déséquilibre confessionnel au sein du conseil municipal. « Nous ne sommes pas avec Hariri, précise M. Masri. Mais il nous semble être le seul en mesure de former une liste représentative de tous les courants. Si le Dr Hoss l’avait fait, nous aurions été avec lui. » Et si, comme on le laisse entendre actuellement, les Syriens souhaitaient que Hariri ne sorte pas vainqueur des élections municipales, resteraient-ils avec lui ? Les responsables de la Jamaa affirment être au courant des rumeurs qui circulent et reconnaissent qu’il y aurait effectivement un conflit politique entre M. Hariri et les responsables syriens, « mais ce conflit n’irait pas jusqu’à le bouter hors de Beyrouth. Hariri connaît le poids des Syriens au Liban et ces derniers reconnaissent l’importance de ses relations dans le monde. De toute façon, nous sommes pour l’entente », déclare M. Masri. Ayant été longtemps combattue, notamment par le biais des Ahbaches qui lui disputaient les mosquées, la Jamaa islamiya joue désormais la carte de la modération et de l’ouverture. Mais la méfiance demeure. Selon M. Masri, s’il y a bataille électorale pour les municipales à Beyrouth, nul ne pourra garantir la victoire de 12 candidats chrétiens et de 12 autres musulmans, « car, ajoute-t-il, les musulmans sont aujourd’hui majoritaires et souvent les électeurs ne connaissent que les candidats de leurs quartiers. Seule une liste d’entente peut garantir l’équilibre confessionnel ». La Jamaa compte aussi avoir des candidats au Nord et à Saïda, où elle a déjà cinq représentants au sein de l’actuel conseil municipal. Désormais, elle veut être présente dans les institutions, car c’est encore le meilleur moyen de servir les citoyens, surtout dans le cadre des municipales, lesquelles, estime-t-elle, ne doivent pas avoir un caractère politique. Et sur le plan des alliances, elle veut faire de la « realpolitik ». Elle ne veut pas définir à l’avance ses accords qu’elle pourrait être amenée à conclure, traitant région par région, mais ce qui est sûr c’est qu’elle veut, avant tout, avoir un pied dans l’étrier des institutions publiques. Reconquérir en somme ce qui est perdu depuis 1992. Scarlett HADDAD
Longtemps combattue à cause d’une image d’extrémisme, la Jamaa islamiya est malgré tout une force populaire avec laquelle il faut compter, au Nord d’abord, mais aussi à Saïda et à Beyrouth. Avec un représentant au sein du conseil municipal de Beyrouth, M. Issam Barghout, elle joue désormais la carte de l’entente. Au sein de la formation, le pragmatisme l’a emporté...