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Vie universitaire - Les étudiants de l’USJ se souviennent du président assassiné Nayla Moawad : En tuant René Moawad, on a voulu attenter à l’indépendance, à la libre décision (photos)

Les étudiants du campus des sciences sociales de l’Université Saint-Joseph (USJ, rue Huvelin) ont commémoré l’assassinat du président René Moawad, le 22 novembre 1989, quelques jours après son élection à la présidence de la République. Cet événement s’inscrit dans le cadre d’une série de journées consacrées à de grands hommes politiques libanais contemporains, à l’instar de Béchir Gemayel, l’imam Moussa Sadr, Camille Chamoun ou Kamal Joumblatt. L’objectif étant de sortir des mémoires collectives partielles et de jeter les bases d’une mémoire collective nationale.
L’USJ a ainsi rendu hommage à l’un de ses anciens étudiants (promo 1948 de la faculté de droit, comme Michel Eddé et Élias Sarkis) et à un homme qui, aux yeux de beaucoup de Libanais, s’est sacrifié pour l’unité et l’indépendance du Liban. Un hommage marqué surtout par le mot très émouvant, à la fois panégyrique du défunt et bilan noir des 15 années post-Taëf, de Mme Nayla Moawad.
Une exposition-photo retraçant le parcours de l’homme a été organisée sur le campus de l’université, ainsi qu’une vente de livres et du DVD du documentaire réalisé par la chaîne New TV sur René Moawad. Le montant des recettes, s’élevant à 1 200 dollars, a été entièrement reversé par la Fondation René Moawad à la caisse du service social de l’USJ.
En soirée, une conférence sur René Moawad a été organisée à l’amphithéâtre A de l’université, en présence d’un grand nombre de personnalités, parmi lesquelles le fils du président Moawad, Michel Moawad, l’ancien président de la République Amine Gemayel, le ministre de l’Économie Marwan Hamadé, l’ancien Premier ministre Sélim Hoss, l’ancien ministre Fouad Boutros, les députés Nassib Lahoud, Boutros Harb, Salah Honein, le représentant personnel du général Michel Aoun, le général Nadim Lteif, Mme Sethrida Samir Geagea, le chef du Parti national libéral, Dory Chamoun, le secrétaire général du PNL, Élias Bou Assi, les membres du Rassemblement de Kornet Chehwane Camille Ziadé, Chakib Cortbaoui et Farid el-Khazen, l’ancien député Tammam Salam, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Michel el-Khoury, et l’ancien bâtonnier Michel Khattar.
L’épouse du président défunt, la députée Nayla Moawad, l’ancien président de la Chambre Hussein Husseini et le rédacteur en chef du journal al-Anouar, Rafic el-Khoury, ont pris la parole pour évoquer la mémoire et le message de René Moawad.
La conférence a débuté par une minute de silence, observée par les étudiants à la mémoire de l’étudiant Rami Azzam, décédé le 27 octobre dernier, et qui faisait partie de la promotion 2003 de la faculté de droit.
Jamil Moawad, étudiant en troisième année de sciences politiques, est ensuite intervenu en ces termes : « Il m’a été demandé de vous parler d’un président que je n’ai pas eu la chance de connaître. Sa disparition est pour nous une blessure inguérissable ». Citant le président Husseini, M. Moawad a affirmé : « Le président Moawad faisait partie des piliers de la nation. En l’assassinant, c’est un pilier de l’entente nationale qui a disparu. » Et de poursuivre : « S’il était encore en vie, nous n’en serions pas là. Il a été assassiné, et c’est tout un projet qui est mort, non pas celui de l’État, mais celui des équilibres les plus délicats. Il savait ménager tout le monde sans perdre de vue l’essentiel : le maintien de la souveraineté, sur laquelle il n’a pas transigé. S’il lui avait été donné de poursuivre le chemin, nous n’aurions pas connu cette classe politique qui ne recherche qu’une seule chose : les moyens de se maintenir au pouvoir. » « Est-ce cela la démocratie consensuelle, celle de toutes les inégalités ? » s’est-il enfin demandé.
Pour sa part, Nabil Abou Charaf, président du bureau de la faculté de droit à l’amicale estudiantine de l’USJ, a affirmé : « Si René Moawad avait complété son mandat, en serait-on arrivé là où nous sommes aujourd’hui ? Les relations fraternelles se seraient-elles transformées en occupation ? » Et de conclure en se demandant si René Moawad n’avait pas été victime des mots en faveur de l’unité du Liban qu’il avait prononcés à Ehden, quelques jours avant son assassinat.

