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ÉCLAIRAGE Les responsabilités seront déterminées ultérieurement, déclare Jean Obeid Les erreurs humaines, mais aussi politiques, seront-elles assumées ?

Si le Libanais de la rue, à l’unisson avec la majorité de la classe politique, n’en revient toujours pas de la célérité absolument inhabituelle avec laquelle l’État a réagi ni de l’efficacité des contacts de Rafic Hariri ou du travail, sur le continent africain, de Jean Obeid, il n’en reste pas moins que ce même Libanais continue, quatre jours après le crash, le jour de Noël, de l’avion à destination de Beyrouth sur la plage de Cotonou, de se demander, encore et encore, pourquoi et comment.
Il n’échappera à personne que hasard ou destin sont imparables, qu’un accident d’avion peut arriver à n’importe quelle compagnie, fût-elle la plus perfectionnée, la plus moderne. Le sinistre historique des crashs les plus meurtriers en témoigne. Mais lorsque l’erreur humaine est aussi flagrante qu’elle semble l’avoir été pour le Boeing 727 d’une compagnie guinéenne, la UTA (Union des transporteurs africains), les familles des victimes sont en droit de demander des comptes, et l’État libanais a le devoir d’y répondre.
En gros plan, il y a, d’abord, toutes les négligences et tout l’amateurisme du monde. La UTA, initialement consacrée au fret, a décidé il y a quelques mois de rajouter à ses (bien trop maigres) compétences le transport de voyageurs. En cassant tous les prix. De plus, les paramètres de sécurité aérienne dans les pays du tiers-monde, loin d’être rigoureux – bien au contraire –, sont perpétuellement moqués, ignorés. Et moyennant bakchichs, n’importe quel voyageur peut trimballer avec lui des dizaines de kilogrammes supplémentaires en bagages, qui viennent s’ajouter en toute impunité et en toute inconscience aux marchandises déjà bien lourdes. Sans compter le manque de professionnalisme du personnel des compagnies du genre UTA et de celui des aéroports de troisième zone. Qui ne se soucient pas souvent, loin de là, d’impératifs incontournables : la masse d’un appareil au décollage, la répartition des charges à bord de l’aéronef, ou la bonne maintenance technique de ces coucous souvent antédiluviens – à commencer par leurs trains d’atterrissage.
Et si l’on rajoute à tout cela les interminables et infinies carences du transport aérien en Afrique, mises en évidence par le crash de Cotonou, le nombre relativement réduit de crashs sur le vieux continent ressemble de près à un miracle. Et ces carences-là, le Boeing 727 de la UTA en pâtissait certainement. « Dans les pays africains, il n’y a aucune structure, ni pour travailler ni pour vérifier le travail. D’autre part, dans la mesure où ces compagnies africaines sont souvent là pour rapporter de l’argent et surtout pas pour en dépenser, il est tentant de récupérer tous les vieux avions de droite et de gauche. Sans compter la qualification des pilotes : vous avez des pilotes de toutes les nationalités qui viennent là parce qu’ils n’ont pas trouvé autre chose. » Ce constat, amer et sans appel, est celui de François Grangier, un expert en accidents d’avions, interrogé par l’AFP.
Le ministre de tutelle, Négib Mikati, dont la conscience professionnelle n’a pour l’instant jamais été mise en cause, a assuré, repris vigoureusement par Hamdi Chawk, le directeur de l’Aviation civile, que la demande de licence, déposée il y a quelques mois par la UTA auprès de cette dernière, « a été refusée parce qu’elle ne remplissait pas les conditions techniques nécessaires ». L’homologue guinéen de Négib Mikati a trop vite répondu : L’UTA, basée bien opportunément à Conakry, « n’a jamais sollicité un certificat de navigabilité à l’administration libanaise ».
Comment, à la lumière de tout cela, comprendre et accepter qu’un tel avion puisse obtenir, politique de ciel ouvert ou pas, l’autorisation d’atterrir à l’AIB ? Quelles pressions ont été exercées, et par qui, afin de permettre aux Libanais d’Afrique, appartenant dans leur majorité à la communauté chiite, de pouvoir atterrir à Beyrouth à très bas prix ?
Négib Mikati a promis une conférence de presse dans les plus brefs délais. Quant à Jean Obeid, il a assuré que les responsabilités « seront déterminées ultérieurement ». Ces deux hommes devront impérativement, s’ils souhaitent conserver le crédit qu’ils ont gagné au cours de cette épreuve, répondre à trois questions. Comment faire pour réduire au maximum les risques d’un bis repetita ? Les erreurs, humaines certes mais aussi politiques, seront-elles, pour une fois, clairement déterminées et pleinement assumées ? L’énorme diaspora libanaise, en Afrique ou ailleurs, continuera-t-elle à être négligée à ce point par l’État ?
Ziyad MAKHOUL
Si le Libanais de la rue, à l’unisson avec la majorité de la classe politique, n’en revient toujours pas de la célérité absolument inhabituelle avec laquelle l’État a réagi ni de l’efficacité des contacts de Rafic Hariri ou du travail, sur le continent africain, de Jean Obeid, il n’en reste pas moins que ce même Libanais continue, quatre jours après le crash, le...