Rechercher
Rechercher

Actualités

ATELIER D’ARTISTE - Un lieu intérieur et secret Joe Kesrouani, « Unexposed »(PHOTOS)

Il a beau exposer ses toiles immenses dans des lieux différents et sous des thèmes de plus en plus personnels, Joe Kesrouani demeure sans doute «unexposed». Pas assez ou si peu exposé au regard des autres, intériorisé, presque caché derrière ses tableaux et son lieu de vie et de travail, où atelier et maison se confondent. Pourtant, ces murs colorés et cet espace truffé de ses œuvres dégagent une sensibilité et une sensualité qui lui sont propres. Visite des lieux en couleurs et en musique. Ses deux passions. Chez lui, tout est marron, rouge, bleu. «Son» marron, «son» rouge, «son» bleu. Un peu, tellement, comme ses toiles; comme son humeur qui, de noir, a viré, avec le temps, au marron foncé.
«J’aime cette couleur, elle me rappelle le bois, la terre. Je vois l’ombre plus marron que noire», nous explique Joe, entre deux cigarettes et deux nuits blanches qu’il noircit avec ses couleurs, les mêmes, comme une obsession. «Je me réveille souvent à une heure du matin pour travailler, je ne peins que la nuit.» Tant de nuances se sont installées dans son regard, souligné aujourd’hui d’une barbe qui lui donne encore plus un air d’artiste vrai, un artiste confirmé ; tant de tonalités dans sa palette d’émotions sont venues, subtilement, se rajouter, se mélanger aux couleurs initiales. «J’ai l’air calme mais ça bouillonne à l’intérieur! Je suis quelqu’un qui retient assez mal ses émotions. Diplomatie, on raye, politique, on raye…» Chez lui, l’atelier a beau s’être installé dans une pièce précise, il est partout, car sa maison s’est transformée en salle d’exposition, rien que pour lui, et bien sûr en un lieu d’inspiration. Les murs, marron, rouge, bleu, ont déteint sur ses toiles ou est-ce le contraire... On ne sait pas trop, mais est-ce vraiment important de savoir lorsqu’on peut se contenter de regarder et de sentir ?

De l’intensité dans l’air
En pénétrant l’antre de Joe, qui demeure un lieu très privé, c’est surtout l’atmosphère qui s’en dégage qui est puissante et saisissante. Joe Kesrouani est un artiste complet, qui manie avec autant de talent peinture, photographie et architecture. Dans l’ordre. Et c’est dans cet ordre que son travail s’affiche sur tous les murs. Là, des photos en noir et blanc prises à Paris, sa ville-muse, sa passion; plus loin, des toiles rescapées des dernières expositions, plusieurs «péchés capitaux» comblant de leur présence la salle à manger, en bois marron. «Mon travail, c’est ma raison de vivre au Liban. Je regarde souvent mes tableaux pour les “casser”, les changer, si je sens qu’il le faut. Le travail n’est jamais totalement fini, mais il y a un moment où l’équilibre de l’image est là, arrêter devient une évidence.» Méticuleux, perfectionniste, les murs de toutes les pièces ressemblent à une composition bien organisée, presque parfaite. Dans l’atelier étonnamment ordonné et propre, inondé de lumière et de CD, un grand trépied accueille ce matin une impressionnante toile, une commande privée, sur laquelle le peintre travaille depuis… six mois. «Mon travail a certainement évolué ces dernières années, dans la recherche de la lumière, la texture, l’utilisation de plusieurs matériaux, le coup de pinceau. Avant, mon travail était plus classique, plus parfait. Maintenant j’essaie de salir la couleur, avec une couche de marron.» En attendant une exposition prévue à Londres, en attendant un livre, son rêve, de peinture et de photo, Joe a réuni son travail de 1999 à 2002 dans un book «de repérage» rien que pour lui, qu’il a intitulé Unexposed. Et c’est dans l’obscurité des lieux, qui animent les nuits de Beyrouth, qu’il s’en va assouvir et partager sa dernière passion, offrant aux noctambules une nouvelle palette de ses musiques préférées. Même s’il rajoute: «Il y a de moins en moins de gens qui écoutent. Je suis très optimiste, mais mon regard sur le monde l’est moins. Le monde n’est pas rose en ce moment.» Plutôt marron, rouge ou bleu. Le monde selon Joe Kesrouani.

Carla HENOUD
Il a beau exposer ses toiles immenses dans des lieux différents et sous des thèmes de plus en plus personnels, Joe Kesrouani demeure sans doute «unexposed». Pas assez ou si peu exposé au regard des autres, intériorisé, presque caché derrière ses tableaux et son lieu de vie et de travail, où atelier et maison se confondent. Pourtant, ces murs colorés et cet espace truffé de...