Nayla Moawad
« L’histoire ne peut être effacée par une décision. Le 22 novembre sera toujours le jour de l’indépendance. Nous allons le transformer de commémoration en fête, par le biais de la foi, de l’amour, de la coordination et de la solidarité, pour effacer la tristesse et triompher du désespoir. Nous allons recouvrer l’honneur d’appartenir à une seule identité et à un seul territoire. » C’est par ces mots, extraits du discours de l’Indépendance de René Moawad, le 21 novembre 1989, que Nayla Moawad débute son intervention.
Et Mme Moawad d’enchaîner : « Telle était sa décision. Et c’est pour cela qu’ils l’ont tué. »
« Où en sommes-nous de l’indépendance, qui a ses éléments propres à elle ? Où en sommes-nous de l’entente entre Libanais, fondée sur la réconciliation nationale ? “Nous n’excluons personne, même ceux qui se bornent à s’exclure de la réconciliation.” N’est-ce pas ce qu’avait dit René Moawad ? Il a été assassiné, ainsi que la réconciliation », a-t-elle souligné.
Évoquant la vision qu’avait le président Moawad des relations libano-syriennes, la députée a estimé que « le fait de créer des antagonismes spontanés avec la Syrie porte atteinte à l’entente, tout comme des relations déséquilibrées avec la Syrie lèsent la souveraineté et la libre décision ». « René Moawad a été assassiné. Les relations ont changé de visage, et un pouvoir que les Libanais n’ont pas choisi a été imposé. Un pouvoir qui a hypothéqué la décision et à qui il est interdit de demander des comptes », a poursuivi Mme Moawad.
Faisant un bilan du projet étatique de René Moawad, la députée a évoqué l’État de droit et de la modernité, l’État légitime déterminé « à mettre fin à l’existence des mini-États et à rétablir la souveraineté de la loi sur tous les territoires », l’État indépendant, garantissant l’égalité des chances, l’État de la démocratie, des libertés et de la participation. « Mais René Moawad a été assassiné. Ils ont bafoué l’État, ont faussé la représentation, se sont partagé les institutions, ont légitimé la corruption. Ils ont ridiculisé la justice au service de leurs propres intérêts. Ils ont affamé l’État et ont favorisé l’émigration des jeunes », a-t-elle affirmé.
« Où en sommes-nous de la République de René Moawad, “fondée sur les droits de l’homme, le respect des libertés, à commencer par la liberté d’expression” ? » estimant que le président avait plaidé en faveur d’« une armée nationale, au service de tous ». Et de revenir à la charge : « Ils ont violé les droits de l’homme, ont réprimé les libertés et brutalisé les étudiants. Ils ont fermé certaines chaînes de télévision et ont établi un contrôle sur les autres. Ils ont noyauté les syndicats, paralysé les partis et empêché l’armée de se déployer sur l’ensemble du territoire, pour mieux la pousser à affonter sa population. »
Mme Moawad a enfin estimé que le projet de société de son défunt époux, favorable à la coexistence, au pluralisme, au consensus et à la diversité, avait été saboté : « Toutes les valeurs ont été frappées lorsque René Moawad a été tué. Ils ont récompensé les voleurs et les criminels, ont laminé le secteur de l’enseignement, ont provoqué une hémorragie des cerveaux. Ils ont marchandé les naturalisations suspectes à des fins électorales et ont fait perdre au Liban son rôle pionnier en paralysant le développement à tous les niveaux (institutions médiatiques et technologiques, secteur bancaire). »
Et de tirer les conclusions suivantes : « En tuant René Moawad, ce n’est pas uniquement l’homme ou le processus de Taëf qu’on a voulu éliminer. Il s’agissait aussi d’un attentat contre l’indépendance réelle, la souveraineté et la libre décision, contre l’État de droit et de la modernité, contre une nouvelle chance de renaissance, contre laquelle se sont liguées des circonstances internationales, régionales et locales pour la faire avorter. »
« Mais le salut est encore possible », et, selon la députée, il est d’abord tributaire de l’unité nationale tant voulue par René Moawad, en vue d’un changement démocratique et la mise en place d’un pouvoir alternatif, dans l’optique du document politique proposé par le Rassemblement de Kornet Chehwane. Et de conclure son intervention sur une citation du président, quelques heures avant sa mort : « Je vous pose une question du fond du cœur : Aimons-nous ce pays ? Je connais la réponse. Alors, unissons-nous pour construire, être heureux et vivre. »

Husseini et Rafic el-Khoury
L’ancien président de la Chambre Hussein Husseini a ensuite évoqué l’esprit dans lequel l’accord de Taëf avait été élaboré, s’attardant longuement sur le Préambule de la Constitution. M. Husseini a estimé ensuite que l’esprit et la lettre de l’accord de Taëf avaient été violés par le pouvoir en place, ce qui avait provoqué « l’effondrement de la vie politique et des institutions ». « L’esprit de cet accord est simple : le Liban doit rester aux Libanais et rester attaché aux droits de l’homme », a-t-il dit. Il a ensuite rendu hommage au président Moawad. « Quoi que je puisse dire sur lui, ce n’est jamais assez. Nous avons fondé beaucoup d’espoirs sur lui. Il était l’homme de l’entente, un homme d’État, qui a aidé, avec quelques-uns de ses camarades, à préserver et à restaurer la nation. Aujourd’hui, nous sommes là pour renouveler notre engagement de poursuivre la diffusion de son message, celui pour lequel il est mort », a-t-il affirmé. « Dans chacun des principes (du Préambule), je vois le président martyr René Moawad », a-t-il poursuivi, en évoquant la naissance du Front national de réforme, courant pluraliste qui vise, selon lui, à appliquer Taëf.
S’adressant aux étudiants, il a enfin indiqué : « Vous constituez l’espoir. Vous devez être le nerf à travers lequel le message doit aboutir. Nous assumons tous une responsabilité, (...) et il existe une possibilité de salut. »
Quant à Rafic el-Khoury, il a indiqué : « L’homme que nous avons perdu était un président. Il faisait partie de ceux sans lesquels le Liban ne peut être bien gouverné. Mais son exemple vit en nous, et nous devons faire notre possible aujourd’hui pour ne pas perdre la République. »

M. H. G.
Les étudiants du campus des sciences sociales de l’Université Saint-Joseph (USJ, rue Huvelin) ont commémoré l’assassinat du président René Moawad, le 22 novembre 1989, quelques jours après son élection à la présidence de la République. Cet événement s’inscrit dans le cadre d’une série de journées consacrées à de grands hommes politiques libanais contemporains,...