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Jeune, vieux, compétent... c’est le grand toboggan

C’était il y a longtemps. Au gamin qui se la coulait douce à l’école, les parents lançaient : « Tu finiras chômeur ! » Une honte, dans l’esprit de l’époque. Comme il y avait de l’ouvrage pour tout le monde, le chômeur rasait les murs à l’heure où ses voisins étaient déjà au boulot. On le pointait du doigt. Il n’était qu’un bon à rien qui manquait à la mission première de l’homme : nourrir honnêtement sa famille. C’était il n’y a pas très longtemps. C’était avant que tout bascule.
Aujourd’hui, il y a ceux qui ont un job et ceux qui n’en ont pas. Il est recommandé aux premiers de n’en tirer aucune vanité : ils savent bien qu’ils sont en sursis. Leur destin ne leur appartient pas. Il peut leur tomber sur la tête d’un jour à l’autre. Une usine qui ferme, un licenciement massif, qui s’en soucie ? Quelques lignes dans les journaux et encore. Les diplômes, la jeunesse, l’expérience, le courage, l’audace, la volonté : plus rien ne met à l’abri du grand toboggan. Ils y glisseront peut-être un matin pas différent des autres, quand les gosses partent à l’école et les parents s’engouffrent dans les embouteillages pour aller au bureau. Le rituel immuable. Vous avez dit « immuable » ?
On a inventé des mots pour ça: compression de personnel, optimisation de l’outil de travail, restructuration, que sais-je encore ? C’est peut-être par psychologie. On dit rarement à un malade, de but en blanc, qu’il a un cancer. On l’habitue petit à petit à l’idée qu’il est passé de l’autre côté du miroir. Le « restructuré » au début ne se sent pas tout à fait chômeur. C’est comme les accidents de la route, on s’imagine toujours que ça n’arrive qu’aux autres. On se dit qu’on est dans une mauvaise passe, qu’on va s’en sortir et que les chômeurs de longue durée n’ont pas su se débrouiller. La dégringolade, c’est bon pour les scénarios. Jugnot en a tiré un film, Une époque formidable. Mais c’était du cinéma.
Cette époque formidable a éduqué ses enfants dans le mythe de l’ascension sociale, de signes extérieurs de la réussite professionnelle. Elle les laisse tout nus devant les revers de la fortune, quand vient le temps des premiers échecs, des lettres de candidature sans réponse, des espoirs déçus, de l’attente, des stages de formation qui ne servent à rien. Il faut se reconvertir, repartir de zéro ? Facile à dire.
Car votre âge vous tombe dessus sans crier gare. Trop jeune ou trop vieux, selon les cas. Trop jeune : pas d’expérience. Trop vieux : l’avenir est derrière soi. Entre les deux, alors qu’on est bourré d’ambition, qu’on a des projets plein la tête, on est un chômeur pas facile à caser. Trop cher, trop compétent. Quelle excuse !
La faute à qui, la faute à quoi ? La conjoncture, les taux d’intérêt, la productivité, la crise ? Entre 13 et 20 % de la population active est au chômage, attendant que ça change. Faut-il attendre Godot ?
May MAKAREM
C’était il y a longtemps. Au gamin qui se la coulait douce à l’école, les parents lançaient : « Tu finiras chômeur ! » Une honte, dans l’esprit de l’époque. Comme il y avait de l’ouvrage pour tout le monde, le chômeur rasait les murs à l’heure où ses voisins étaient déjà au boulot. On le pointait du doigt. Il n’était qu’un bon à rien qui manquait à la...